Réflexions sur le Xserve
Les serveurs sont à peine sortis, et déjà les listes de discussion spécialisées croulent sous les contributions et commentaires, prouvant par là-même s’il en était besoin qu’Apple était attendu depuis un moment sur ce marché. Alors, quand un administrateur OS X rencontre un administrateur OS X, de quoi parlent-ils ? Du Xserve. Après le récent article publié chez nous sur les besoins d’une machine rackable, le moins que nous puissions faire était de passer en revue ces nouvelles machines.
Du côté des disques durs
Concernant les disques durs, si Apple explique le choix de l’ATA plutôt que du SCSI par une vitesse de transmission des données comparable, elle passe sous silence la fiabilité, la durée de vie, et le fait que ces disques ATA tournent à 7200 tr/min là où il n’est pas rare d’employer du SCSI à 10 ktr/min, voire même 15 ktr/min [[Même si le gain de latence entre du 15 ktr-min et du 10 ktr/min peut paraître négligeable en regard de l’écart de prix des disques, certaines configurations ont le tout 15 ktr/min en credo.]]. Certes, ce choix est totalement justifié pour les configurations qui ont davantage besoin d’espace disque que de performance pure et peuvent supporter une latence plus importante… pour autant, les quatres baies de stockage, dans l’esprit d’une machine serveur, se comprennent davantage comme un système bon marché de redondance que comme une capacité de stockage quadruplée. Là où Apple indique jusqu’à 480 Go de données, l’administrateur machine raisonne plutôt en terme de 2×240 (RAID 0+1) [[Voire même 4×120 pour ceux qui portent des bretelles attachées à leur ceinture.]]. Notez qu’il est tout-à-fait possible de procéder ainsi grâce au logiciel Software RAID intégré, qui autorise mirroring et stripping entre les disques. En résumé, il eut été de bon ton de pouvoir offrir également, en option sur l’AppleStore par exemple, le choix du SCSI en interne, en non seulement via une carte PCI [[L’option d’un SCSI interne est actuellement impossible en raison de la nature de la baie hot-swap ATA.]]. J’irai même jusqu’à dire : le choix du disque. Avec un contrôleur Ultra160 intégré, le RAID en option, et la possibilité de pouvoir installer des disques SCSI U160 15 000 tr/min amovibles, le Xserve ramènerait dans ses filets les plus exigeants des administrateurs.
Du côté de la connectique
Le Xserve reprend classiquement deux ports USB et trois ports FireWire. Mais l’excellent point est la présence d’un port série, présence qui ne paraîtra saugrenue qu’à ceux qui n’ont jamais eu à se lever en pleine nuit pour aller redémarrer eux-mêmes, ou faire redémarrer (pour les chefs…), un serveur en vrac. Ce port permet en effet de profiter des solutions de hardware reboot, qui se chargent de redémarrer pour vous une machine qui ne répond plus, et vous évitent le déplacement. Mais mieux encore, ce port permet de connecter une console, fonctionnalité indispensable pour les administrateurs de baie. En ce qui concerne la carte graphique, l’AppleStore indique curieusement que le Xserve doit impérativement en avoir une, même si, comme c’est indiqué dans les spécifications techniques, le serveur peut être démarré sans écran et supporte très bien de se voir brancher un écran à chaud. Par ailleurs, la chose a son utilité dès qu’il s’agit de connecter les racks à des switchs écran-clavier-souris, comme c’est relativement souvent le cas dans ce milieu. Apple a en tout cas bien saisi l’inutilité d’une carte graphique d’enfer dans une configuration serveur, et l’on ne peut que s’en féliciter.
Du côté des composants
Les prudents et les flippés ont tout de suite pointé ce qui est selon eux une faiblesse, à savoir l’absence de redondance de composants divers (notamment l’alimentation). En somme, selon eux, Apple ne propose pas de serveur à tolérance de panne décent. Si ce n’est pas entièrement faux, ça n’est pas totalement juste pour autant [[(Voix du prof de math) “Quand c’est presque juste, c’est tout-à-fait faux, Monsieur Calmusac“… même pas vrai ! Et toc.]]. Certes, si un fusible rend l’âme, le serveur n’est plus qu’une jolie boite inutile. Mais on peut en dire autant de n’importe quel composant important de n’importe quelle machine. A partir du moment où il flanche, le reste ne suit plus. N’oublions pas qu’il s’agit là d’une configuration 1U, et qu’en conséquence certaines restrictions ont dû être appliquées, notamment au niveau de la redondance des composants qui, pour l’essentiel, sont relativement fiables [[Les constructeurs n’ont pas encore imaginé construire des processeurs hot-swappables, non plus que des contrôleurs RAM ou PCI.]]. Dans cet espace restreint, il n’existe que très peu de serveurs avec alimentation redondante par exemple, et c’est normal, il y a déjà suffisamment de chaleur à évacuer et trop peu d’espace disponible. Il ne faut par ailleurs pas perdre de vue que des serveurs 1U s’achètent en général “en masse” plutôt qu’à l’unité. Ainsi, un parc informatique en achètera quatre de préférence à un serveur 4U, de manière à ce que la redondance soit assurée par le nombre de machines plutôt que par celui des composants. La redondance est tellement ancrée dans l’esprit d’un administrateur qu’il préférera l’avoir au niveau le plus élevé. Avec plusieurs serveurs identiques, la redondance se trouve au niveau de la RAM, des processeurs, des alimentations, etc. Peut-être qu’à l’avenir, Apple développera des 2U davantage redondants, mais pour l’heure, 95% des utilisateurs futurs du Xserve n’ont que faire d’une alimentation doublée [[Et puis il y a davantage de chance de voir brûler un disque ou une barette de RAM qu’une alimentation.]].
