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Événement

Bitcoin : une monnaie pour les remplacer toutes

À l’heure où Apple mène une guérilla contre Bitcoin, faisons un point sur la monnaie virtuelle.

iMike

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Une monnaie peut-elle être libre des contingences nationales, idéologiques et politiques ? Bitcoin, créé par et pour internet, commence à faire son chemin dans le monde réel, au grand dam des États et des institutions bancaires. Présentation des atouts et des dangers de cette monnaie plus si virtuelle.

Le système monétaire repose depuis toujours sur la confiance. Si l’argent a d’abord été physique afin de souligner le poids réel de la quantité de métaux précieux ayant servi à façonner les pièces, la commodité de l’argent papier, puis de l’argent dématérialisé s’est peu à peu imposée. Il n’est plus rare de pouvoir aujourd’hui payer son épicerie et les menus achats de la vie quotidienne avec une carte bancaire. Pour que tout ce système fonctionne, la base est la même : la confiance.

Tous les intermédiaires de la chaîne doivent ainsi pouvoir se fier au système monétaire, de la Banque centrale au commerçant, en passant par les consommateurs. Cette confiance ne s’acquiert pas en quelques mois, ni même quelques années. Il a fallu plusieurs décennies avant que les chèques soient partout acceptés. Le paiement par internet est toujours vu d’un oeil mauvais par bon nombre de consommateurs…

Au sortir de la seconde guerre mondiale, les États-Unis, alors au sommet de leur pouvoir, ont imposé comme référence monétaire le dollar. Dans le monde multi-polaire d’aujourd’hui, soumis à l’inertie des gouvernements et des politiques économiques à courte vue, ne serait-il pas temps de remettre à plat tout le système ? Bitcoin, créé en février 2009 par Satoshi Nakamoto, connait certes des débuts chaotiques, mais a le potentiel d’aller titiller les plus grandes devises.

Le constat qui a présidé à la naissance de Bitcoin (qui date d’ailleurs d’avant la création à proprement parler de cette monnaie) est le suivant : l’émission et la gestion des monnaies régionales (comme l’euro ou le dollar) sont confiées à des intermédiaires de peu de foi. On peut rappeler la légèreté des banques américaines qui ont provoqué la crise des subprimes en 2007, la dévaluation politique du yen pour redorer les bilans d’exploitation des entreprises exportatrices japonaises, l’utilisation à haute dose de la planche à billets par la Fed pour soutenir l’activité aux États-Unis…

Parfois, les États confisquent même une partie de l’épargne des individus afin de boucher les trous d’une gestion déficiente, comme on l’a vu à Chypre en mars. On peut se féliciter qu’en bout de course, c’est toujours la politique qui a le dernier mot, car après tout, la politique, ce sont les hommes et non pas un programme informatique sans âme ni coeur. Cependant, ils sont de plus en plus nombreux à estimer que la monnaie n’a pas à servir d’arme de guerre économique. À l’heure du tout dématérialisé, il est possible de passer par-dessus la tête des États et des institutions financières. La fameuse « main invisible » du marché peut-elle présider aux destinées d’une monnaie transnationale ?

Qu’est-ce que Bitcoin ?

Bitcoin est une monnaie qui n’a pas d’équivalent physique. Personne n’a de pièces ou de billets frappés au sceau de Bitcoin ! Cette devise n’existe et ne circule qu’au travers du réseau internet, où les transactions sont présentées sous la forme d’une simple ligne de code – il est même possible de la reproduire à la main sur une feuille de papier ! Le premier problème qui s’est posé avec Bitcoin est la mise au point d’un système de sécurité suffisamment fiable pour inspirer cette fameuse confiance. C’est là qu’interviennent très intelligemment les principes régissant la technologie pair-à-pair (P2P).

La transaction d’un utilisateur à un autre nécessite d’une part une clé cryptée que seuls les systèmes informatiques (une simple application, en fait) des participants peuvent déchiffrer. La transaction ne peut pas en outre en passer par un système centralisé qui la valide et débloque les fonds (la banque dans le monde réel), étant donné la méfiance suscitée par ce système monétaire traditionnel. Les transactions doivent pour finir être traitées dans une file d’attente afin d’éviter le double-paiement : une même ligne ne doit pas pouvoir être utilisée pour régler deux achats, par exemple.

Si le problème de la cryptographie, le premier point crucial, a été réglé et est aussi sécuritaire que possible, les deux autres en passent par un système décentralisé au fonctionnement identique au P2P. L’avantage, c’est qu’il n’y a par définition aucun organisme qui centralise les transactions. Techniquement, c’est plus complexe : les transactions doivent être regroupées par bloc afin d’être autorisées et exécutées sur une machine du réseau – celle-ci change de manière aléatoire toutes les dix minutes.

Tout cela a l’énorme avantage de ne pas être soumis à une réglementation nationale et d’assurer l’anonymat : le vendeur et l’acheteur ne se connaissent pas. Bitcoin n’étant par définition soumis à aucune influence politique, son évolution ne saurait être décidée par le politique, mais par les utilisateurs eux-mêmes et plus globalement, par son usage économique dans le monde réel.

