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Prospective

Ferveur autour de l’iPhone

A quelques heures d’être livré à la multitude, l’iPhone mobilise autour de lui une ferveur peu commune, très largement au-delà de son cénacle habituel. Doit-on attendre des miracles de l’iPhone ?

Boro

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Produit radicalement nouveau pour ses zélateurs, simple resucée de ce qui existe ailleurs pour les sceptiques, la folie iPhone est semble-t-il à son apogée à quelques heures de sa sortie officielle, 18 heures heure locale. Un peu partout [l’iPhone] fait les gros titres de la presse mondiale, le plus souvent sous l’angle du “phénomène iPhone”, bien commode pour passer complètement à côté à force de se donner l’air de prendre du recul. C’est pourtant oublier que le phénomène technologique de plus “hype” des dernières décennies porte en lui la prochaine révolution de ce que les spécialistes appellent l’interface utilisateur. Entre autres.

Une véritable Assomption

Chapeau l’artiste. Pourtant réputé orfèvre en la matière, Apple est sans doute en train de réussir le lancement-produit le plus phénoménal de l’histoire de l’industrie hi-tech, et ce alors-même que sa présentation au public le 9 janvier dernier lors de la MacWorld (voir la chronique du 7 février), pratiquement 6 mois avant sa sortie officielle, était pratiquement considéré comme un suicide mercatique par certains spécialistes. Pendant ces mêmes 6 mois, les analystes – en majorité du secteur de la téléphonie – se sont succédés pour expliquer pourquoi l’iPhone ne pouvait PAS marcher, de moins en moins souvent il est vrai au fur et à mesure que la vague prenait de l’ampleur.

Le nouveau-venu cumulait à leurs yeux tous les handicaps : Apple arrivait totalement dénué d’expérience sur un marché hyper-mature sinon saturé ; avec un produit cher sinon très cher lié à un opérateur unique quand le secteur fonctionne précisément sur le modèle inverse de la subvention par l’opérateur ; absence de réseau 3 G ; autonomie en question, etc. Au final, et à tout juste 24h de l’événement, 114 millions de pages en résultat sur le mot iPhone dans la base générale de Google – 1 990 000 en français ! – et près de 14 000 occurrences pour les pages américaines de Google sur les 30 derniers jours – 1 200 pour les français – et des blogs créés par dizaines dans toutes les langues des mois avant que le produit soit disponible, c’est-à-dire avant d’avoir quelque chose de réellement intéressant à dire…

Sans forcer son talent, avec une réelle économie de moyens qui contraste avec la déferlant qui accompagne l’iPod depuis le lancement du Music Store, puisque les choses sérieuses n’ont commencé pour de bon avec les spots TV que le 3 juin ; c’est à ce moment qu’est annoncée la date officielle de lancement, et que des informations sont soigneusement distillées depuis, avec l’annonce de performances sensiblement en hausse et des vidéos d’explication sur son fonctionnement comme seuls les américains savent en faire. Seul indice de l’importance donnée en interne au petit nouveau, pour la première fois depuis le retour de Steve Jobs à la tête de la société – laquelle coïncide avec l’envolée d’internet – les contenus vidéo consacrés à l’iPhone sur le site d’Apple sont également proposés au téléchargement, quand les autres “Keynotes” du patron sont régulièrement retirées du site au furet à mesure de ses nouvelles prestations. Et pour couronner le tout, une véritable harangue devant le front des troupes – ses moines-soldats, comme on voudra – pour expliquer sa stratégie à l’ensemble des employés des employés de la firme…

Au final, des magasins approvisionnés sous escorte dès la sortie de la soute de l’avion et des queues qui s’allongent devant les enseignes Apple et AT&T malgré la chaleur estivale, pour les premiers depuis le lundi après-midi sur la 5e avenue à New-York, en attendant la ruée prévue pour le vendredi matin. De quoi faire passer la bousculade soigneusement médiatisée du lancement de Windows 95 pour une gentille kermesse de village !

