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Édito

Sublime lapsus de Microsoft

Boro

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Chez Microsoft, a-t-on une fois pour toutes compris collectivement comment on devait s’y prendre pour intégrer véritablement la notion d’usage – c’est-à-dire tout simplement de l’utilisateur – dans les produits que l’on propose à la commercialisation ? Ouvrir le débat ici n’est pas sans piquant, et donc pas sans risque, a fortiori lorsque l’on se remémore tout ce qui a pu être dit au fil de ces colonnes à propos de Microsoft en général ou de Surface en particulier, et d’une manière globale de la façon dont les dirigeants de la firme de Redmond appréhendaient le marché : on pourra lire à ce sujet Microsoft, ou le paradigme du Shadok, Microsoft décline… ou… La fin de Microsoft programmée ? si l’on ressent le besoin de quelques instants de détente…

On aurait tort de rire : lors de sa présentation de Surface (lire La tablette Microsoft fait Surface), la tablette conçue par Microsoft, le 18 juin à Los Angeles, Steve Ballmer en personne déclarait en conclusion que Microsoft est persuadée que les interactions homme-machine sont susceptibles d’être encore améliorées, « et ce lorsque matériels et logiciels sont considérés comme unis… »

On ne saurait mieux dire, et peu importe si le nouveau concept reprend la dénomination de Surface, c’est-à-dire de l’espace gestuel collaboratif présenté par Microsoft voici 5 ans, et qui n’avait de surface que le nom comme Redmond l’avait un temps laissé entendre (lire Microsoft tente de refaire surface). En effet, les interactions gestuelles avec l’interface étaient contrôlées par des caméras, placées à l’envers de la dalle. Le simple fait que Microsoft semble vouloir faire sien le mantra martelé par Jobs depuis des années vaut que l’on s’y arrête.

Une Surface à peine égratignée pendant la conférence

Ainsi, et pour autant qu’on puisse en juger sur le papier puisque la fameuse présentation n’a donné lieu à aucune annonce en termes de tarifs, ou même de période de lancement, Steve – Ballmer – et son conclave semblent avoir vraiment fait le pari de l’audace et de l’innovation dans leur aggiornamento doctrinal. De fait, ils semblent au premier abord avoir tiré les leçons si chèrement acquises depuis 2005, d’abord avec l’iPod mais surtout avec l’iPhone puis enfin avec l’iPad (lire Apple prête à en découdre). En jeu, ni plus ni moins que la présence ou non de Microsoft aux côtés d’Apple et de Google au sein de ce phénomène nouveau de l’auberge espagnole technologique appliquée à l’entreprise, et popularisé sous l’acronyme américain de BYOD.

Librement traduit en français par « Apporte ton propre iBidule » ce phénomène est d’ailleurs largement à mettre au crédit de la popularité de toute la gamme des appareils Apple parmi les employés, et même les cadres de haut-niveau, de la nouvelle génération au travail.

Nouveau design «ultrafin » (du moins autant que le permettent les ports USB et micro-SD), coque de magnésium pour la première fois dans l’industrie, protège écran-clavier également ultrafin, versant tactile de Windows 8 : tout semble là pour signifier à quel point Microsoft s’est mis en frais au chapitre de l’inventivité… Sans oublier ce qu’il faut de copie par-dessus l’épaule de Cupertino et de ses brevets auxquels elle a légalement accès, avec l’adaptation magnétique du protège écran à la coque grâce à des éléments cachés sous le magnésium.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’à Redmond on sait déployer des trésors d’inventivité pour séduire le grand public : après plusieurs tentatives, la Xbox 360 avait su en son temps séduire un large public, que l’interface Kinect à fort bien su prolonger.

Autre temps, autres moeurs ? Sur le papier toujours, tout cela tranche en tout cas avec le constat de plagiat servile qui s’impose à qui se penche sur une tablette Samsung motorisée par l’une ou l’autre des insipides Delicatessen androïdes… Encore que…

Retour du refoulé

Est-ce comme souvent, et une fois de plus, l’Inconscient – collectif cette fois – de la société qui s’est mis à hurler ce qu’on comptait lui faire taire ?

– Pour millimétrique qu’il soit, c’est un bon vieux clavier en dur que Microsoft propose, là où Apple a imposé depuis 2007 son clavier versatile, c’est-à-dire qui s’adapte aux besoins de l’utilisateur ;

– en fait d’intégration logiciel-matériel, ce sont DEUX processeurs et DEUX OS que Microsoft propose en fonction du marché grand public ou professionnel, quand c’est précisément l’unicité de l’offre d’Apple, et d’ailleurs d’Androïd, qui a permis d’enfoncer un coin dans le pont-levis de la citadelle Entreprise jusqu’ici solidement tenue par Microsoft, en faisant levier sur les usages grand-public ;

– les ingénieurs de Redmond ont semble-t-il décidé une fois pour toutes de « orientation paysage » de l’écran 16:9 ;

– et peut-être surtout, l’appellation VaporMg de la coque de magnésium qui protège la tablette est absolument incroyable.





VaporMg. Le nom choisi est-il supposé faire métaphore, en référence au Nuage du Cloud Computing, en même temps que la vaporisation du magnésium à la surface de la coque dont le film de présentation semble évoquer pour son procédé de fabrication ? Outre les considérables problèmes de sécurité dans les ateliers de fabrication si cela devait être le cas, là ou le génie marketing d’Apple aurait parlé de « sublime » – la sublimation étant le processus physiques de passage de l’état solide à l’état gazeux – les communicants de Microsoft qui ont phosphoré sur la chose ont choisi le lapsus, ou la « craquée verbale » comme on voudra.

Il est en effet impossible de ne pas faire le lien avec l’infâmant sobriquet de « vaporware » qui a longtemps été accolé aux annonces-bidon de Microsoft, lorsque l’ogre de Redmond cherchait à étouffer dans l’oeuf toute innovation chez ses concurrents par d’opportunes annonces parasites.

Simple coïncidence ? Même si le lapsus ici posé est trop beau pour ne pas dire quelque chose de la réalité du malaise latent au sein des équipes de Microsoft, il est trop tôt pour dire sans risque de se tromper si l’ex-Croquemitaine en a réellement terminé avec la spirale de l’échec qui le tire vers le bas depuis bientôt 10 ans.

Comme à l’ordinaire, le principe de réalité – c’est-à-dire usages et marché – tranchera. En définitive, la prochaine présentation dédiée au Smartphone, programmée cette semaine à San Francisco par Microsoft devrait dire quelque chose de plus sur la réalité – ou pas – de ce prétendu Désir de changement manifesté hier à Los Angeles.