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Interview

John Sculley sur Apple et Steve Jobs

«Steve était simplement, dans beaucoup de cas, en avance sur son temps»

iMike

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Le site Cult of Mac propose aujourd’hui une longue et passionnante interview de John Sculley, qui a été CEO d’Apple entre 1983 et 1993, en tandem avec un certain Steve Jobs. Il y dévoile quelques petits secrets de l’entreprise, et de son charismatique fondateur…

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À propos de l’invention de produits

Sculley a une jolie explication à propos de la façon dont Steve Jobs «invente» ses produits, une manière d’ailleurs partagée avec Edwin Land, l’inventeur du Polaroid. Lors d’une rencontre avec ce dernier, Jobs et lui sont tombés d’accord sur un point : ils n’inventent pas les produits, ils les «découvrent». Simplement, personne d’autre ne les a jamais vus avant eux ! «Nous étions ceux qui les découvraient. L’apparell-photo Polaroid a toujours existé, et le Mac a toujours existé – tout est question de découverte».

À propos du visionnaire

Il a beau être un génie, Steve Jobs s’est trompé à plusieurs reprises. Ainsi, «il ne voulait pas d’un disque dur dans le Macintosh. Quand quelqu’un lui posait une question à ce propos, il lançait un petit disque à travers la pièce et disait, “C’est tout ce que nous aurons jamais besoin”».

En revanche, le fondateur d’Apple a prouvé à maintes reprises sa vision de l’informatique : «Steve menait le développement de ce qu’on appelait AppleTalk et AppleLink. AppleTalk était le protocole qui permettait au Macintosh de communiquer avec l’imprimante laser, ce qui a lancé la publication assistée par ordinateur (…) AppleTalk était aussi brillant que l’était le Macintosh».

Cette technologie est caractéristique de la manière de fonctionner de Steve Jobs : «une approche minimaliste, et une résolution du problème dont personne ne pensait qu’il devait être résolu. Steve résolvait des problèmes dans les années 80 qui 15 ou 20 ans plus tard sont précisément les problèmes sur lesquels nous travaillons». Seul hic : les technologies de l’époque étaient bien moins avancées qu’aujourd’hui. «Steve était simplement, dans beaucoup de cas, en avance sur son temps».

À propos du design

Pour imaginer leurs produits, Steve Jobs et John Sculley ont particulièrement étudié le travail des constructeurs automobiles italiens sur le design. «Nous regardions la finition, les matériaux, les couleurs, ce genre de choses. À l’époque, personne ne faisait ça dans la Silicon Valley».

Quand Jobs a quitté Apple, contraint et forcé, beaucoup se demandait ce que Sculley allait faire à la tête de la société : «“Comment ont-ils pu mettre un gars qui n’y connait rien en ordinateur, à la tête d’une entreprise informatique ?”. Ce que ces gens n’avaient pas réalisé, c’est qu’Apple n’est pas seulement des ordinateurs. C’est surtout du design de produits et du marketing, une question de positionnement». À l’époque, on disait d’Apple qu’il s’agissait d’une «agence de pub verticalement intégrée», ce qui ne plaisait pas vraiment aux ingénieurs. Mais aujourd’hui, c’est effectivement devenu le cas : «C’est le modèle. La chaîne de production est gérée ailleurs».

À propos de Sony

On a souvent comparé Apple à Sony, et pour cause : Steve Jobs entretenait une vraie fascination pour l’entreprise nipponne. Quand Akio Morito a offert à Sculley et Jobs les premiers exemplaires du Walkman il y a 25 ans, «Steve était fasciné par l’appareil. La première chose qu’il a faite a été de le démonter et d’en regarder chacun des composants».

Steve Jobs était «fasciné par les usines Sony». Il n’a pas manqué d’en visiter quelques unes, où il a été frappé par l’organisation du travail, avec des employés portant des uniformes de telle ou telle couleur d’après leurs fonctions. «Le point de référence de Steve a été Sony, tout le temps. Il voulait être Sony. Il ne voulait pas être IBM. Il ne voulait pas être Microsoft. Il voulait être Sony».

