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Avis d’expert, Guillaume Gete et Nintendo sur mobile

Arnaud

Publié le

 

Par

Guillaume Gete

L’annonce de l’arrivée de Nintendo sur les plateformes mobiles iOS et Android en a surpris plus d’un. Mais pas notre expert, Guillaume Gete, aussi spécialiste d’OS X qu’il est fan de Mario (des rumeurs estiment qu’il est lui-même le fruit des amours coupables de Mario et Steve Wozniak), qui y voit la poursuite d’une stratégie déjà amorcée, et dont la portée n’est pas celle qu’espèrent les plus optimistes. Interview !

Comment comprends-tu l’annonce d’aujourd’hui ?

« Nintendo se donne les moyens de se lancer un peu plus dans le mobile, qui est un marché qui certes concurrence ses consoles… mais dans une moindre mesure que ce qu’on pourrait craindre. Elle vend toujours des consoles, la 3DS et la New 3DS semblent toujours bien se vendre, ses derniers jeux se vendent bien, et même si la Wii U n’a pas eu le succès escompté (Nintendo a fait de grosses erreurs stratégiques dessus), elle devrait être assez rentable pour eux cette année. Les voyants retournent petit à petit au vert. Mais le marché du jeu mobile lui échappe totalement, alors qu’elle a les moyens d’y proposer de bons et beaux jeux ».

Constitue-t-elle un vrai revirement, ou plutôt une inflexion par rapport à la réflexion antérieure de Nintendo, qui voulait déjà aller sur mobile pour « faire le marketing » de son propre éco-système ?

« Une inflexion, et pas vraiment une surprise. Nintendo avait déjà annoncé qu’ils allaient s’in­té­res­ser aux jeux sur smartphone, donc c’est juste que là, ils se donnent les moyens de le faire. Non, cette annonce est vraiment dans la lignée de ce qu’elle a annoncé précédemment ».

N’est-il pas étrange que Nintendo s’associe à DeNA, plutôt que développe elle-même ces jeux ? Faut-il y voir un « mauvais » signe ?

« Euh… Nintendo a développé un paquet de jeux avec des éditeurs tiers, y compris ses plus grosses licences. Les merveilleux Metroid ou Donkey Kong chez Retro Studio (devenu “second-party” ensuite), les excellents Zelda avec Capcom sur Gameboy, etc. Ce n’est pas un mauvais signe : juste qu’à partir d’un certain moment, quand on n’a pas les compétences en interne ou que l’ingénierie n’est pas disponible pour certains projets, il faut les chercher à l’extérieur. C’est ce que font un paquet de sociétés de nos jours, il me semble, cf Apple, Google, Facebook… En quoi cela semble plus surprenant pour une société japonaise ? »

Nintendo ne prend-elle pas des risques concernant les ventes de ses consoles portables, qui sont le segment qui se porte le mieux dans l’offre matérielle de l’entreprise ?

« Ne rêvez pas : vous n’aurez pas un Super Mario ou Legend of Zelda façon 3DS sur votre iPhone. Ce que Nintendo va faire, c’est créer des jeux autour de ses personnages, de ses IP (NdGG : propriété intellectuelle, hein, pas l’Internet Protocol 🙂 ). Elle peut créer des petits jeux s’appuyant sur ses licences fortes, mais sans pour autant sacrifier ses vraies licences. Et c’est quelque chose que Nintendo a fait depuis… des années ! »

« Vous l’avez peut-être oublié, mais dans les années 90, Nintendo a déjà utilisé ses licences sur d’autres consoles que les siennes, par exemple avec les “Mario is missing” sur Super NES (des jeux éducatifs) ou les extraordinairement mauvais Mario ou Zelda sur CD-I. Autour de Mario ou Zelda, il y a des tonnes de jeux alternatifs. Super Mario Bros, c’est le titre canonique, et quand on pense Mario on pense forcément à ce jeu-là. Mais le personnage de Mario existe dans des tonnes de jeux qui n’ont rien à voir avec la plate-forme. Je pense par exemple aux jeux de plateau Mario’s Party, ou Mario vs Donkey Kong, un jeu plutôt axé réflexion. Ce dernier est typiquement le genre de jeux qui passerait bien sur mobile.

Pour moi, la réflexion de Nintendo doit être du type : “plutôt que de se faire bouffer par un Candy Crush Saga, offrons des jeux du même type, mais avec nos idées et nos licences”. Ce type de jeux existe en plus déjà : Wario’s Woods, Yoshi’s Cookie, Dr Mario… Ce sont les ancêtres de Candy Crush, qui n’a RIEN inventé, rappelons-le (c’est un clone de Shariki, un vieux jeu DOS). King a créé un modèle économique autour d’un clone d’un jeu existant, rien de plus. Idéalement, Nintendo pourrait proposer ces jeux en “cross-buy” : si j’achète le jeu pour mon smartphone, je peux aussi l’utiliser sur 3DS, et vice-versa, pour être dans la complémentarité plutôt que dans l’opposition.

Et au passage, Nintendo a déjà commencé à mettre le pied à l’étrier avec le jeu “Pokemon Shuffle”, sur 3DS, qui est son premier jeu freemium… »

L’annonce du développement de la console NX. Quel segment pourrait-elle viser ? Y’a-t-il de la place dans la gamme actuelle pour un nouvel appareil ?

« Rien. On n’en sait rien 😀 Juste qu’il y aura un nouveau concept appelé “NX”. Voilà. On ne sait pas ce qu’il vise, on ne sait pas ce qu’il fait, c’est une annonce totalement vide. J’adorerais en dire plus, mais ce qu’on a, c’est juste une annonce d’une ligne.

Après, en extrapolant… On sait que Nintendo aime bien annoncer des trucs dont les lignes “bougent” à la fin. Remplaçant de la Wii U ? Peut-être un peu tôt. Une console sans cartouche, uniquement avec des jeux en téléchargement ? Bonjour pour la vendre dans les boutiques de jeux vidéo… Par contre, un concept qui permettrait d’utiliser des applications sur smartphone avec une console de salon centralisant l’info, ça pourrait être intéressant. Je pense à l’idée du Gamepad de la Wii U. C’est un écran déporté, souvent très mal utilisé. Là, l’idée serait que votre console fait tourner un jeu, mais des infos pourraient être envoyées sur les smartphones des personnes connectées via une application ad hoc. Plutôt que de se dire “tiens, on va proposer notre périphérique avec écran pour que les joueurs aient de l’information déportée”, Nintendo pourrait utiliser celui que les gens ont tous sur eux. Ça pourrait être finaud…

Mais si ça se trouve, j’ai tout faux. Donc attendons d’avoir plus d’informations, pour l’E3 de mai peut-être. »