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Événement

Nokia/Microsoft : chronique d’un échec annoncé

Et si le rachat de la division mobile de Nokia par Microsoft avait commencé dès l’installation de Stephen Elop, un transfuge de Redmond, au poste de PDG du constructeur finlandais ?

iShen

Publié le

 

Par

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Le 21 septembre 2010, Stephen Elop devient le patron de Nokia. Le canadien, ancien directeur de la branche Business Services chez Microsoft, a pour objectif affiché de redresser la barre de l’entreprise finlandaise qui semble désarmée face à la montée en puissance rapide d’Apple. A l’époque, Samsung n’est encore qu’un nain sur le marché du smartphone.

En fait, cette nomination va préparer le terrain, étape par étape, à l’annonce ce mois-ci du rachat de Nokia par l’ogre de Redmond. Mais personne ne s’en doute encore même si l’origine professionnelle d’Elop en fait tiquer certains. Très vite, les projets internes de Nokia sont tous abandonnés : Meego, l’OS de nouvelle génération qui devait supplanter Symbian, est mis au rancart en quelques mois alors que l’OS bénéficie d’une vraie cote d’adhésion auprès du public, et ce sans aucun budget publicitaire. Elégant, stylé, et ne prenant pas le risque de trop trancher avec le nouveau standard de la “grille d’icônes“, Meego a tout pour réussir au vu de l’énorme marché que tient encore Nokia. Mais l’OS n’est déjà plus dans les projets d’Elop.

Au mois de février 2011, quelques mois seulement après l’arrivée du nouveau PDG, nouveau coup de théâtre : le CEO explique dans un mémo interne destiné à ses employés que Nokia va mal, très mal, et que la seule solution est un deal avec Microsoft. L’accord entre les deux sociétés est large, profond : Bing devient le moteur de recherche par défaut des futurs Nokia et surtout il n’y a plus de support et de développement de Meego et de Symbian au delà des appareils qui en sont dotés. En clair, Microsoft devient l’unique fournisseur logiciel de Nokia, et il est déjà écrit qu’il n’y aura pas de diversification des gammes en dehors de celles sous Windows Phone 7.

Cette décision, suivie à la fin 2011 par l’annonce des premiers Lumia puis de l’arrivée de Windows Phone 8, a déjà scellé le destin de l’entreprise finlandaise. Les décisions sont trop rapides et trop rapprochées dans le temps pour ne pas être le résultat d’une stratégie définie par avance. Même si l’évidence est là, personne ne veut pourtant encore croire que Nokia est le simple jouet des intérêts de Microsoft; les rumeurs de rachat sont balayées d’un revers de main par des commentateurs qui veulent toujours penser qu’Elop a pris ses décisions dans la seule perspective d’aider Nokia, et pas pour faire le lit des intérêt de Microsoft.

L’année 2012 est sans doute celle des faux-semblants. Les compte-rendus donnent l’illusion que Nokia décolle enfin, porté par des niveaux de croissance forts. Mais la réalité est bien que Nokia a vu sa part globale dégringoler sur le marché mobile, et le constat est encore plus accablant dans le domaine des smartphones. Nokia passe ainsi d’une part de marché de plus de 40% à une PDM ridicule de 3% au plan mondial, largué même par un quintette de fabricants sous Android dont Samsung, HTC et LG. Les smartphones de Nokia sont pourtant de bonne facture; la gamme Lumia est une référence pour sa partie photo et la qualité de fabrication rejoint celle des iPhone. Mais voilà, l’OS de Microsoft ne convainc pas et le manque d’applications dédiées se fait durement ressentir alors que les AppStore de Google et d’Apple alignent des milliards de téléchargements. Il n’est alors plus inenvisageable que Nokia reste un acteur mineur pendant des années, entrainant dans sa chute un Microsoft qui a bien choisi ses chaînes.

On se souvient alors de Meego, d’où était parti Nokia avant de sombrer, et il devient plus que tentant de penser que Microsoft, avec le bras armé de Stephen Elop, a tout fait pour faire perdre de la valeur à Nokia afin de pouvoir racheter l’entreprise à moindre frais. Nokia valait 100 milliards lorsqu’Elop a débarqué : le rachat se fera à hauteur de 5,4 milliards, une paille au vu des énormes ressources financières de Microsoft. Si financièrement le coup est bien joué, la décision est entourée d’une grosse zone d’indécision. Steve Ballmer le CEO de Microsoft partira dans un an en laissant le plus énorme des chantiers : faire de Microsoft une entreprise à l’image d’Apple. Mais ce qui est simple à dire paraît extrêmement compliqué tant le coeur de métier de la firme de Redmond est à l’opposé de ce que fait le créateur de l’iPhone.

Surtout, Microsoft va jeter toutes ses forces dans le marché mobile au moment où celui-ci va rentrer dans une phase logique de saturation et où les concurrents sont déjà tournés vers un autre eldorado : l’informatique prêt à porter. Le décalage semble presque irréel, et le temps que Microsoft aura pris à s’offrir Nokia sur un plateau d’argent lui aura sans doute fait perdre un coup crucial dans une partie déjà bien entamée. Le coup de trop ?