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Prospective

Apple,entre green IT et tableau noir

Entre efficacité energétique et miniaturisation, Apple prépare le terrain pour son prochain départ. Au passage elle cajole son marché de prédilection tout en verdissant son message…

Boro

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Une véritable Grany-Smith. Si l’on s’intéresse fut-ce d’un œil distrait à l’actualité d’Apple, le renouvellement de gamme présenté la semaine dernière par La Pomme aura rarement été plus vert, le californien faisant désormais assaut de démonstrations d’écolophilie dans sa communication. Malmené par les activistes du secteur depuis bientôt 5 ans, le constructeur a fini par prendre le taureau par les cornes en avril 2007 avec un manifeste intitulé “Pour une Pomme plus verte” et signé de Steve Jobs, lequel suit très régulièrement le dossier puisque le P-DG a assorti l’année suivante son texte d’un droit de suite, qui détaillait les progrès réalisés depuis son fameux coup de gueule du printemps 2007 sur le sujet. Loin de faire amende honorable, Steve avait au passage habillé pour l’hiver suivant les “donneurs de leçons” du guide pour une électronique plus verte qui l’accusaient d’être un tant soit peu dur de la feuille sur le chapitre.

Depuis, le constructeur associe scrupuleusement à ses nouvelles machines une fiche-bilan de leur impact écologique, et notamment leur empreinte carbone tout au long de leur cycle de vie. Les dernières machines ne font pas exception à la règle : dès l’annonce, le certificat de quasi-virginité environnementale des différents modèles était en ligne. Mieux : chaque mini-site consacré à une nouvelle machine dispose à présent de son onglet et de sa page «environnement».

Des machines énergétiquement plus efficaces…

Significative d’une tendance lourde de communication initiée en octobre dernier, puis janvier, avec la famille Macbook Unibody – quand la pratique du constructeur en la matière était bien plus en pointe que ne le laissent croire les “classements” successifs publiés par Greenpeace – la gamme informatique d’Apple dans son ensemble est désormais à la pointe de l’industrie, certifiée EPEAT Gold et débarrassée de l’essentiel des Polluants Organiques Persistants… à l’exception notable du PVC que l’on trouve encore dans ses câbles externes, et du mercure toujours présent dans l’écran des iMac et du Cinema Display 30 pouces non-encore dotés de dalles LED.

Le Mac Pro, pour sur-puissant qu’il soit avec les processeurs “Nehalem” dont Intel lui a réservé la primeur, ne fait pas exception à la règle, mais résume bien le numéro d’équilibriste sur la corde raide qui est celui de l’industrie toute entière : son «métabolisme de base» au repos est plus efficace de 15% par rapport à son prédécesseur et répond aux prochaines normes Energy Star… à condition de ne pas ajouter de cartes supplémentaires à la configuration standard!

Quant au Mac mini – qui il est vrai n’avait pas évolué depuis 19 mois (!!!) – il a fait l’objet d’une communication spécifique sur ce thème sur le site du constructeur, à la manière du Macbook en octobre et du Macbook Pro 17 depuis. L’ensemble le la gamme d’ordinateur old school de la marque est plus que jamais tournée vers l’efficacité énergétique : les machines de bureau sont aux normes Energy Star 5.0 qui entrent en vigueur au 1er juillet 2009, ce qui est également le cas du Macbook Pro 17 dont la livraison est effective depuis le début de ce mois. De là à déduire qu’une révision pourrait intervenir sur tout ou partie de la gamme Macbook d’ici juillet prochain… :langue

Enfin, en regardant les configurations des iMac, on aurait pu avec un instant de distraction se croire revenus au bon temps du PowerPC G4, quand au tournant des années 2003-2004 les configurations des iMac tournesol n’évoluaient plus que par la capacité de leur disque dur et le modèle de leur carte vidéo… Or Dell a eu beau dessiner son Studio One avec un papier carbone, tout en ayant soin d’ouvrir le jeu avec une option pour écran tactile et processeur Intel i7, la dernière génération d’iMac reste d’autant plus compétitive que Snow Leopard, avec la mise à plat du code et l’utilisation du GPU au pot commun de la puissance de calcul, devrait encore améliorer leur efficacité. Même si Apple a fait le choix de segmenter son offre en réservant les puces quadri-cores au MacPro, celle-ci reste toutes proportions gardées relativement abordable, malgré les 100 € de couverture de change supplémentaire par rapport à la précédente.—–

… destinées à de la salle de classe ou au labo

A l’autre bout de la chaîne, le Mac mini et même le nouvel iPod shuffle sont représentatifs de cette intensification de l’effort de recherche d’Apple en matière d’énergie, en même temps que son implication jamais démentie sur le secteur de l’éducation ; il est vrai que davantage peut-être que partout ailleurs, le sujet est brûlant aux États-Unis et singulièrement en Californie.

Le Mac mini que la crise financière a semble-t-il tiré de son «expérience de mort imminente» est ainsi présenté comme l’ordinateur de bureau énergétiquement le plus économe de toute l’industrie : il est désormais non seulement redevenu une alternative crédible pour des établissements ou des collectivités locales qui ne peuvent pas, comme l’État du Maine, s’offrir des Macbook pour leurs élèves du secondaire, et même temps qu’il est, dans les amphis pour les universités, l’agent privilégié de l’enregistrement des cours pour le podcasting.

