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Événement

AAPL : pourquoi le plan Tim Cook ? (1)

Pourquoi Apple va-t-elle verser 20 milliards l’année prochaine à ses actionnaires ? Pour les même raisons qu’elle avait conservé son cash pendant 15 ans. 1er volet d’une réponse en 2 parties.

Boro

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Une chose est sûre, désormais : tous les bons apôtres qui avaient cru pouvoir se rassurer en pensant que Tim Cook était un perdreau de l’année, susceptible de mener Apple à sa perte pour l’absence de son mentor, vont devoir se faire une raison. L’annonce d’un plan en deux points, avec une décision de distribution de dividendes et de rachat d’actions faite par le nouveau PDG avec l’aval du conseil d’administration la semaine dernière montre qu’à l’évidence l’ancien bras droit de Steve jobs n’avait pas gagné sa confiance et son estime pour rien.

Tim Cook l’a rappelé lors de la conférence téléphonique où cette annonce a été faite : les affaires d’Apple sont florissantes, et la société se trouve assise sur une montagne de cash. Or, jusqu’à présent et depuis 1995, la firme à la pomme n’avait plus distribué des dividendes. Elle n’avait d’ailleurs pas procédé à des rachats d’actions non plus, décidant même à deux reprises des dédoublements du titre AAPL.

La raison en est limpide, et ne surprendra pas qui connaît un tant soit peu l’histoire de la firme : après une panne de l’innovation de plus de 10 ans sous le magistère de John Sculley, l’irruption de Windows 95 avait fini par placer la société dans une situation telle qu’elle était incapable de verser le moindre dividende à ses actionnaires… faute de bénéfices.

En outre, dans les derniers mois de cette spirale mortifère à laquelle le retour de Steve Jobs allait permettre de mettre fin, le titre était tombé si bas que Jobs dut pratiquement tordre le bras du conseil d’administration, afin que celui-ci acceptât de revaloriser les stock-options distribuées aux cadres d’Apple. L’urgence était, déjà, de prévenir une hémorragie des talents les plus indispensables au redressement de la société qui, avec une capitalisation boursière de 2 (deux milliards) et 300 millions de dollars, était à la merci de premier fond d’investissement venu.

Une cure d’ascétisme forcé…

On se souvient de la cruauté du mot de Mickaël Dell, alors au faîte de sa puissance, interrogé fin 1997 au symposium Gartner sur ce qu’il ferait à la place d’un Steve Jobs tout fraîchement revenu aux commandes : “Je plierais boutique et je rendrais l’argent aux actionnaires…” On connaît la suite…

Une seule chose a sauvé Apple à l’époque : la firme à la Pomme, considérée comme « en état de mort imminente », n’intéressait plus personne. Redevenue attrayante avec le retour de Jobs et grâce à l’iMac 1er du nom, la problématique qui a présidé pendant près de quinze ans à la conservation en interne de la totalité du cash généré par la société était de garantir sa croissance de façon indépendante, en jouant sur 2 leviers :

En en faisant augmenter régulièrement la valeur du titre, Apple :
– évitait le rachat par un prédateur, en augmentant la valeur de la société pour la rendre trop difficile à avaler, mais également un certain type d’actionnaires stables, investissant à moyen ou long terme dans la société parce qu’ils lui faisaient confiance ;
– attirait et fidélisait les es talents les plus brillants, chacun dans son domaine d’expertise, avec la distribution de stock options moyennant la réalisation d’objectifs ;

En faisant gonfler démesurément sa pelote, la Pomme :
– gardait sous la main de quoi tuer dans l’œuf toute tentative de prise de contrôle ou de constitution de minorité de blocage ;
– se donnait la possibilité d’effectuer des investissements stratégiques, soit en s’offrant une société dont la technologie lui manquait, soit en achetant par avance des composants d’importance vitale, à partir de 2005 ;

De plus, en divisant ses actions à 2 reprises depuis le retour de Jobs, Apple a encore renforcé l’action de ces 2 leviers, chaque demi-action gardant peu ou prou la même valeur que la précédente et continuant à grimper… un peu comme dans un dessin animé de Tex Avery.

Une problématique d’abondance…

Or avec 570 milliards de dollars de capitalisation, à raison de plus de 620 $ l’action et 55 milliards de trésorerie immédiatement disponible, Apple non seulement ne craint plus quelque prédateur que ce soit, mais, avec un bénéfice avant impôts de pratiquement 33 milliards de dollars pour l’année fiscale 2011, serait à même de ne faire qu’une bouchée, ou presque, d’acteurs majeurs comme par exemple Adobe qui représente à 17 milliards de dollars

Autant dire que si les objectifs industriels de base demeurent – continuer la course en tête des innovations dans le champ général de la dématérialisation des contenus – Apple doit à présent les affronter avec des problématiques « de riches » à mesure que la société a élargi son empreinte, sa taille et les domaines de son activité économique. En particulier, Apple n’est plus cette curiosité au fonctionnement de quasi start-up dans le paysage informatique mondial.

De fait, elle attire désormais la méfiance de l’ensemble des acteurs à sa périphérie et éprouve un certain nombre de difficultés à continuer à fonctionner de façon « intégrée », c’est à dire à la fois avec une grande autonomie dans de fonctionnement des équipes et un contrôle central draconien, à la fois pour assurer la cohérence des projets entre eux et concentrer la force de frappe de l’entreprise sur les plus pertinents d’entre eux. À la fois cause et conséquence de cette situation, Apple peine quelque peu à conserver ses talents, à la fois ceux qu’elle recrute avec les sociétés qu’elle rachète et ceux plus anciens qui, une fois leur « mission » terminée, vont naturellement mener un autre projet un peu plus loin, selon les usages de la « Valley »…

Bref, Apple doit éviter la dilution autant que faire se peut, évolution inexorable qui a fait redescendre d’autres sociétés qui comme Oracle, Cisco, IBM ou Microsoft ont atteint ou dépassé le pic symbolique des 500 milliards de capitalisation, avec la fin de leur domination. Or, s’il est convenu depuis le mot d’Audiard qu’il «n’est jamais très bon de laisser dormir les créances», il n’est pas très recommandé non plus de s’endormir sur un tas d’or et la sédentarité d’une situation de quasi monopole, comme l’a montré la première partie de l’histoire de la société…

(Lire le 2e volet : Tim rend (un peu) d’argent aux actionnaires… )