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Prospective

Bientôt des parts de marché à 2 chiffres ?

La stratégie de course mise en place par Cupertino commence à porter ses fruits, comme le montrent les derniers chiffres trimestriels de la société. Il reste cependant une inconnue…

Boro

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Faudra-t-il un jour “déboucher” analystes financiers et autres commentateurs autorisés… après leur avoir fait rendre gorge pour toutes les onéreuses notes de synthèse, analyses du secteur et autres prévisions pour les trimestres à venir doctement dispensées (et chèrement vendues)? La question mérite en tous cas d’être posée, tant les déclarations péremptoires reposent malheureusement bien souvent sur des appréciations biaisées de la réalité, a fortiori lorsqu’il est question d’une société aussi atypique qu’Apple (voir l’édito du 13 juillet). Dans ces conditions, des corrections à la hausse sur le titre AAPL de l’ampleur de celle d’hier – plus de 12% dans un volume important – apparaissent tout de même disproportionnées.

Les résultats opérationnels du 3e trimestre d’Apple sont en effet un motif de satisfaction, et viennent confirmer ceux des trimestres précédents : exercice fiscal après exercice fiscal, record après record, les résultats montrent que la stratégie de course mise en place par Cupertino commence à porter ses fruits… Mais même si les bons chiffres sont dus à des ventes et progressions et des choix industriels qui forcent l’admiration, il reste cependant une inconnue.

De bien bonnes nouvelles en effet…

Les résultats du trimestre dernier ont en effet de quoi réjouir (voir la dépêche du 20 juillet) : un chiffre d’affaires en hausse de 24% et des bénéfices en augmentation de 48%, avec 12% de Macintosh supplémentaires (1 327 000) vendus par rapport au même trimestre de l’année précédente. Mieux, certaines voix avaient pu craindre une pause dans les ventes de Macs en attendant que la transition sur les processeurs Intel soit achevée. Or il n’en est rien : c’est désormais non seulement 75% de la gamme d’Apple qui est proposée avec des processeurs Intel – seuls manquent encore à l’appel les successeurs du Xserve et du PowerMac, probablement présentés le 7 août prochain lors de la WWDC – mais surtout 75% des Macs achetés qui embarquent les fameux processeurs dessinés à Santa Clara.

Des parts de marché en hausse

Steve Jobs a tout lieu de se féliciter dans le communiqué de presse, et tout porte à croire – même si rien n’est encore gagné tant que l’ensemble des machines “pros” et des applications-clé d’Adobe, Quark et Microsoft n’ont pas effectué elles aussi une transition réussie – que sa stratégie de la marche forcée était la bonne. Les chiffres provisoires livrés par IDC pour le 2e trimestre de l’année civile qui correspond au 3e trimestre fiscal d’Apple vont également dans ce sens : avec des ventes de détail qui progressent de 50 – voire même 60% en ce qui concerne les portables – par rapport au trimestre équivalent, l’adhésion remportée par les nouvelles machines ne souffre aucune contestation.
Mieux, avec 16% de progression aux États-Unis, Apple est passée de 4,4 à 4,8% et est confortablement installée à la 4e place de son marché domestique. Quand aux portables, ils ont raflé 12% de parts de marché, alors que les différents MacBook de la famille ne sont arrivés qu’en cours de trimestre. En Europe, Apple s’adjuge la 9e place des constructeurs.

Richard Shim en conclusion du communiqué de presse d’IDC voit d’ailleurs dans cette “transition réussie vers les systèmes basés sur Intel – critique pour la société – le socle d’une future croissance.” On ne saurait mieux dire.

… et des perspectives rien moins que prometteuses

Mais c’est de la conférence de présentation que sont venues les raisons d’être optimiste à Cupertino, au delà de la conjoncture d’un trimestre particulièrement bon.

Apple est bien gérée, et elle a su sécuriser ses approvisionnements en composants, en se mettant à l’abri des fluctuation des cours : c’est ce qui explique la marge brute de 30,3% ce trimestre. Le marché des dalles d’écrans LCD, des disques durs et bien entendu de la mémoire NAND est plutôt dans une période favorable lorsque l’on est acheteur, tandis que celui de la mémoire DRAM est relativement équilibré.

Toutes proportions gardées, les chalands se bousculent presque à présent pour acheter du Mac : la moitié des clients de ses 154 magasins de détail sont des nouveaux-venus sur Mac. Ce sont les particuliers et le secteur de l’Education Supérieure qui portent la demande à ce niveau élevé, quand le 2e pilier traditionnel d’Apple que représentent les machines professionnelles de bureau n’a pas achevé sa transition vers Intel, pas plus que leur bibliothèque logicielle, d’ailleurs. Il reste à attendre ce que Steve Jobs va sortir de son chapeau le 7 août prochain, et à observer attentivement le comportement d’ l’iMac-E dans les achats institutionnels de l’Education. Les ventes d’Apple dans ce secteur historique de l’activité de la société ont été au plus haut ce trimestre qu’elle ne l’avaient été depuis 10 ans, c’est à dire depuis le retour de Steve Jobs aux commandes.