Le créateur de Bitcoin a décidé qu’il n’y aurait à terme que 21 millions de bitcoins, et les bitcoins perdus ne sont pas remplacés. Au contraire des autres monnaies dont le volume s’adapte à la voilure de l’activité économique (la Fed américaine a ainsi injecté des centaines de milliards de dollars pour « huiler » la machine productive et financière du pays) et qui sont sujettes à l’inflation économique ou politique, Bitcoin finira par connaître la déflation : une contraction monétaire qui provoque la baisse des prix des biens, impactant l’outil productif. On n’en est pas là ! L’émission automatique de nouveaux bitcoins s’achèvera vers 2140 (durant les quatre premières années d’existence de la devise, 50 bitcoins ont été émis toutes les dix minutes; actuellement, on en est à 25).

De l’argent réel contre des sous virtuels

Pour acheter des bitcoins, il faut en passer par une bourse d’échange, qui confronte la demande et l’offre, à l’image d’une place boursière. Il y a de nombreuses plateformes proposant leur services, la plus connue étant sans doute Mt. Gox. Il est possible de s’offrir de la monnaie virtuelle via un virement bancaire depuis son compte du monde réel connecté à son compte de la plateforme Bitcoin. La plupart de ces transactions sont sécurisées, mais on prendra garde à bien consulter les Foires aux questions et aux conditions d’utilisation histoire d’être absolument sûr de la fiabilité d’une place de marché.

L’utilisateur devra de son côté créer un porte-feuille virtuel, attaché à son ordinateur personnel ou son terminal mobile. Il existe des clients OS X, Windows, Linux, ainsi qu’Android. Pour iOS, c’est plus compliqué car Apple garde la haute main sur l’AppStore et apprécie peu Bitcoin; c’est pourquoi on ne trouvera d’apps compatibles iPhone et iPad qu’après un jailbreak.

Que faire avec des bitcoins ?

Bitcoin n’est pas une monnaie qui tourne sur elle-même. Son succès actuel est dû à la confiance qu’elle inspire, notamment sur plusieurs sites marchands. En France, on recense une centaine d’échoppes en ligne acceptant les bitcoins – et pas que de boutiques pour geeks ! Coupes de cheveux, vêtements, cosmétiques, jeux, voyages, et même automobiles (!) peuvent être achetés avec la devise virtuelle. Il faut savoir qu’une transaction une fois actée et validée, ne peut pas être annulée.

Le Bitcoin se retrouve aussi, plus rarement, dans la vie réelle. Un distributeur a été installé dans un café de Vancouver, au Canada. Ressemblant à une tireuse à billets, cette machine permet d’échanger des bitcoins contre de l’argent réel, ou encore d’acheter des bitcoins grâce à sa carte bancaire. Le succès est au rendez-vous, puisque l’appareil a généré 100.000$ de transactions en huit jours – 80% des utilisateurs s’en sont servis pour acheter des bitcoins, 20% pour les revendre.

La nature même de Bitcoin, par essence anonyme, est surtout l’occasion de s’adonner à des activités illicites. Silk Road, le site de revente de drogues, a bâti son succès sur cette monnaie; mais, même couplé à un réseau Tor réputé pour assurer l’anonymat, le site est tombé sous les coups du FBI. D’autres sites ont pris la relève, et une version 2.0 de Silk Road est réapparue en ligne quelques semaines plus tard.

L’utilisation de bitcoin pour ce type de transactions illégales ne doit cependant pas masquer les atouts de la devise : comme on l’a vu, Bitcoin est décentralisé et aucun organisme, banque ou officine ne peut en manipuler le cours. Un vrai rêve de libertarien, où l’État est complètement absent et n’a aucune prise ! Dans le même esprit, les banques ne peuvent imposer leurs forfaits de gestion, tandis que les sociétés de crédit (de type Visa) ne peuvent siphonner leurs 3 ou 4% de commission sur les transactions commerciales.

Le revers de la médaille de Bitcoin est aussi, paradoxalement, ce qui fait sa force. La jeunesse de cette devise et l’usage qu’elle fait des outils informatiques modernes lui permet de contourner toutes les lourdeurs des monnaies actuelles. Mais cette jeunesse n’est pas sans risque : en dehors de l’achat de drogues, le Bitcoin est aussi une monnaie prisée par les mafias, qui y voient un moyen facile de blanchir de l’argent. L’anonymat des transactions est un argument massue… même si dans les faits, acheter ou revendre des bitcoins est une opération « publique ».

Actuellement, on retient surtout de Bitcoin sa grande volatilité. Le cours de la devise est un grand huit où il s’agit d’avoir les baloches -et le portefeuille- bien accrochées ! Le Bitcoin tourne, à l’heure où ces lignes sont écrites, aux alentours de 700$. Demain, il pourrait bien tomber à 310$… ou plus de 1.000$ ! La spéculation bat son plein sur une devise dont la valeur n’a cependant cessé d’augmenter depuis six mois – en juin, elle se situait à environ 100$, avec des creux à 50$. Quoi qu’il en soit, si on souhaite se lancer dans cette aventure, il faut partir avec l’idée, comme en Bourse, de ne jamais revoir son argent; ainsi, seules de bonnes surprises arriveront.

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