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Événement

GTAT, ou le cimetière du saphir

Comment des errances de management et les difficultés de production ont eu raison des espoirs d’Apple en matière de saphir

Arnaud

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La procédure de redressement judiciaire et le contentieux qui l’oppose à Apple permet de mieux comprendre la faillite de GT Advanced Technologies, à travers l’étude des documents soumis aux juridictions concernées. Le Wall Street Journal a pu décrypter ceux-ci pour en retirer un portrait saisissant d’une “entreprise au bord de la crise de nerfs”. Car si, un moment, GTAT a pointé du doigt son contrat avec Apple – “oppressif et onéreux” – pour expliquer ses difficultés, il apparaît qu’une bonne partie de celles-ci étaient due à des erreurs de management et à des difficultés techniques.

Naufrage de production

GTAT, en fait, se confrontait pour la première fois à la problématique de production de masse de saphir de synthèse, que l’entreprise ne maitrisait qu’en petits volumes. Mais, pour équiper une partie des iPhone 6 ou 6 Plus, il fallait beaucoup, beaucoup de saphir. GTAT a ainsi tenté de produire des “boules” de saphir nettement plus imposantes qu’à l’ordinaire, chacune pesant autour de 262 kg, 100 kg de plus que les habituelles productions de l’usine.



Le saphir est très dur, c’est son grand avantage, mais aussi extrêmement difficile à produire, ce qui explique son coût. Et GTAT n’a pas réussi à maitriser ce processus de production de masse. Ainsi, près de 50 % des boules produites se sont avérées défectueuses, affectées de craquelures, de lignes de failles, ou de zones opaques, apparues durant le processus de fabrication puis de refroidissement. Désastreux quand on sait que chaque boule nécessitait 30 jours pour être produite, et 20 000 $ de matériaux et coûts de production.

GTAT a tenté de redresser la barre, en se rabattant sur des productions moins massives, et en revenant à des “boules” classiques, mais se trouvait, ainsi, dans l’incapacité de satisfaire les demandes d’Apple, a fortiori de rattraper le retard accumulé.

À ce stade, l’affaire semblait déjà entendue mais GTAT a, en outre, accumulé des erreurs grossières de gestion, des ressources humaines et financières.

Une direction à la ramasse

De grosses erreurs de management ont également grevé la production. Pour faire face au considérable marché que représentait la fourniture de saphir pour Apple, GTAT a massivement recruté, jusqu’à 700 personnes à la fin du printemps dernier. Mais l’entreprise n’a pas su, ou pu, aligner les ressources en formation, et en encadrement nécessaires pour former et rendre productifs tous ces nouveaux salariés. «Nous étions utilisés à nettoyer le sol, encore et encore. Je pouvais voir l’argent qui s’évaporait sous mes yeux», note un ancien employé. GTAT a ainsi dépensé 248 millions de dollars sur un seul trimestre, une vraie hémorragie.

La Pomme de son côté a coupé l’herbe sous le pied de son partenaire, refusant de s’acquitter d’un paiement de 139 millions de dollars, du fait de la faible quantité de saphir produite. Alertée des difficultés de GTAT, Cupertino a pourtant tenté d’aider l’entreprise à survivre : 1 jour avant que celle-ci n’annonce sa faillite, Apple était sur le point de verser 100 des 139 millions dus.

Fin octobre dernier, GTAT annonçait cesser de produire du saphir et se concentrer sur la vente de fours et d’éléments de fabrication. Elle dispose d’un délai de 4 ans pour rembourser 439 millions de dollars avancés par Apple, sans payer d’intérêts.

Un beau gâchis, qui, cependant, illustre les difficultés qu’il peut y avoir à explorer des terrains industriels inconnus. L’innovation, c’est aussi prendre des risques.