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Événement

iPhone 5 : le «Chef» refait sa carte

Boro

Publié le

 

Par

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Voici la suite de notre série à propos de l’innovation dans l’industrie, dont la présentation de l’iPhone 5 par Apple est le parfait exemple, qui débutait ici il y a 15 jours avec les «sushis» de Samsung, et que les développements récents sont venus illustrer.

Comme à l’ordinaire, “ l’Evénement Spécial ” du 12 septembre ne s’adressait pas seulement aux observateurs qui ont ostensiblement « tordu le nez » ce soir-là, pas plus qu’à ceux qui ont fort heureusement apprécié, d’ailleurs. L’exercice de communication bien rodé était bien entendu conçu pour galvaniser actionnaires, comme à son origine (ça va bien pour eux, merci), clients, employés de la firme et de son écosystème, journalistes et désormais blogueurs, autour de son nouveau produit.

“Banalisation”, et consommateurs caressé dans le sens du poil…

Il s’agissait également de jeter à distance un défi à la face de ses compétiteurs : une sorte de « Haka » en plus cool (et plus long) à la mode californienne… Le procès de San José entre Apple et Samsung à montré à quel point le modèle économique des deux sociétés était opposé : différenciation vis-à-vis de la concurrence et économie de moyens pour le Californien, banalisation – reprise, pour utiliser un vocabulaire neutre – des innovations de la concurrence et investissements massifs, que ce soit pour combler son retard ou « noyer » le marché sous une cascade de modèles différents (lire iPhone 5 : des “sushis à se faire”).

Cette « vision du marché », sinon du monde – il fut un temps où on parlait de « style de vie numérique », et même de l’ordinateur “ for the rest of us ” – est fondamentale, et perceptible jusque dans la sémantique utilisée par la deux sociétés lorsqu’elles communiquent, que ce soit en interne ou en externe. Apple parle ainsi de « clients », auquel le plus souvent on accole comme épithète l’adjectif « fidèles » (loyal customers), tandis que Samsung Electronics se réclame du « consommateur » (consumer) et bien entendu de son intérêt, consommateur qui si l’on en croit le discours marketing est toujours plus malin que les autres… avant de se faire plumer.

… contre “Différenciation”, et satisfaction du client.

Or, une fois empoché le verdict (provisoire) établissant sa bonne foi, et bien avancé une réorganisation d’une société que le saut dans la téléphonie et le marché de la tablette avait pas mal chahutée, Tim Cook et ses chefs de partie ont montré qu’ils entendaient bien passer à la vitesse supérieure (lire Apple à la recherche d’un second souffle) et décramponner un partenaire sud-coréen avec lequel Apple a pu fonctionner en symbiose durant les dernières années, mais qui avait entrepris plus récemment de se conduire en parasite de sa propriété intellectuelle.

Est-ce vraiment un hasard si, après avoir entendu un mois durant Samsung se réclamer d’une innovation quelque peu frelatée, les dirigeants d’Apple ont décidé d’abandonner le mot « Innovation » pour adopter celui d’« Invention », ou de « signature » pour parler des Apple Store ? La firme de Cupertino ne manque en tout cas pas une occasion de rappeler à quel point elle se veut au confluent des sciences dures et des sciences humaines. Et à l’évidence, elle a mis le paquet pour se dégager de concurrents un peu trop enclins à copier sa tambouille, y compris en jouant des coudes pour taper là où ça fait mal. Le message ? Le poisson cru, ça va bien 5 minutes !

Science-Fiction d’hier et High Tech d’aujourd’hui

Sans aller jusqu’à affirmer que les « Réplicants » de Samsung rêvent de moutons électriques lorsqu’ils sont en veille, on sait que l’univers de la science-fiction, s’il est volontiers friand de théories scientifiques de pointe, nourrit également en retour l’imaginaire des futurs ingénieurs qui seront responsables des avancées techniques qui feront le quotidien de demain.

L’anecdote de Martin Cooper, avec en tête la référence du Communicator utilisé par capitaine James Kirk dans la série Star Trek lorsqu’il avait créé en 1973 « la brique », le premier téléphone cellulaire de l’histoire est désormais bien connue. Quant à celle du Dynabook, concept développé par Alan Kay en 1968 et illustré la même année par Stanley Kubrik dans 2001, Odyssée de l’Espace, elle a fait l’objet d’une tentative de récupération par Samsung dans le volet « iPad » du procès de San José.

 Nous sommes les Borgs. Abaissez vos boucliers et rendez vous sans condition. Nous intègrerons vos caractéristiques biologiques et technologiques aux nôtres. Votre culture s’adaptera à nos besoins. Toute résistance est futile. 

Il n’est jusqu’au « Nexus » – téléphone conçu en joint venture par Google avec LG , puis Samsung ou tablette développée en collaboration avec Asus – qui ne prête le flanc à l’ambiguïté. Le concept venu de l’Antiquité et qui signifie « lien, jonction » mais également « voleur », s’il a fait florès d’une façon générale parmi les auteurs de S-F, prend une saveur particulière dans l’univers de Star Trek.

Celui-ci est en effet au cœur du système de communication et d’assimilation du collectif Borg – une sorte de collectif mi-humain mi-androïde qui ne fonctionne que par l’attaque et l’appropriation des techniques et des technologies des systèmes qu’ils rencontrent, partageant en permanence leurs informations entre eux et avec la reine de la Ruche (souvenez-vous, Honeycomb :-p).

Point n’est d’ailleurs besoin de gloser dans le vide intersidéral sur la stratégie d’Apple. Celle-ci est simple : lutter contre l’assimilation de ce qui fait le cœur de sa spécificité – son « expérience utilisateur » – et arrêter d’alimenter les adversaires en ressources et en connaissances.

