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Édito

Verdict : quelles conséquences ?

Boro

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Boom. Il est un peu tôt pour crier définitivement victoire, mais le verdict rendu hier par la cour fédérale de Californie du Nord siégeant à San José s’apparente fort à l’explosion initiale de la première bombe de la guerre thermonucléaire, promise par Steve à Google avant de passer de l’autre côté.

Car si l’on regarde avec attention le détail du verdict, rendu au bout de seulement trois jours de délibérations par les neuf jurés du jury populaire conduit par la juge Lucy Koh, c’est non seulement Samsung et le design « iPhone-like » de ses téléphones qui ont été sanctionnés, mais c’est également Android et la façon dont le coréen l’a implanté dans ses appareils. Pour évidente que soit la copie lorsque l’on examine les appareils, et comme l’a prouvé le témoignage de Susan Kare qui s’y est elle-même laissée prendre au cours de la préparation du procès, la tâche du jury n’était pas si aisée tant Samsung avait multiplié les manœuvres dilatoires tout au long de ces trois semaines d’audience.

Les jurés ont eu ainsi répondre à pas moins de 700 questions, parfois extrêmement techniques, et d’une façon générale les mouches qui s’étaient risquées dans le prétoire ne sont pas sorties indemnes des argumentaires et des contre-interrogatoires des témoins cités par Apple, menés par les avocats de Samsung. L’essentiel et pourtant là, et même si le CEO de Samsung Electronics a immédiatement annoncé son intention de faire appel, seule la Galaxy Tab 10.1 émerge assez miraculeusement du champ de décombres auquel est virtuellement réduit le catalogue du Coréen. Quant à sa réputation « d’innovateur », on en parle même pas et l‘on peut s’attendre à ce que Oh-Hyun Kwon son dirigeant se batte pied à pied dans les phases qui vont suivre pour sauver sa tête… si son sort n’est pas déjà scellé.

Le camouflet est en effet sonore, et Apple a réussi à éviter le jugement de Salomon que l’on pouvait craindre (lire Verdict, à quoi s’attendre ?), au vu de la complexité du dossier, du type de celui que Samsung a réussi à obtenir à domicile, en réalité en forme de quitus pour des faits similaires. La somme astronomique de 1,05 milliard de dollars accordée en dédommagement est en réalité anecdotique en regard de ce qui précède, et ne représente d’ailleurs qu’environ 12 % de son bénéfice pour son année fiscale 2011.

À quoi doit-on s’attendre ?

Forte de ce verdict, Apple doit faire parvenir à la Cour de San José le détail de ses demandes avant le 27 août, Samsung ayant pour sa part deux semaines franches pour y répondre avant l’audience finale fixée au 20 septembre. Cependant, la juge Lucy Koh qui – comme on pouvait à bon droit le supposer a marqué ce procès de toute sa personnalité – a déclaré qu’elle entendait donner le maximum de temps à Samsung, lequel en l’espèce entendait repousser au maximum l’échéance et la date de l’audience.

A l’inverse, Apple a tout intérêt à pousser immédiatement son avantage, alors que s’ouvrira en ce mois de septembre la si cruciale saison des achats de Noël, mois de septembre durant lequelle la rumeur veut que le Californien ait programmé non pas un, mais deux Special Events autour de ses gammes mobiles et musicale. D’autre part, la juge Koh ayant montré qu’elle savait s’y prendre pour respecter un calendrier et économiser l’argent du contribuable Américain, les avocats de Samsung auront tout intérêt à ne pas essayer de pousser leur chance trop loin… Malgré son «indécrottable optimisme», la juge Koh qui, pour l’anecdote est elle-même d’origine coréenne, vu la teneur du verdict a peu de chance de voir aboutir son désir de voir cette affaire se conclure, comme elle aurait dû l’être avant même son commencement, par un accord amiable.

Quelles conséquences ?

De fait, Apple a gagné sur l’essentiel : c’est-à-dire en termes d’image, et sur les valeurs d’innovation (lire Un procès pour quoi faire ?), ce que Tim Cook n’a pas manqué de souligner dans son adresse à ses employés, dans la messagerie interne de la société. Le recours en appel auquel Samsung a déclaré immédiatement vouloir accéder étant probablement suspensif, le Coréen va pouvoir encore un peu « jouer la montre », avant de devoir refondre le design de ses téléphones et la façon dont elle utilise Android…a moins qu’elle ne décide de sortir de la carbonite Bada son OS maison…

Pour Apple, le timing de ce verdict ne pouvait pas mieux tomber, alors qu’elle se prépare à présenter un iPhone 5 attendu comme rarement depuis le premier modèle, en juin 2007. Elle se voit confortée, sans contestation possible, dans son image d’innovateur et d’aiguillon du secteur, mais surtout dans une certaine philosophie de la compétition dans l’industrie technologique, sachant que Samsung était, circonstance aggravante, son fournisseur et son partenaire industriel privilégié.

La sémantique utilisée par chacun des camps à l’issue de ce procès témoigne à l’évidence il s’agissait bien en l’espèce de deux visions opposées : l’innovation – c’est-à-dire la différenciation – face à la reproduction – c’est-à-dire la banalisation – à la lutte dans toutes les industries technologiques. Apple fait ainsi, depuis le retour de Steve, référence à des « Customers », c’est-à-dire des clients, quand Samsung se réclame de l’intérêt de « Consumers », c’est-à-dire de consommateurs avec tout ce que cela suppose de volatilité et de facilités de manipulation par le discours marketing.

C’est en définitive l’innovation qui a gagné une première manche contre le « bruit ambiant » avec ce premier verdict dans la mesure où, s’il veut se faire une place au soleil, Samsung va devoir explorer d’autres voies que celles déjà défrichées depuis 5 ans au moins par Apple. Il n’est jusqu’à sa contre-attaque tardive contre Apple sur l’utilisation des brevets « FRAND », en principe à disposition de l’ensemble de l’industrie moyennant une rémunération raisonnable, qui ait piteusement échoué, ce qui est également une bonne nouvelle pour l’ensemble de l’industrie. Que Samsung ait obtenu satisfaction sur ce point, c’est tout l’ensemble du système de mise au « pot commun »des éléments essentiels d’un standard technologique qui aurait été mis en péril.