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Interview

apiKa, la solution tablette pour l’éducation ?

Près de Rambouillet, se prépare ce qui ressemble fort à la pièce essentielle de l’école numérique de demain

Boro

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Au moment du décès de Steve Jobs, un certain nombre de vidéos ont brusquement refait surface sur les sites de partage en ligne, retraçant à peu près toute la carrière du fondateur de la firme à la Pomme. En particulier, on a vu reparaître cette interview de Steve au journal d’Antenne 2 tournée au printemps 1984 c’est-à-dire au moment du lancement du Macintosh, mais également alors que se préparait côté français le Plan Informatique Pour Tous qui aurait dû voir le déploiement dans l’Éducation Nationale de 100 000, voire même 300 000 Macintosh fabriqués sous licence à Lannion.

En ces temps de crise où il est déjà question du miracle de la Silicon Valley, interrogé sur les cartes que peut jouer la France, au moment où la compétition internationale s’oriente sur le terrain de l’informatique, Jobs qui sait de quoi il parle insiste sur les atouts que représentent pour l’Hexagone la qualité de son enseignement, en particulier en mathématiques, et sur l’opportunité que peut représenter la filière logicielle pour des gens un peu créatifs et qui n’ont pas peur de se lancer : c’est à l’extérieur des grosses structures que se fait en effet l’innovation, insiste Jobs.

Un « vieux de la vieille » de chez Apple France

Le diagnostic à l’emporte-pièce, et comme la plupart du temps tout à fait visionnaire, du patron est-il resté gravé dans la mémoire d’un jeune technicien de la filiale française d’Apple, ou bien a-t-elle fait petit à petit son chemin en arrière-plan pendant 2 décennies ? Toujours est-il que Jean-François Joureau, après plus de 20 ans de bons et loyaux services au sein d’Apple – dont 4 passés à à faire vivre le secteur Éducation aux Ulis, notamment pour animer l’équipe des ADE – décide en mars 2006 d’aller développer hors des contraintes une idée novatrice qu’il porte depuis un petit moment. Ce sera Kallylang le premier laboratoire de langues entièrement numérique pour le Mac, et pour ce faire, il va monter une société (Kallysta) parallèlement à un Apple Premium Reseller pour faire bouillir la marmite.

L’homme n’était d’ailleurs pas novice en matière de solutions innovantes pour l’éducation puisque, outre les fameux chariots MacBook imaginés pour la gestion, la logistique et le déplacement des classes numériques Apple, il a contribué au développement et à l’adoption des solutions de podcasting dans l’éducation en développant des platines de recharge et de synchronisation pour l’iPod, alors en phase de test au Lycée des Graves à Gradignan dans la banlieue bordelaise… avant d’être généralisé en 2010 pour l’enseignement des langues par l’éducation nationale sur l’ensemble du territoire. C’est cette solution que Kallysta commercialise à présent, déclinée pour l’iPod, l’iPad et même pour leurs concurrents de chez Samsung ou Archos, sous la dénomination KSync. Ont suivi également quelques mallettes sur le principe du chariot, ainsi que d’autres solutions purement logicielles comme Kolibri, destiné au sous-titrage des contenus vidéo, ou Dapi, un hub de synchronisation et de gestion de contenu pour les flottes d’iPad, à la manière dont iTunes fonctionne pour le ou les tablettes familiales. Mais c’est avec apiKa que la petite boîte française, installée non loin de la forêt de Rambouillet, pourrait bien avoir trouvé la brique qui manque à la solution iPad qu’Apple s’obstine à commercialiser seul.

Kallysta a en effet développé pour la gestion des classes iPad une solution astucieuse, sous la forme d’une application pluridisciplinaire qui permet à l’enseignant de piloter les activités de la classe, un peu à la manière d’un Apple Remote Desktop sur lequel on aurait greffé des fonctions plus spécifiquement pédagogiques.

