App Store : pourquoi Apple pourrait perdre le contrôle en Europe dans deux jours
L’Europe en a marre des demi-mesures et menace enfin là où ça fait mal : le portefeuille.
À deux doigts d’une nouvelle sanction européenne, Apple tente d’éteindre l’incendie. L’Union européenne lui reproche une entrave persistante aux règles concernant la concurrence imposées par le Digital Markets Act, en particulier sur la question du paiement in-app et du fameux « steering » (nous nous attarderons sur cette notion ensuite).
Si la firme de Cupertino ne cède pas d’ici au 26 juin, elle devra affronter une Europe décidée à briser l’enfermement technologique qui fait la force du modèle Apple et cèdera une part de son pouvoir sur l’App Store.
La ligne rouge du DMA : Apple s’en rapproche dangereusement
Depuis le mois de mars 2024, Apple est officiellement dans la ligne de mire du Digital Markets Act, le texte européen censé forcer les géants du numérique à ouvrir leurs écosystèmes. Dès l’arrivée d’iOS 17.4, Apple s’était efforcée de donner des gages, en tolérant les boutiques d’applications tierces et des moyens de paiement alternatifs. Ce qui, dans son histoire, était une grande première.
Néanmoins, pour Bruxelles, c’est insuffisant et le compte n’y est toujours pas. Le « steering » que nous évoquions en introduction, c’est-à-dire l’interdiction donnée aux développeurs de rediriger les utilisateurs vers des systèmes de paiement externes, reste actif. Partiellement, tout du moins. Ce qui a valu pour Apple, en mars dernier, une amende de 500 millions d’euros infligée par la Commission européenne pour abus de position dominante concernant les services de streaming musical.
Une sanction symbolique, certes, mais assortie d’un avertissement on ne peut plus clair : si cette pratique persiste au-delà du 26 juin 2025, l’exécutif européen pourra imposer des astreintes journalières jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires mondial. Vu les revenus d’Apple en 2023 (383 milliards de dollars), cela représenterait plus de 50 millions de dollars par jour.
Une pression réglementaire, certes, mais c’est aussi, pour l’Europe, un test grandeur nature de sa disposition à appliquer son propre droit contre l’écosystème le plus cadenassé de l’histoire de la tech.
Un pas en avant, deux pas en arrière
Apple a bien tenté de montrer patte blanche, de lâcher du lest et d’assouplir ses règles internes. L’ouverture opérée depuis iOS 17.4 est toute relative, puisque chaque brèche s’accompagne d’un cadre bien trop strict : dépôt de garantie, autorisations multiples, et surtout, la fameuse Core Technology Fee (CTF).
Cette redevance de 0,50 euro par installation annuelle au-delà du premier million de téléchargements concerne toutes les apps distribuées en dehors de l’App Store. C’est très finement joué, puisque même en dehors de son écosystème, Apple continue de percevoir une commission, ce qui a fait bondir nombre de développeurs, et les autorités européennes avec eux. Pour la Commission, il s’agit d’un frein à la libre concurrence, déguisé en frais techniques.
L’entreprise donne l’illusion du compromis, sans jamais toucher au nerf de son pouvoir ; la centralisation. Ce que l’Europe appelle « concessions » n’est, pour Cupertino, qu’un habillage réglementaire destiné à conserver l’essentiel : garder le monopole de la porte d’entrée et de sortie sur iOS. Cette fermeture et ce contrôle total garantissent sa rentabilité, l’entreprise défend donc bec et ongles un modèle économique fondé sur l’enfermement du consommateur et la dépendance des développeurs.
Tout ce qui pourrait menacer ce contrôle (ouverture réelle à la concurrence, paiements externes, app stores alternatifs fonctionnels) menace directement la rente que l’App Store génère. Apple l’a bien compris, elle peut céder en apparence, oui ; mais jamais en profondeur sur le système qui lui assure des milliards.
Selon les informations du Financial Times, Apple serait en train de revoir ses positions, sous la menace des sanctions à venir. Des (vraies ?) concessions seraient sur la table, en particulier sur les règles de redirection et peut-être sur les modalités de la CTF. Mais tant que ces aménagements ne sont pas officiellement validés par Bruxelles, le compte à rebours continue.
Ce jeudi 26 juin pourrait être une date charnière dans l’histoire de l’entreprise de Cook. Si elle ne veut pas faire preuve de bonne volonté, l’UE lui tapera dans le portefeuille et la contraindra à desserrer son emprise sur l’un des principaux piliers de son modèle économique. L’Europe est en train d’imposer à Apple des règles qu’elle n’a jamais tolérées ailleurs. Si la firme cède trop, elle sape les fondations de son empire. Si elle se braque, elle défie frontalement le droit européen. Il ne lui reste plus que quelques dizaines d’heures pour trouver le juste milieu.
- L’Union européenne pousse Apple à ouvrir davantage son écosystème mobile, notamment concernant les paiements et la redirection des utilisateurs.
- Apple doit rapidement ajuster ses pratiques avant le 26 juin pour éviter des pénalités financières colossales, après une première amende salée.
- : L’entreprise est face à un dilemme : céder une partie de son contrôle et risquer son modèle économique, ou défier les régulateurs au risque de sanctions.