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Justice

Affaire iBooks, Eddy Cue s’exprime

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À quelques jours d’une nouvelle audience dans l’affaire qui oppose la justice américaine à Apple à propos du prix des livres sur l’iBooks Store, Eddy Cue, un des hauts gradés qui s’occupe, entre autres, des négociations pour ce qui concerne le contenu, a donné une interview à Fortune et donne pour la première fois son avis sur l’affaire dans la presse.

Selon lui, et avec l’accord de Tim Cook, la persistance d’Apple à ne pas négocier dans cette affaire en concluant un accord s’explique par la volonté de faire éclater la vérité. Il affirme qu’il n’y a pas eu de collusion entre les éditeurs de livres et Apple afin de faire monter les prix. Pour lui, le modèle d’agence choisi par Apple laissait les éditeurs libres de définir leurs prix, à la différence du modèle d’Amazon où c’est le spécialiste en e-commerce qui fixait les prix.

Si effectivement le prix de certains livres a augmenté lors de l’arrivée de l’iBooks Store, à l’inverse, du fait de la plus grande concurrence, le prix d’autres livres a diminué. Selon lui, ce n’est pas Apple qui a conspiré pour faire augmenter le prix des livres, mais bien les éditeurs qui trouvaient que les prix pratiqués sur Amazon étaient trop faibles et comme c’était à eux de fixer les prix dans le modèle choisi par Apple, ils les ont augmenté pour certains livres.

Nous pensons que nous devons nous battre pour la vérité – Eddy Cue

Alors qu’Amazon détenait entre 80 et 90 % du marché de la vente de livres électronique, l’effet premier de l’arrivée d’un gros compétiteur sur le marché a été, de manière surprenante, une hausse des prix jusqu’à 17 % dans certaines catégories de livres. Mais Apple réfute en être à l’origine de concert avec les éditeurs. Les avocats d’Apple vont tenter de faire passer le message suivant : n’importe quel nouvel entrant sur le marché aurait fait augmenter les prix de la même manière, les éditeurs se servant des nouveaux entrants comme d’un moyen pour restaurer leurs marges perdues chez Amazon.

Pour Eddy Cue, pas de doute, l’iPad allait faire une bonne liseuse quand pour la première fois, il est rentré chez lui avec un prototype d’iPad en novembre 2009, à quelques semaines de la présentation de la tablette en janvier. Il a donc immédiatement proposé à Steve Jobs d’ajouter un rayon à son magasin iTunes pour y vendre les livres. Jobs a accepté, mais a indiqué qu’il ne repousserait pas la date de lancement de l’iPad le temps de mettre en place l’iBooks Store. « Mais je te laisse voir ce que tu peux faire » lui indiqua Jobs.

Cue affirme qu’il ne connaissait pas grand-chose de l’industrie du livre et ses équipes lui préparèrent 6 réunions avec les patrons des plus gros éditeurs qu’il rencontra un par un, affirme-t-il. Quelques jours avant ces réunions, il se rappelle avoir lu un article qui rapportait que les éditeurs menaçaient d’arrêter les ventes de livres électroniques à cause des trop faibles marges accordées par Amazon. Il indique qu’il a alors pensé que ces réunions à venir allaient être particulièrement intéressantes. Pour la juge Cote en charge de l’affaire, ce sont ces réunions qui sont le point de départ de la supposée collusion entre Apple et les éditeurs.

Car il n’y pas de doute sur le fait qu’il y a bien eu collusion, mais entre les éditeurs eux-mêmes qui cherchaient à se sortir des griffes d’Amazon. Avant même les réunions avec Eddy Cue, les patrons des sociétés d’édition s’échangeaient des courriels à propos de la stratégie qu’il faudrait adopter pour lutter contre Amazon. Des échanges d’informations illégales qui constituent la collusion, les patrons n’ayant pas effacé les courriels qui servent maintenant de preuves, alors même qu’ils s’invitaient à doublement vérifier que ces messages avaient bien été supprimés de leurs messageries.

Et c’est là le nœud de l’affaire. Pour l’accusation et pour la juge, Eddy Cue savait ce que les éditeurs manigançaient avant même de les avoir rencontrés. Il aurait appris, grâce à des articles de presse, que la date de sortie de plusieurs livres électroniques avait été repoussée par plusieurs éditeurs à après le pic des ventes des livres physiques afin d’engranger un maximum de bénéfices avant la sortie à prix cassés sur le magasin Kindle d’Amazon. Il en aurait profité pour proposer le modèle d’agence qui permettait aux éditeurs de fixer leurs prix, en retour de quoi ils renonçaient au droit de décaler la sortie de la version électronique de leurs livres. Apple proposa alors un même contrat à tous les éditeurs, sur le modèle de l’App Store : 30 % pour Apple, le reste pour eux.

Pour Eddy Cue, Apple n’a pas poussé à augmenter les prix. Apple était tout à fait capable de dégager une marge, même sur des prix bas comme les 0,99 $ des applications ou des titres de musique. Mais le résultat de cet arrangement aurait été qu’Apple aurait vendu des livres électroniques plus chers que ceux d’Amazon. Pour éviter cela, Cue proposa d’imposer aux éditeurs une clause qui les obligeait à utiliser le modèle d’agence avec les autres vendeurs, Amazon y compris. Les éditeurs ne pouvant rien faire de tel, elle fût supprimée des contrats : qu’aurait fait Apple une fois qu’Amazon aurait refusé de changer de modèle ? Du coup, une clause permettant à Apple, tout en conservant le modèle d’agence, de vendre certains livres au même tarif qu’Amazon fût ajoutée.

D’ordinaire légale, cette clause a ensuite été effacée à la demande des éditeurs qui se seraient retrouvés dans la situation initiale : des marges trop faibles. Pour l’accusation, si la clause a été retirée des contrats, elle est restée active dans la réalité. Pour preuve, la réponse de Steve Jobs à qui Mossberg demandait pourquoi des clients iraient acheter une livre à 14,99 $ quand le même livre était disponible à 9,99 chez Amazon. Ce à quoi le patron d’Apple avait répondu que ce ne serait pas le cas, le livre serait au même prix sur l’iBooks Store. Ainsi, Apple et les éditeurs se seraient mis d’accord sur des clauses ne figurant pas au contrat. Un accord tacite que les protagonistes auraient surtout appliqué pour les livres vendus plus cher : de très nombreux titres étaient en effet vendus entre 12,99 et 14,99 $.

D’après les avocats d’Apple, la Pomme a négocié pour ne pas dépasser une certaine limite haute des prix. Pour l’accusation, Apple et les éditeurs se sont entendus pour fixer des prix élevés. Si Apple perdait ce procès en appel, elle devrait en plus verser une compensation de plusieurs centaines de millions de dollars à de nombreux états ayant intenté une action contre la société.

Si je pouvais tout recommencer, je le ferais. Je prendrais juste de meilleures notes. – Eddy Cue

Can Apple clear its name (…)