Du côté du processeur
La plupart des administrateurs, bien que n’étant pas forcément décisionnaires quant aux achats, ne peuvent s’empêcher de comparer le nouveau Xserve à des configurations Dell ou Compaq tant que faire se peut équivalentes. En ces termes, la machine d’Apple s’en sort somme toute plutôt très, très bien, surtout si l’on considère que les configurations PC se basent sur des biprocesseurs Pentium III [[Il existe une extrême difficulté à obtenir des configurations Intel biprocesseur à base de Pentium 4, hors Xeon.]]. Ces comparaisons restent valables pour tous les domaines ne nécessitant pas AltiVec. Par contre, dès que ce dernier est mis à contribution, le G4 est à classer dans la catégorie supérieure.
Du côté du prix
Le Xserve peut se comparer à de nombreuses configurations PCs, et son prix n’est pas singulièrement excessif. Un petit tour sur le site de Dell nous permet d’établir le comparatif suivant :
DELL PowerEdge 1650 | Apple Xserve |
Intel Pentium III 1.13GHz | PowerPC G4 1 GHz |
512K Cache | 256K L2 cache & 2Mo L3 cache |
VersaRails for Non-Dell 4-Post Rack | Rack 1U |
256Mo SDRAM à 133MHz, 2X128Mo DIMMs | 256Mo DDR SDRAM à 266MHz |
3 baies (1×3) hot-plug SCSI Hard Drive Backplane | 4 baies (1×4) ATA hot-swap intégrées |
73 Go, Ultra 160 SCSI 10K RPM | 60 Go, UltraATA/100, 7200 RPM, Apple Drive Module |
– | Carte graphique ATI |
Intel Pro 1000XT Gigabit NIC-Copper x2 | Gigabit Ethernet intégré et carte PCI/AGP Gigabit Ethernet |
PCI Riser, 2 slots 64bit/66MHz | 2 slots PCI 64-bit/66MHz, 1 slot PCI/AGP 32-bit, 66 MHz |
Lecteur de disquette 1.44MB | – |
– | 2 ports USB, 3 ports FireWire, 1 port série |
CD-ROM interne 24x IDE | CD-ROM interne 24x IDE |
Windows 2000 Server avec licence 5 clients | Mac OS X Server, licence illimitée |
3 ans de support GOLD, intervention en 4 heures sur site, 7/7, 24/24 | – |
SQL Server 2000, Exchange | Logiciels Open Source (MySQL, Samba…) et Apple (Mail Server…) |
Prix : $6,233.00 | $2,999.00 |
Oui, plus de deux fois le prix ! Pour être honnête, la différence est principalement due au système d’exploitation puisque, sans Windows 2000 server, SQL server ni Exchange (autrement dit, sans rien pour le faire fonctionner), la configuration Dell revient à 2,854,00 $.
Présentement, le processeur G4 et son architecture RISC, la mémoire ainsi que les caches vont en faveur du Xserve. Par contre le disque SCSI sera en faveur du PowerEdge pour qui veut une latence minimum. Enfin, la différence de coût qu’impose Apple entre la version monoprocesseur et la version biprocesseur immédiatement supérieure du Xserve nous paraît pour le moins excessive, surtout si l’on compare la politique des concurrents en la matière.
Du côté du design
Là, rien à dire ! Même si ce domaine est, par essence, subjectif, Apple réussit à faire des racks d’une telle beauté que nombre d’administrateurs envisagent de changer la porte métallique de leur baie pour quelque chose de transparent. Plus sérieusement, le génie ergonomique de Cupertino est à l’oeuvre dans le Xserve quand vient le moment de changer un composant : des rails à glissière permettent à l’ensemble de la machine de s’extraire, un peu comme un tiroir, vous permettant d’avoir accès à tous les composants sans qu’il soit besoin de démonter le rack de sa baie. Les indicateurs en façade, en plus d’être élégants, sont pratiques. Ainsi il est possible d’avoir une indication quant à l’activité des disques ou connexions Ethernet, activité globale du système… L’utile est joint à l’agréable.
Au final… “c’est d’la balle !“
Au final, soyons sûrs qu’après avoir mis autant d’effort en recherche et développement pour nous fournir une machine de ce genre, Apple ne s’arrêtera pas là. Ce premier serveur est absolument excellent pour sa catégorie, et très bien positionné en ce qu’il devrait permettre à Apple d’apprécier plus finement la demande d’évolution de gamme. Le Xserve RAID annoncé pour la fin de l’année en est le bon, très bon augure.