«Les premiers seront les derniers…»

Une fois cette frénésie prise en compte, quelles sont alors les qualités et les défauts de l’appareil ? Ce sont une nouvelle fois les grands supports de la presse écrite qui ont bénéficié de la primeur – Steven Levy pour Newsweek, Edward Baig pour USA Today, Walt Mossberg pour le Wall Street Journal, David Pogue pour le New York Times – parce que leurs chroniqueurs sont à la fois attentifs aux nouveautés proposées par Apple, tout en étant “professionnels” et critiques, comme savent se montrer les journalistes américains. Or le consensus qui semble se dégager après 2 semaines d’utilisation est à peu près unanime : si l’iPod n’est pas parfait, loin s’en faut (qualité de réception correctes sans plus, l’absence de zoom ou de possibilité de capturer des vidéos, l’absence de possibilité d’utiliser un réseau 3G ou le positionnement GPS, l’abonnement lié pour 2 ans chez AT&T et surtout son prix alors qu’il n’est pas possible d’augmenter sa mémoire), ses qualités le rendent extrêmement séduisant, grâce à son interface tactile et la qualité de son expérience utilisateur, marque de fabrique d’Apple.

Même sa frappe si particulière au clavier qui demande quelques jours d’apprentissage devient vite une expérience très agréable, au point qu’il est difficile d’envisager un retour en arrière.

Tous les éléments pour une véritable bataille d’Hernani sont donc en train de se mettre en place :
Apple se prépare à bouleverser une nouvelle fois la donne, et ce de 2 manières : une part en introduisant l’interface tactile, avec des gestes naturels et non plus un stylet, avec un véritable ordinateur qui met OS X et Safari (voir l’édito du 16 juin) dans toutes les poches en attendant la tablette au format à peine supérieur pour lequel elle a servi de laboratoire ; d’autre part en obligeant les opérateurs téléphoniques à faire évoluer leur modèle économique, de la même manière qu’elle a obligée à 2 reprises l’industrie du disque à adopter un modèle plus vertueux que ce soit en matière de prix ou de DRM.

Cette fois-ci, en introduisant de l’illimité et du “tout-compris” dans les packs qui accompagnent l’iPhone qui sont proposés par AT&T à des tarifs tout à fait comparables à ses offres habituelles, et en “poussant” le Wi-Fi à prendre le relais chaque fois que c’est possible, quand le business model des opérateurs consiste précisément à facturer à la minute ou au débit, pour des services supplémentaires, Apple remet l’utilisateur au centre du jeu : rien d’étonnant à ce que les opérateurs européens la trouvent “extrêmement arrogante“, voire que Vivendi l’actionnaire principal de SFR envisage de vendre ses parts…

Du pain béni pour les médias

Pour ce qui est du marché français, qui devrait recevoir l’iPhoe a priori vers le mois de novembre en même temps que les autres européens, c’est Orange qui est toujours en majorité annoncé par les Prophètes, même si l’anglais Vodaphone – actionnaire minoritaire de SFR – est plutôt le favori pour ce qui concerne l’ensemble du vieux continent. Difficile pour le moment de séparer le bon grain de l’ivraie ! Enfin, que les consommateurs français se rassurent : le modèle destié au marché européen devrait être très vraissemblablement plus adapté à la couverture 3G de ce côté-ci de l’Atlantique, nettement plus dense qu’aux États-Unis.

Apple réussira-t-elle à changer l’eau en vin ? En tous les cas, le petit téléphone qui est attendu comme le Messie, au point que que quelques facétieux l’ont baptisé Jesus Phone voici déjà plusieurs semaines : un comble dans un pays qui a vu brûler des disques des Beatles, après que John Lennon eut déclaré au détour d’un interview que le nom du groupe y était désormais plus connu que celui du Christ. Apple a d’ailleurs répondu avec un clin d’œil sur l’une des ses vidéos, en concluant par ” le toucher c’est croire ” touching is believing “. Malgré ses imperfections, ‘Jesus Phone’ sera-t-il l’instrument de la résurrection d’Apple, en attendant de multiplier ses adaptations comme d’Autres les pains et les poissons ? (voir la chronique du 26 juin).

La ferveur inédite autour de l’iPhone, avec son cortège de zélotes et d’enthousiastes plus ou moins illuminés, aura au moins fourni aux médias du monde entier les images pittoresques dont ils sont si friands. Il n’est pas sûr que cela les aide à saisir toute la portée du phénomène.

Les caractéristiques techniques
Le résumé des tarifs AT&T
Jesus Phone en vidéo
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