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Prospective

Quel avenir pour l’iPhone en Chine ?

La Chine et son marché de 600 millions se refusent encore à Apple et à son iPhone. Simple échec dans les négociations ? Pas si simple…

Boro

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Dans une chronique destinée à Connexions, le magazine de la Chambre Française de Commerce en Chine, Patrice Nordey le Directeur de l’Atelier Paribas en Asie s’intéresse aux tribulations d’un californien en Chine, avec en l’espèce les difficultés rencontrée par Apple pour pénétrer le marché chinois de la téléphonie mobile.

On y apprend notamment la “toile” inimaginable du service juridique d’Apple qui, lors de son dépôt de brevet pour le nom de marque “iPhone” sur le territoire chinois en avril 2002 et acceptée le 21 novembre 2003 sous le numéro d’enregistrement 3339849, avait tout bonnement omis de l’inclure la catégorie téléphones mobiles lors de la procédure d’enregistrement … avec pour conséquence l’impossibilité pour le californien de commercialiser l’iPhone en Chine sans l’accord explicite de Huanwang Technologie, une petite société du cru qui, elle, avait eu le flair de déposer le nom i-phone en mai 2004, sans doute à tout hasard et au plus fort de la rumeur sur un téléphone signé Apple.

Une position difficile

Il serait vain d’en tirer des conséquences définitives comme vont sans doute tenter de le faire un certain nombre d’observateurs : d’une part, les difficultés d’Apple à conclure un accord de distribution avec les opérateurs Both China Telecom et China Unicom en Chine continentale sont très certainement dues en grande partie à l’existence de ce contentieux sur le nom de marque. Comme ce fut le cas avec Cisco, Apple va de toutes façons devoir en passer par un accord douloureux avec Huanwang Technologie, que celle-ci ait flairé la faille ou qu’elle ait initialement cherché à ramasser les miettes du californien sur le marché local, et bénéficie d’une aubaine en définitive.

D’autre part, la puissance de la marque et son attractivité sont telles, comme le prouvent les 1 à 2 millions de «vrais» iPhones issus du marché «gris» estimés en service en Chine continentale, qu’Apple peut se permettre d’attendre (encore un peu?) que le moment soit venu. Même si l’Office chinois des brevets interdit la vente de l’iPhone sous ce nom, celui-ci est bien présent sur le site chinois d’Apple via iPhone OS pour l’iPod touch, et disponible à la vente sur son site de Hong-Kong et à Macao… sans compter la moindre des boutiques d’électroniques sur le sol chinois, comme le note d’ailleurs l’auteur.

Que China Unicom ait d’annoncé la sortie pour juillet de son UPhone sous Androïd en Chine, accompagné de sa propre plate-forme après avoir vainement tenté d’obtenir le contrôle de celle d’Apple, ou que China Mobile fasse de même avec son OPhone développé avec Lenovo ne change pas la donne : nulle part Apple dans le monde n’est seule sur son marché. Elle est en revanche seule à pouvoir disposer de son OS, légalement présent lui grâce à l’iPod touch. Les péripéties vécues par La Pomme témoignent sans doute plutôt du protectionnisme diffus et d’autant plus efficace rencontrées par les entreprises occidentales qui cherchent à s’implanter sur le marché intérieur chinois.

et des particularismes nationaux à s’arracher les cheveux

Dans un entretien téléphonique avec MacPlus, Patrice Nordey souligne que le prix assez exorbitant de l’iPhone en Chine – environ un mois d’un très bon salaire sur la côte est du pays très occidentalisée, quand 99% des mobiles sont vendus sans abonnement – favorise une véritable éclosion de contrefaçons ; plus de 20 modèles de copies correctes de l’iPhone sont par exemple très facilement accessibles, que ce soit en ville ou sur internet. L’une des particularités du commerce électronique chinois étant sa très forte connotation C to C, de particulier à particulier, ce sont ainsi pas moins de 3 000 offres différentes sur l’iPhone – que ceux ci soient d’ailleurs vrais ou faux – que l’on trouvait ce matin sur Taobao.com, la plate-forme de commerce en ligne exclusivement destinée aux particulier et qui génère 80% de transactions électroniques chinoises. Une paille !

Reste que l’on assiste sans doute-là à une partie de Mah-Jong à trois joueurs, Apple favorisant probablement l’existence d‘un «marché gris» de véritables iPhones non-autorisés pour conserver un pied dans la place, en attendant de pouvoir prendre pied officiellement sur ce marché de 600 millions de téléphones portables, les industriels chinois bénéficiant des faveurs tacites de leurs autorités nationales (50% des mobiles mondiaux sont conçus et fabriqués en Chine par Huawei, ZTE ou Lenovo par exemple), tandis que les autorités chinoises cherchant favoriser leur industrie intérieure, pour des raisons économiques évidentes mais également dans l’après-coup avec des arrières-pensées plus politiques.

La capacité de navigation des smartphones – et singulièrement de l’iPhone – apparait en effet comme une alternative de plus en plus crédible au surf sur ordinateur stricto sensu, en Chine comme partout ailleurs dans le monde, au moment où monte réellement en puissance son réseau de téléphonie 3G, alors que prend de l’ampleur une polémique très inhabituelle dans l’opinion publique chinoise pour refuser le filtrage d’Internet que tente d’imposer le gouvernement de Pékin sur tous les ordinateurs sur son territoire.

Faut-il chercher-là l’explication de la bourde inimaginable de l’intermédiaire chargé par Apple de déposer la marque «iPhone» en son nom, ou l’oubli providentiel du fonctionnaire de l’Office des brevets chargé de l’enregistrer ? Le hasard fait en tous cas bien les choses, en donnant au gouverment chinois les moyens de peser sur les négociations avec La Pomme…

L’Atelier