Dans ces conditions, la phase de plateau atteinte ce trimestre par les ventes d’iPod paraîtra sans doute bientôt anecdotique.
Depuis le lancement en fanfare du Music Store, les observateurs ont oscillé en permanence entre incrédulité et auto-hypnose devant la courbe de progression des ventes du petit baladeur de la Pomme. Or si le marché arrive à présent à maturité avec des taux d’adoption de l’ordre de 20% des possesseurs d’ordinateurs aux Etats-Unis, la part de l’iPod n’y est pas moins resté supérieure à 75%, avec des parts de marché pour iTunes Music Store mesurées aux alentours de 85%. Et le petit baladeur progresse en Europe et au Japon, où il vient de passer la barre des 50%. Pas si mal pour un produit qui n’a pratiquement pas été revu depuis 10 mois, quand se bousculent de nouveaux “iPod killers” toutes les semaines, ou presque ! Mais à moins d’un nouveau petit miracle “domestique”, les observateurs vont sans-doute devoir se réaccoutumer aux sinusoïdes de la périodicité des ventes du secteur hi tech. —–

Raison de plus pour Apple de trouver plus fréquemment des relais de croissance, si elle ne veut pas voir se désynchroniser ses rythmes internes, et la phase de plateau se transformer en sommet d’une courbe descendante…

Un petit pronostic ?

Ironie de l’histoire, les équipes d’Apple n’ont jamais été jamais aussi approchées par les “analystes” que depuis ces derniers jours. Est-ce parce qu’ils se sont enfin rendu compte que pour la plupart d’entre eux, leurs grilles de lectures étaient inopérantes? La situation d’Apple n’est pourtant pas difficile à décrire – elle est excellente, et s’appuie désormais sur 2 pôles synergiques à la fois bien distincts et complémentaires, pas plus d’ailleurs que les rares écueils qui restent sur une route maintenant dégagée.

Gare à la facilité…

En ce qui concerne la musique, Apple a semé la plupart de ses concurrents et fait désormais la course à son train. Même si l’on peut faire crédit à Jobs ne ne pas être homme à s’endormir sur ses lauriers, rien ne saurait être pire que de voir Apple s’installer sur un faux rythme : d’une part pour rester à l’avantage des consommateurs un marché a besoin de compétiteurs qui s’aiguillonnent, d’autre part l’arrivée annoncée de Microsoft dans la place promet à La Pomme une opposition d’une autre nature que celle à laquelle elle a été confrontée jusqu’ici. L’exemple de la Xbox montre qu’à Redmond on est prêt à vendre à perte lorsqu’un marché est considéré comme stratégique. Le français Archos fait également mieux que se défendre, et Sony n’a pas renoncé. Preuve que la menace du le terminal téléphonique de 4e génération désormais prise au sérieux, Fred Anderson et Tim Cook ont déclaré qu’Apple “ne restait pas assise sans rien faire de ce côté-là“.
L’actuelle phase de plateau pourrait ainsi être imputable à l’absence de renouvellement de la gamme qui semblait être planifiée au printemps, et Cupertino manque désormais cruellement de partenariats en Europe et France, alors que ses concurrents ont été obligés de s’unir pour résister : les nouveaux produits autour de l’iPod encore dans les tuyaux ont donc intérêt à être sexys en diable, et Apple Europe à pousser les feux du côté du co-branding!

Pour ce qui est du volet plus spécifiquement informatique de son activité, Apple a su sécuriser ses approvisionnement en composants, on l’a vu. Le passage à la plate-forme Intel représente la pierre d’angle de cette préoccupation stratégique, qui lui donne accès à des composants en quantité, à des prix attractifs et – du moins l’espère-t-on un lisibilité importante à moyen et long terme en matière de performance technologique. Or si elle n’a pas intérêt à voir Intel s’endormir sur le magistère qu’il exerce jusqu’à présent en matière de composants, Apple qui a déjà épuisé 2 fondeurs comme d’autres crevaient jadis les chevaux de poste n’a rien à gagner à voir s’installer une guerre des prix à outrance entre Intel et AMD, qui assècherait les capacités d’investissement de son fournisseur et de son principal challenger.

De retour dans la cour des grands?

La panade dans laquelle patauge Redmond avec Vista offre à Apple une fenêtre de tir exceptionnelle pour s’imposer à nouveau sur le terrain de la micro informatique comme elle a su le faire sur la tabula rasa de la musique numérique. L’intérêt autour de Boot Camp montre qu’elle a en tous le cas un bon coup à jouer, et Mac OS X 10.5 Leopard, avec le retour de la souplesse et de la puissance de calcul du 64 bit pourrait être un atout-maître dans la manche de Jobs : lui qui n’aime rien tant que prendre son petit monde par surprise pourrait aussi bien annoncer un lancement d’OS X Leopard anticipé par rapport à toutes les attentes !

On a parlé ici voici 3 ans de “redressement” en cours à propos d’Apple (voir la chronique du 20 octobre 2003) – un peu dans le scepticisme général, d’ailleurs – ainsi que d’un changement de perception vis-à-vis de l’entreprise Apple. On peut miser à présent sur le retour de La Pomme à des parts de marché à deux chiffres – au niveau mondial et toutes machines confondues cette fois, d’ici 2 à 3 ans. A Cupertino on mobilise ses réserves financières, en tous cas : ce sont à présent 8 milliards de dollars de liquidités qui sont prêts à être employés, après les 6 milliards mobilisés au trimestre précédent. Il n’est pas certain que ce soit seulement pour payer d’avance la mémoire NAND des nouveaux iPods…