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Événement

WWDC : Apple, la grosse offensive

Pour ceux qui en doutaient, cette WWDC a bel et bien montré qu’Apple est capable de reprendre la main, sur ses fondamentaux

Boro

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Tous ceux qui, de bonne foi ou avec davantage d’arrière-pensées, s’interrogeaient à haute voix sur les capacités réelles de Tim Cook à mener seul la barque de Cupertino auront été rassurés : la Keynote de cette WWDC 2014 a montré que non seulement le nouveau patron sait prendre des risques, mais également que ses qualités stratégiques le mettent au niveau de sa tâche.

Des développeurs au centre de l’écosystème…

Pleinement consciente de l’avantage concurrentiel que lui procure la construction de son OS et de son pendant mobile, Apple n’a sans doute jamais autant prêté l’oreille aux demandes des développeurs de son écosystème en matière d’accessibilité aux ressources système pour leur propre création. Le chemin parcouru en ce sens est considérable, depuis le premier iPhone et son OS lancés en 2007, qui ne laissait que le HTML 5 pour s’exprimer aux développeurs qui désiraient tenter l’aventure de la programmation pour l’iPhone.

Or, non seulement la compartimentation de chaque application dans son « bac à sable » s’est assouplie et chaque application peut partager un certain nombre d’informations avec ses homologues, mais Apple accepte à présent de partager davantage de données et même de fonctions avec les créateurs d’applications tierces. La Pomme, ainsi, permet d’utiliser un clavier alternatif, qui sera, s’il est choisi par l’utilisateur, disponible system wide.

Mieux : dès 2010, la pomme a mis en chantier Swift, un nouveau langage de programmation plus moderne que son traditionnel Objective-C, à la fois plus simple à éditer en ce qu’il nécessite nettement moins de lignes de code, et plus léger à exécuter… À l’intention d’une nouvelle génération de programmeurs. Ce n’est d’ailleurs pas – ce n’est jamais, avec Apple – un hasard si Tim Cook a prit soin de souligner que le plus jeune développeur qui assistait à cette keynote était âgé d’à peine 13 ans, tandis que de nombreux plans de coupe de cette retransmission s’attardaient sur des visages d’adolescents à la fois enthousiastes et à moitié revenus d’assister pour de vrai à la WWDC.

Il en est de même pour l’antique Open GL, que doit venir suppléer Metal pour tout ce qui concerne l’affichage en tirant notamment parti des fonctionnalités intégrées au GPU Imagination Technologies, qu’Apple utilise depuis le début de l’aventure iOS. Metal, d’ailleurs, ne se limitera pas aux seuls calculs 3D,mais pourra également être sollicité pour tirer parti de la puissance de calcul parallèle des GPU, qui font mieux que les CPU sur ce plan.

Outre le jeu qui représente désormais l’un des points forts traditionnels de la plate-forme qui se voit conforter avec SpriteKit et SceneKit, deux nouvelles technologies pour en accélérer le développement, les développeurs et les équipementiers de l’écosystème de la marque se sont vus désigner avec la santé et la domotique deux nouveaux marchés stratégiques à investir, tandis que le pont construit entre le pilier traditionnel de sa plate-forme (OS X) et le pilier mobile de celle-ci (iOS) se renforce constamment, au service de l’expérience utilisateur, y compris au sein de l’AppStore.

La Pomme, en caressant les développeurs dans le sens de leur pull jacquard (mais oui, c’est une blague) entend bien maintenir l’attrait, exceptionnel, de ses plateformes, en premier lieu d’iOS. En musclant ses outils d’analyses marketing au service des développeurs, en améliorant la “découvrabilité” de leur app et en témoignant d’une nouvelle ouverture, Cupertino cherche à couper l’herbe sous le pied de Google. Et si le message n’était pas assez clair, Spotlight fait désormais remonter des… résultats de recherche web, sans passer par Google, sans afficher ses pubs.

… Au service de l’expérience utilisateur

On a pu le voir au cours de cette présentation : l’expérience utilisateur n’aura jamais été aussi globale qu’après la sortie d’OS X 10.10 Yosemite et iOS 8. Que ce soit à l’intérieur de chaque système d’exploitation, ou à l’utilisation du Mac avec ce qui tend à devenir un deuxième écran, tout est fait par Apple pour que cette expérience utilisateur soit ressentie comme une immersion continue, sans effet de seuil, à l’intérieur d’un espace de travail, de loisirs ou de créativité. C’est du moins l’ambition poursuivie avec Continuity, qui permet ainsi de passer d’un écran à l’autre sur une même tâche sans même s’en rendre compte, avec iCloud Drive qui promet de pouvoir enfin échanger facilement documents et fichiers d’une plate-forme à l’autre et même de Family Sharing, qui doit permettre à tous les membres d’une même famille de partager les applications achetées sans avoir à jongler d’un compte à l’autre ou même à partager un compte unique, comme c’est trop souvent le cas.