C’est pourtant paradoxalement le nouvel iPod shuffle qui indique à lui seul le mieux la voie dans laquelle Apple s’est engagée grâce au rachat de PA Semi, avec l’intégration des différents composants électroniques et logiciels : plus petits, plus intégrés, proportionnellement plus économes – même si la miniaturisation du shuffle s’est faite au prix d’une paire d’heures d’autonomie – et potentiellement toujours destiné au secteur de l’éducation. Pas un produit ne sort en effet au catalogue de Cupertino qui ne soit d’abord destiné au marché de l’enseignement, par conviction d’abord, et parce qu’il représente l’une des clés du succès sur le marché grand-public. iPod, iPhone, tablette et même pourquoi pas Apple TV avec écran, et bien entendu ordinateurs, tous sont plus que jamais pesés à cette aune.

Dans ces conditions, la traduction de Voice Over en français, chinois, japonais et dans les principales langues européennes augure très probablement de son introduction localisée en juin prochain dans la prochaine version de son OS : en 2005, c’est sous la menace d’une exclusion pure et simple des marchés publics de l’éducation, faute d’une solution native de synthèse vocale dans OS X destinée aux élèves malvoyants, qu’Apple avait introduit Voice Over dans Tiger : la Commission Européenne se prépare en effet à mettre en œuvre la Convention de Nations Unies en ce sens.

Reste qu’au confluent de ces 2 problématiques, l’éducative et l’environnementale, la cohérence de la politique d’Apple en matière d’accessoires livrés avec ses machines mérite d’être interrogée, au delà des petites polémiques sur une putative “mesquinerie d’Apple” vieilles comme la websphère consacrée au Mac. Quelle que soit la dévotion que lui portent certains de ses aficionados, le californien demeure une entreprise commerciale dont l’objectif reste au bout du compte de réaliser des bénéfices… reste à savoir avec quels arbitrages.

Le minimum vital ?

La réduction drastique du volume des packagings qui ne ressemblent plus désormais à des origami a vu diminuer parallèlement celui du nombre des accessoires livrés… sans même parler de la section du pied de l’iMac, ou de la taille de son clavier ! Plus sérieusement, en dehors des utilisateurs réguliers de Keynote ou de powerpoint, qui s’est réellement servi plus de 10 fois de la télécommande Apple Remote sur son Mac ? Déjà mince, l’intérêt de celle-ci s’est encore rétréci depuis l’introduction par Apple de Remote pour l’accès à iTunes, et de Keynote Remote pour le logiciel de présentation d’iWork. En revanche, l’absence d’adaptateur fourni pour la génération précédente de port vidéo s’explique d’autant plus mal que subsiste au catalogue – certes, pour combien de temps ? – un écran au format DVI.

Sans renoncer aux bénéfices environnementaux induits par la réduction de l’empreinte carbone de ses produits, ou celle de la quantité de matières plastiques utilisées pour fabriquer des accessoires qui dormiront sans doute au fond d’un tiroir ou s’accumuleront dans des placards de DSI, la Pomme doit veiller à continuer à livrer des ordinateurs “prêts dès la sortie de la boîte”. Or pour certains de ses utilisateurs amenés à effectuer des présentations en public, ou qui utiliseront un écran tout simplement à la norme la plus courante dans la génération actuelle, n’est déjà plus tout à fait le cas.

Quant à Greenpeace, la responsable de l’organisation non-gouvernementale que nous avons contactée à propos du nouvel angle de communication d’Apple s’est déclarée “ravie” de voir que les produits de la marque deviennent de plus en plus verts, tout en espérant voir régler au plus tôt le problème des câbles externes qui contiennent toujours du PVC. Celle-ci souligne également les progrès réalisés en matière d’efficacité énergétique, même s’il n’est plus fait état de leur politique climatique alors qu’Al Gore siège au conseil d’administration.

Interrogée également sur l’absence d’Apple parmi les 14 sociétés sollicitées pour le Climate Corporate Challenge organisé par l’association qui avait fait d’Apple sa caisse de résonance favorite pour mener son combat contre les polluants utilisés par l’industrie électronique, notre interlocutrice a avoué qu’Apple aurait dû faire partie de nouveaux «élus», mais que l’analyses des entreprises qui ont le pouvoir de faire évoluer le marché global des solutions n’a plus retenu Apple en tant qu’ «agent actif», capable d’agir pour résoudre globalement les problèmes climatiques des autres secteurs avec des solutions pour le secteurs des transports, de la construction et de la dématerialisation comme par exemple la vidéo conférence, initiative qui vient d’ailleurs de recevoir le soutien de la Commission Européenne.

Aux dernières nouvelles, le baromètre trimestriel ee Greenpeace pour une électronique plus verte n’a plus été publié depuis novembre 2008… Et entre-temps, Apple a d’ores et déjà commencé techniquement de creuser l’écart avec ses adversaires, en grande partie grâce à son logiciel…