La Fédération des Planètes sur le pied de guerre

En janvier 2010, Steve avait commenté ainsi le lancement du Nexus One : “Nous ne sommes pas entrés sur le marché des moteurs de recherche. Ils sont entrés sur le marché de la téléphonie mobile. Ne vous y trompez pas : ils veulent détruire l’iPhone. Nous ne les laisserons pas faire. Ce Mantra du “Ne soyez pas néfaste” c’est de la pure c**nerie

Autant Steve, volcanique comme un Klingon, avait pu réagir de manière éruptive en promettant une guerre totale, «THERMOnucléaire» à Google après le lancement d’Android – la version 1.0 s’appelait Apple Pie ! – autant Tim Cook, rationnel comme un Vulcain, leur a tout simplement attrapé la jugulaire et la carotide entre le pouce et l’index et commencé d’appliquer une pression.

Plus concrètement, il a entrepris de s’appuyer sur le device, sur iOS et sur l’ensemble de sa chaîne de valeur nomade (iTunes et iPod réactivés, iPhone, iPad & Apple TV), et bien entendu également des alliés de circonstances, avec par exemple Mark Zukerberg dans le rôle du Ferengi prêt à vendre père et mère pour une barre de latinum, mais également Sony dans celui du partenaire plus traditionnel.

Le device : iPhone 5 et la différentiation

On peut se moquer tant qu’on veut des Keynotes et de la communication d’Apple : si le Californien en rajoute parfois, les quelques points qu’il met en exergue sont rarement pris en défaut, tellement sa communication est pesée. Or malgré les interrogations préalables plus ou moins bien intentionnées sur les qualités de l’iPhone 5, les faits sont là : le millésime 2012 est bien la reformulation la plus aboutie du concept et la réponse phénoménale du marché est là pour en témoigner. 5 millions d’exemplaires en 3 jours !

Chaque élément constitutif, ou presque, a ainsi fait l’objet d’une évolution drastique, tant qu’à faire :

– le « facteur de forme » ;
– la technologie de l’écran In Cell ;
– le connecteur numérique Lightning ;
– la carte nano-SIM ;
– la puce A6 « brassée-maison » ;
– l’objectif de l’appareil photo-video et sa lentille ;
– le capteur et surtout son procédé de post-traitement ;
– les oreillettes (enfin !)
– et bien entendu la batterie

et participe du coup à la refonte du terminal, qui si elle est comme souvent chez le californien peu perceptible de l’extérieur n’en est pas moins entièrement tournée vers l’utilisateur, comme le montrent, malgré les « bavures «, les premiers retours d’utilisateurs assez dithyrambiques.

2 exemples de la rupture

Deux exemples seulement, avant le test complet que Macplus vous proposera dans quelques jours :

Le design

– le changement de design qui une fois encore détermine l’ensemble, avec un gain de poids de l’ordre de 20 % qui est immédiatement remarqué par un utilisateur de l’ iPhone 4, et surtout ce nouvel écran de quatre pouces de diagonale qui s’étire en longueur afin de s’adapter aux usage de la génération montante, là où Samsung « empâte » la gestalt de son propre terminal en l’élargissant pour revenir au facteur de forme des premiers Smartphones, hérité des «BlackBerry-like» et de la nécessité d’y intégrer un clavier physique.

Tout au contraire, si Apple introduit du changement c’est en prenant en compte celui qui est intervenu avec l’émergence de la génération que le lumineux épistémologue Michel Serres, qui enseigne d’ailleurs à Stanford, a conceptualisée comme celle de la “Petite Poucette”, parce que c’est la première “digital native” et qu’elle se sert de son pouce comme la génération précédente se servait de son index.

Or c’est précisément autour d’autres usages avec ce pouce que l’interface de cet écran a été d’abord été pensée, avant de se raviser pour aboutir à celle des premières générations d’iPhone, après 2005, à partir du schéma classique calepin dans une main, crayon dans l’autre et l’index comme métaphore du crayon (lire Microsoft, ou le Paradigme du Shadock). Apple re-intègre ainsi son intuition première, sans verser dans une application trop radicale : Microsoft a d’ailleurs affublé depuis son propre projet d’un mini-clavier optionnel et d’un stylet…

Le Cameraphone

– l’appareil photo, avec non seulement une lentille développée en interne, mais également ce qui ressemble à une collaboration de plus en plus étroites avec Sony. En effet, l’iPhone 5 embarque une nouvelle fois et sans surprise un capteur Sony, comme d’ailleurs une bonne partie de la profession. Mais en outre, il intègre dans sa puce un certain nombre d’astuces mises au point par Sony, comme c’était d’ailleurs le cas depuis l’iPhone 3GS pour la mise au point et la sélection par zone de l’exposition. (lire notre test de l’iPhone 3GS)

Sony qui par ailleurs est à la recherche de revenus semble bien avoir ouvert une nouvelle fois son portefeuille de brevets, cette fois face à la menace commune : la fonction “Sweep Panorama”, déjà adoptée par Nokia, est en effet au départ une exclusivité de du japonais, qui l’intègre depuis quelques mois dans ses APN avec d’ailleurs une interface très semblable. Autre caractéristique présente chez Sony, la capacité de prendre de véritables photos pendant l’enregistrement vidéo.

Quant à la fonction de réduction de bruit dite «Dynamic Low Light», proche de l’astuce utilisée par Nokia, elle a cependant sur les clichés pris avec iPhone 5 un «effet jivaro » moins drastique que sur les Lumia du Finlandais.

Mais tout est-il pour autant tout rose, du côté d’Apple ? C’est ce que nous verrons euh… bientôt.