Si d’un côté Microsoft fusionne ses systèmes d’exploitation, pour proposer le même sur tablette et ordinateur, la Pomme creuse un autre sillon. Chaque plateforme conserve ses spécificités, mais le passage de l’une à l’autre se fait de manière fluide.Un document édité sur un Mac se retrouvera instantanément, en l’état, sur un bidule. Un appel téléphonique sur iPhone pourra être reçu, et envoyé, depuis un Mac qui utilise, tout seul, l’iPhone distant.

Apple de nouveau à la conquête

La pomme arrivera-t-elle cette fois à passer l’obstacle de ce double lancement sans incident majeur, en particulier en matière de synchronisation, et à s’épargner des psychodrames comme ce fut le cas par exemple avec Plans ?

Ce serait à l’évidence préférable, d’autant que la firme de Cupertino semble d’autant plus décidée à se démarquer de ses concurrents : Samsung bien entendu dont la première conférence des développeurs Tizen était comme par hasard programmée du 2 au 4 juin 2014 à San Francisco – c’est-à-dire précisément en même temps que la WWDC – et dont quiconque serait bien en peine de dire ce qu’il en est sorti. Paradoxalement, probablement à son tour au début d’une crise de leadership et peut-être de gouvernance, et alors que son modèle économique basé sur « le carnet de chèques » semble vouloir s’essouffler, le coréen n’est sans doute pas le plus dangereux dans l’immédiat.

C’est à la fois à l’écosystème Android dans son ensemble que Tim Cook s’est une fois de plus adressé, en soulignant avec son humour pince-sans-rire tous les points faibles de la plate-forme tandis que Craig Federighi assurait l’essentiel du spectacle, ainsi qu’à Google en particulier. On notera ainsi, mais pour la forme bien entendu, c’est sur Bing de Microsoft que s’appuie le nouveau système de traduction à la volée et la recherche avancée de Spotlight, qui se comporte à présent comme un véritable moteur de recherche intégré, tandis que plus que jamais Apple semble décidé à planter ses crocs dans le secteur de l’entreprise, autrefois chasse gardée de Redmond. Tim Cook a-t-il dans sa manche une nouvelle génération de produits à la hauteur du logiciel et des services qu’il s’est donné pour ambition de livrer pour les prochaines années, et que ce que nous avons vu ne fait que préfigurer le début ? Tout porte à penser que oui. Réponse cet automne ?

Tim Cook renforcé

cookpng.pngCook, en tout cas, a démontré que la stratégie faisait partie du pot commun partagé par Steve Jobs avec celui qu’il avait de longue date désigné comme son successeur. Ceux-là auraient oublié un peu vite que c’est notamment pour garder au sein de la société un Tim Cook recruté en 1998 que Steve Jobs avait mis en place, dès 2001, un programme d’intéressement à la limite de la légalité qui allait quelques années plus tard lui coûter la démission forcée de deux de ses plus proches collaborateurs, ainsi qu’une amende rondelette.

Recruté en tant que « Monsieur logistique » pour Apple, dont il a réussi le tour de force de faire de la chaîne logistique la « machine à cash » que l’on connaît, plus efficace encore que celle d’un Dell au sommet de sa puissance, Tim Cook n’a pourtant pas été pour rien nommé numéro deux de la société dès 2004. On l’oublie trop souvent : depuis Guillaume Le Conquérant, les victoires sont avant tout une affaire de logistique. Or, dans l’économie d’une ère du « post PC » plus encore que dans celle de la « micro » de papa, la logistique n’est pas seulement une affaire de pièces détachées achetées au meilleur coût : elle est à présent une affaire d’applications disponibles en nombre et en qualité, tâche dévolue aux développeurs.

Dédiée avant tout à ces développeurs comme on l’oublie également trop souvent, cette WWDC a non seulement montré que la société peut continuer à innover sous la conduite de son nouveau PDG, mais elle a surtout montré qu’elle sait le faire en se mettant à l’écoute des remarques de ses développeurs, et qu’elle sait se donner des objectifs clairs, au-delà de sa traditionnelle clientèle de particuliers.