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Événement

Steve Ballmer, gloire et chute d’un homme du sérail

Passionné et brouillon, Steve Ballmer va laisser sa place de CEO de Microsoft.

iShen

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Par

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Microsoft est né sous les bons auspices de deux fées, dont on raconte que le tempérament de l’une, plus colérique, venait de son sentiment de n’avoir pas été intégrée dès la naissance de l’entreprise Microsoft.

Les fées Steve et Bill tenaient des rôles bien distincts dans l’organigramme : les décisions stratégiques pour Bill, et la partie commerciale et motivation des troupes pour l’imposant Ballmer. Quand Bill Gates était un animal à sang froid, Ballmer lui n’hésitait jamais à haranguer la foule des développeurs Windows, à grand coups de shows déjantés où le futur boss de Microsoft dégoulinait littéralement de sueur, dans des danses de joie improbables.

Ces clowneries dantesques cachaient mal les qualités du bonhomme : dans l’ombre de Gates, il s’avère être un redoutable négociateur, et un marketeux de premier plan prêt à vendre son image dans une simple publicité, une dévotion à sa marque assez proche somme toute de nombre des Senior Vice President d’Apple. Sa connaissance fine des accords passés entre Microsoft et les entreprises en feront très vite une option de choix lorsque Bill Gates annoncera sans trop de surprise en 2000 sa retraite anticipée, laissant les rênes à ce personnage entier, mais qui semble ne jamais manquer d’énergie pour son entreprise adorée.

On oublie que sous ses airs de déménageur, Steve Ballmer est sorti de Harvard, et pas en queue de peloton de l’université prestigieuse. On oublie encore que ses prises de décisions font penser à celles d’un Steve Jobs, basées sur l’intuition qu’il FAUT agir ainsi, sans tenir compte des avis contraires. On était « fired» par Steve Jobs, et on risquait un lancer de chaise mal maitrisé par le bouillant Ballmer.

Ballmer a un autre avantage qu’il partage avec son alter ego : il sort du sérail originel de son entreprise. Steve Jobs est le second salarié d’Apple, Ballmer le trentième; ces hommes feront corps presque toute leur vie avec une seule entreprise. Mais les comparatifs s’arrêtent là. Quand Steve Jobs reprendra Apple en 97, ce sera pour aligner une série impressionnante de succès. Quand Ballmer fera de même au retrait de Gates, les débuts difficiles de la Xbox, de Windows Vista, et plus globalement de toute la nouvelle stratégie axée sur un public plus large auront des résultats plus mitigés et qui pèseront sur la capitalisation du groupe. Bientôt, Ballmer devient celui qui a fait perdre à Microsoft son attractivité auprès d’investisseurs qui ne voient pas l’entreprise bien placée sur les nouveaux marchés de la mobilité. Le rire moqueur de Ballmer à l’annonce de l’iPhone, en 2007, est le point de départ d’un regard critique de l’héritage Ballmer au sein de Microsoft.

Le bouillonnant CEO devient ce patron maladroit par qui les bourdes et les mauvaises décisions arrivent, et pour ne rien arranger Apple commence à dépasser Microsoft sur l’ensemble des indicateurs économiques : chiffre d’affaires, bénéfices, capitalisation, cash disponible. Microsoft baisse la tête face à son ancien concurrent de toujours et Ballmer semble impuissant à rectifier le tir.

Le deal passé avec Nokia pour lancer Windows Phone 8 sur smartphone laisse entendre que Ballmer a peut-être enfin trouvé le bon mojo et que Microsoft va éviter de se voir recaler dans un marché de niche du PC professionnel. Mais le soufflé retombe vite. Les part de marché restent très faibles, les ventes de la Windows RT sont une catastrophe et cela fait maintenant quelques mois qu’un tabou est tombé : la tête de Ballmer pourrait bientôt tomber.

Il faut dire que le monde informatique a bien changé. Mis à part Apple et Lenovo, les anciens acteurs de l’informatique traditionnelle souffrent terriblement dans les ventes, sans même parler de bénéfices quasi nuls. HP envisage même un temps de se débarrasser de sa division PC. Les acteurs émergents qui plombent cet univers en capilotade sont les fabricants de tablettes et de smartphones, dont fait parti à nouveau Apple. Les atermoiements de Microsoft sur ces segments, les erreurs de communication, les retards de stratégie qui auront vu Windows 8 arriver bien trop tard sur un marché déjà occupé par deux leaders en position de force, toutes ces gamelles auront donc fini par convaincre que Ballmer, malgré toute sa passion et son énergie pour Microsoft, n’aura pas eu le nez assez creux pour anticiper les nouveaux marchés à forte croissance.

Exit donc la figure emblématique de Microsoft, comme celles de nombreux autres cadres de renoms ces dernières années : Ozzie et Sinofski sont priés de rejoindre la sortie, victimes eux aussi collatérales d’une incapacité de l’entreprise à se réformer en profondeur, victimes aussi de l’incapacité à faire comprendre au grand public l’intérêt de tous ces changements. Dans ce contexte houleux, et face à une concurrence acharnée, Microsoft va devoir très vite se trouver un leader capable de tenir le gouvernail de ce qui a fini par ressembler à un vieux cargo un peu rouillé. Clairement, ce ne sera pas facile.