À propos d’une licence du système d’exploitation

Il est communément admis que si Apple avait bien voulu licencier son système d’exploitation, l’histoire aurait été bien différente et Microsoft ne serait pas devenu ce qu’il est. L’unique tentative de licence de Mac OS, bien après l’explosion de Windows, s’est soldée par un échec avec l’épisode des clones… De toutes façons, il aurait été impossible de proposer des licences de l’OS original.

«Le Mac original n’avait pas de système d’exploitation. Les gens nous demandaient “Mais pourquoi vous ne licenciez pas l’OS ?” La réponse est simple : il n’y en avait pas». Sculley explique que le logiciel interne du Mac était fait de bidouilles et de bricolages; «il était remarquable que que l’on puisse livrer une telle machine quand vous pensez que le premier processeur du Mac était moins puissant que 3 MIPPs (…) Même votre montre est au moins 200 à 300 fois plus puissante que le premier Macintosh» !

À propos du Newton

On apprend que le Newton, le premier PDA jamais sorti, a tout simplement sauvé Apple de la banqueroute, même si les apparences laissent penser que l’appareil a fait plonger Cupertino (en revenant aux manettes de son entreprise, Steve Jobs enterra bien vite cette division). Pour Sculley, le Newton était «en avance sur son temps», notamment grâce à une nouvelle génération de processeurs développée par Apple et un certain Herman Hauser, qui a par la suite imaginé l’architecture ARM, dont le coeur bat désormais au sein de bon nombre de produits mobiles actuels…

Malheureusement, Apple a dû vendre sa part dans ARM pour 800 millions de dollars, au moment où le constructeur avait besoin de liquidités.

Les secrets de la réussite de Steve Jobs

Pour conclure, John Sculley a bien voulu livrer ce qui, selon lui, constitue la formule gagnante de Steve Jobs.

Un design réussi

L’expérience utilisateur : «Steve a toujours regardé les choses avec la perspective de ce que l’expérience utilisateur allait être». Et cela concerne aussi bien l’OS que les boutiques…

Pas de focus groups : «Steve disait : “Comment est-ce que je peux demander à quelqu’un ce que devrait être un ordinateur avec une interface graphique quand personne n’a aucune idée de ce à quoi ressemble un ordinateur ?”».

Être perfectionniste

Vision : «Il pensait que l’ordinateur allait devenir un produit de grande consommation». Une idée plutôt incongrue au début des années 80…

Minimalisme : «Ce qui rend la méthodologie de Steve Jobs différente de celle des autres est qu’il a toujours cru que les décisions les plus importantes que vous prenez ne sont pas à propos des choses que vous devez faire – mais les choses que vous décidez de ne pas faire».

Embaucher les meilleurs

Soigner les détails

Rester petit : Steve Jobs ne respectait pas les grosses organisations. «Il sentait qu’elles étaient bureaucratiques et inefficaces. Il les appelait “bozos”». C’est également pourquoi il tenait à ce que l’équipe Mac ne compte pas plus de 100 personnes…

Rejeter le mauvais travail : «Steve poussait constamment les gens à élever le niveau de ce qu’ils pouvaient réaliser. Les gens produisaient ce dont ils pensaient ne pas être capables…»

Perfection : «La chose qui sépare Steve Jobs de Bill Gates – Bill était brillant également – (…) est que Bill voulait dominer un marché. Il aurait mis tout ce qu’il avait pour gagner cet espace. Steve n’aurait jamais fait ça».

Penser tout le système : «L’iPod est le parfait exemple de la méthodologie de Steve, en démarrant de l’utilisateur vers tout un écosystème (…) Il n’est pas un designer, mais un penseur de système. C’est quelque chose qu’on ne voit pas dans les autres entreprises. Elles ont tendance à se concentrer sur un aspect et de sous-traiter le reste».

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