Un Espace Numérique de Travail à l’échelle de la classe

À partir de son Mac, l’enseignant peut ainsi créer son propre espace de travail au sein duquel il organise ses documents, distribue les documents de travail et des exercices aux élèves et reçoit leurs productions, mais également organise des groupes de travail avec lesquels il peut interagir ou se consacrer plus spécifiquement au soutien de tel ou tel élève. Organisée autour d’une connexion Wifi, la plate-forme de travail permet de distribuer des documents multimédias (texte, graphique, audio ou video), des quiz ou des les exercices autour du Web dans un environnement contrôlé. Depuis son interface, l’enseignant déclenche les activités, mais peut également avoir accès à telle ou telle tablette d’un élève pour observer la façon dont il travaille, voire interagir avec lui grâce à une fenêtre de chat. A contrario, il est également possible de « partager » une production individuelle sur un espace de visualisation commun, tel qu’un vidéoprojecteur interactif un tableau blanc interactif par exemple, grâce à air Play lorsque le TBI est piloté par un Mac mini comme c’est souvent le cas, ou bien par une solution tierce comme air server. Les enseignants continuent ainsi d’avoir accès aux allers-retours familiers entre séquences de travail individuelles et de consolidation par le partage.

Pour Jean-François Joureau, il s’agit avant tout de « lisser la technique », en mettant à disposition de l’enseignant les nouvelles possibilités offertes par les contenus du numérique, tout en favorisant la souplesse dans l’animation de la classe et en lui permettant de construire ses propres outils d’exercice et d’évaluation, quel que soit sa matière : histoire, français, économie, langues, sciences, philo etc. L’Enseignement ou la formation ne sont d’ailleurs pas les seuls secteurs concernés, puisque certaines entreprises se sont également déclarées intéressées pour des séquences collectives qui reposent sur du partage de contenus. Vous avez dit « réunionnite ? ».

Une solution qui marche

Quant au modèle économique, il est relativement simple, dans la mesure où le logiciel client destiné aux iPads est gratuit, disponible sur l’App Store, comme est gratuit le logiciel apiKa Manager pour un poste unique : il est ainsi possible de tester très facilement la solution. Lorsqu’un établissement ou une collectivité territoriale désire déployer le dispositif sur plusieurs classes, la licence coûte alors 850 € hors-taxes pour chaque poste d’enseignant installé. Bien entendu, le pari est que la démarche s’inscrive dans une demande plus globale en direction des autres briques de la solution, avec par exemple le suivi des matériels utilisés et la maintenance grâce aux platines ou aux mallettes de synchronisation.

Il reste encore du pain sur la planche : en particulier à rendre possible la mise en situation des élèves au travail en autonomie, c’est-à-dire hors de la présence des enseignants, à la maison, au CDI ou en permanence.

Lorsqu’on lui demande si l’appui sur un grand groupe – en clair, se faire avaler par une firme à Pomme ou à Fenêtre – serait un plus significatif pour aider au développement de ses solutions, Jean-François Joureau – qui travaille en famille, avec également Dominique Dupuy une autre ancienne de l’épopée du podcasting dans le sud-ouest chez Apple et Claude Bratu son associé – réfute l’idée d’un sourire, et assure que ce n’est vraiment pas le but de tout ce travail.

Pour tout récent qu’il soit, le logiciel est en effet accueilli avec intérêt, non seulement sur le territoire français des déploiements en cours à Vichy, à Rennes, en Corse, à Melun mais également à l’hôpital Necker ou à l’IUT de l’Université René Descartes à Paris, mais également à l’étranger avec des expérimentations au Canada et même un déploiement à l’Institut Français du Rwanda. Il n’empêche : l’exemple de SoundJam et d’Audion est là pour rappeler que nul ne saurait prédire l’avenir…Quoi qu’il en soit, la société semble avoir un boulevard devant elle avec sa solution : avant de partir à la conquête du marché américain ?

Kallysta