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Événement

La fin de la rente mobile ?

La fin d’un système en direct. Mardi 10 janvier 2012, Xavier Niel a tenté de redéfinir le modèle économique de la téléphonie mobile, après avoir chamboulé celui de l’internet.

Boro

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Ce ne sera pas faire injure aux talents de showman de Xaviel Niel, le P-DG d’Iliad, que de préciser que sa prestation scénique ne rappelait pas tant celles de Steve Jobs, comme se sont peut-être avancés un peu précipitamment un certain nombre de journalistes en mal de comparaisons, que celles des équipes de Microsoft… du moins si l’on s’en tient à la gestuelle.

En revanche, si l’on considère la teneur du message délivré ce matin dans une conférence de presse «on stage» annoncée 24h à peine à l’avance, mais précédée d’un buzz qui allait crescendo depuis plusieurs semaines, la référence était clairement à chercher du côté d’Apple et de la Californie. Visiblement très satisfait, le trublion des télécoms ne s’est d’ailleurs pas privé de se poser en chevalier blanc du consommateur et en moralisateur du secteur, tapant à bras raccourcis sur ses trois concurrents avec une jubilation qui n’était pas sans rappeler celle d’un Steve présentant l’iPhone pour la première fois en janvier 2007. Est-ce vraiment un hasard ? Xavier Niel a tenu à glisser au passage que les offres présentées ce matin avaient justement été conçues, sur un coin de table, en cette année 2007, pour sortir du maquis des offres commerciales et des conditions générales de ventes imposées par les opérateurs.

Car, outre le péché mignon qui consiste en arrivant sur un marché à expliquer aux acteurs historiques comment ils auraient dû s’y prendre, le français partage avec le Californien sa capacité à coller au plus près aux attentes de l’utilisateur… quitte à les anticiper et aller au-devant, avec la simplification pour marque de fabrique. Or en l’espèce, Niel continue à se comporter en véritable « dynamitero » de la Révolution mexicaine, faisant voler en éclat la tirelire qu’Orange, SFR et Bouygues Telecom avaient pu se constituer.

« Il était une fois la Révolution »

Aussi peu modeste qu’Apple à ses heures, Free a en effet entrepris, comme elle, de s’attaquer au modèle économique de ses concurrents, sur lesquels il a tiré à boulets rouges, pour lui substituer le sien supposément plus vertueux. De fait, ce sont tous les piliers de la rente de l’« oligopole » que Free a entrepris de dézinguer :

– le prix de la téléphonie, des SMS/MMS et des connexions internet, avec une « offre idéale » réellement illimitée dont un « fair use » de 3 Go et 40 destinations internationales incluses, pour 19,99 €, soit un tarif approximativement divisé par 2. Le coup de ciseau vaut d’ailleurs également pour les coûts hors forfait où les opérateurs classiques font une bonne partie de leur marge.

– pas d’engagement, l’opérateur considérant que son dynamisme – si ce n’est l’inertie de ses concurrents – lui permettra de se positionner en permanence avec la meilleure offre sans continuer à facturer un forfait à un client qui souhaiterait passer à la concurrence.

– Ceci vaut également pour la distribution des terminaux mobiles, dont la vente est non seulement dissociée du forfait et ne donne pas lieu à une période de verrouillage. En contrepartie de la fin de la subvention, le nouveau modèle de distribution repose sur des offres d’acquisition à la fois lisibles puisque dissociées, et étudiées. Le P-DG n’était ainsi pas peu fier d’annoncer la disponibilité de l’iPhone pour la première fois chez un opérateur débutant, avec des tarifs beaucoup plus accessibles : jusqu’à deux fois moins cher que ses concurrents et avec un tarif initial de 1 € par exemple pour l’iPhone 4S, à la chinoise…

Xaviel Niel s’est même taillé un beau succès en détaillant de façon clinique et avec des mots très durs le tarif social du forfait dit « RSA », en proposant 60 min de voix et 60 MMS là où ses concurrents n’en proposaient royalement que 40, à 2 € par mois contre 10 € et encore, assorties une nouvelle fois de dépassements de forfaits prohibitifs. Et encore, insiste-t-il : en divisant le prix du forfait social par 14, Free parvient tout de même à dégager une petite marge !

Tout le jeu de Free est de se positionner sur les marges de manœuvre des opérateurs… et la plus grande part de leur marge bénéficiaires :

– sur le dépassements de forfaits

– sur la subvention des terminaux

Quant à la concurrence si durement étrillée durant la conférence, elle fait pour l’instant le dos rond en s’efforçant de faire bonne figure. À la Direction de la Communication d’Orange que nous avons contactée, le mot d’ordre est visiblement le fairplay et on s’en tient à la communication suivante « Aujourd’hui, c’est la “Journée de Free”, c’est le lancement et on laisse Free savourer son triomphe, et Orange reviendra très vite vers ses clients avec des offres pour répondre aux annonces de Free » sans s’attarder à d’autres commentaires.

Reste que chez l’opérateur on doit l’avoir saumâtre, dans la mesure où c’est Orange qui accueillera les abonnés Free sur son réseau 3G dans les zones où le 4e opérateur n’aura pas encore déployé ses propres relais. Xavier Niel s’est d’ailleurs fendu de remerciements à Stéphane Richard, P-DG d’Orange et ancien de Bercy, à la fin de son intervention… ainsi d’ailleurs qu’à François Fillon ou à l’ARCEP. De quoi relativiser un peu l’image sulfureuse et anti-establishment du charismatique patron, le deal conclu avec Apple montrant si besoin en était qu’Iliad est devenu un acteur majeur – ce que les anglo-saxons appellent un game changer – dans le paysage hexagonal…

Free mobile

Communiqué de presse Iliad
_Les détails de l’offre

Pour revoir la prestation de Xavier Niel :