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Prospective

Mac App Store, la part du lion

Lors de la keynote du 20 octobre dernier consacré au Mac, Steve Jobs a annoncé l’arrivée prochaine du Mac App Store. Comme son pendant pour les applications iOS, cette application sera consacrée uniquement aux logiciels pour Mac.

Christophe

Publié le

 
Steve Jobs le 20 octobre dernier

La rumeur tendait depuis des mois à la mise en œuvre d’une telle offre, même si le patron d’Apple l’a plusieurs fois démentie.

Steve Jobs le 20 octobre dernier

Steve Jobs le 20 octobre dernier

Mac App Store, un flou organisé

Cette annonce a fait naître majoritairement deux types de réactions :

1. Les satisfaits : ce sont ceux qui attendent avec impatience cette solution pour trouver des logiciels, mais également des développeurs prêts à se lancer dans cette nouvelle aventure et ainsi obtenir une mise en avant de leurs applications.

2. Les mécontents : principalement des développeurs qui grincent des dents à la lecture des conditions qui seront imposées par Apple lors de l’acceptation (ou non) de leurs produits.

En fait, le Mac App Store pose énormément de questions auxquelles Apple devra répondre d’ici à début 2011, la boutique étant prévue pour début janvier .

La grogne des développeurs…

Le mot «grogne» (et parfois plus) est ici tout indiqué. Si l’App Store dédié aux applications iOS a fait le bonheur des clients lors de sa mise en service et contribué à bâtir des fortunes pour certains développeurs, le marché des logiciels pour Mac n’a pas attendu le bon vouloir d’Apple pour s’organiser. Et le Mac App Store est appréhendé par certains comme Creaceed par la voie Sandrine Loiseau qui déclare que «(…) cela fait peur en tant que développeur».

Le mot est lâché et il n’est pas prononcé sans réflexion, car les éditeurs que nous avons interrogés à ce propos sont de petites structures qui, si elles sont très actives, ne peuvent pas se permettre de «tailler» dans leurs revenus en en donnant une partie à Apple contre une simple mise en avant de leurs produits.

Car il faut voir qu’une bonne partie des logiciels existants ne sont pas éligibles au Mac App Store. «Aujourd’hui, 80% des logiciels Mac du marché seront rejetés, d’après les termes mis en place par Apple» note Becky Willson de CleverFiles.

…et les bons côtés d’un Mac App Store

Il n’y a pas de doute là-dessus, certains en profiteront. Patrice Calligaris, à la tête d’App4Mac, le pense : «Cela va donner une plus grande visibilité à nos produits».

N’oublions pas non plus la simplicité de l’offre : installation d’un clic, mise à jour automatique…

Autre aspect, mais qui ne durera qu’un temps, la concurrence. Celle-ci est nécessaire et souvent profitable et ne peut qu’apporter de bonnes choses dans le cas de logiciels concurrents. Mais une fois les «hits» bien coincés dans le top 10, comment la concurrence pourra-t-elle se démarquer ?

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Une sélection triée sur le volet

On prend les mêmes et on recommence ? Si Apple a assoupli, au fur et à mesure des mois les règles de l’App Store, faudra-t-il reprendre le même chemin de croix pour les développeurs qui ne savent pas, tant que leur application n’est pas validée, si pour une raison parfois fumeuse, si leur travail n’a pas été en vain ?

Snowtape pour iPhone en est un exemple. Cette application pour iPhone permet d’écouter puis d’enregistrer la radio. Si sa version Mac permet d’utiliser les fichiers enregistrés comme bon vous semble, «il a fallu supprimer la fonction de partage des fichiers audio vers le Mac pour qu’Apple valide l’application» comme en témoigne Martin Henring de Vemedio.

Mais que demande Apple à la fin ?

Voici, en quelques lignes, les principales règles de validation d’une application sur le Mac App Store.

– Il ne sera pas possible de publier une version de démonstration ou bêta d’une application. Les développeurs seront sûrement obligés de prévoir une version «lite» et une version complète.

– Il ne faudra pas reprendre en série le concept d’une application. Dans quelles limites ? Car il y a une foule de jeux plus ou moins proches de Tetris sur l’App Store… sont-ils pour autant des copies ?

– Attention à ne pas se tromper dans l’orthographe des produits Apple. Un iPhone n’est pas un «Aillefone».

– L’interface doit être claire et ergonomique. Il faudra m’expliquer comment l’on pourra refuser une application sur ce critère ?

– Ne pas ressembler à une application ou un produit Apple.

– Ne pas publier d’images choquantes ou à caractère pornographique. Ça, on peut au moins le comprendre.

Il ne s’agit ici que d’une partie des importantes restrictions imposées aux développeurs. On comprend dès lors qu’une (grande) partie de la communauté des développeurs soit un peu refroidie.

Tel Moïse redescendant de la montagne, les développeurs devront-ils suivre au pied de la lettre les dix commandements d’Apple ?

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Des revenus qui dégringolent

Pour Sandrine Loiseau, la distribution via le Mac App Store fera automatiquement baisser le prix des licences d’applications pour Mac OS X. Car si «l’App Store iPhone tire les prix vers le bas, c’est bon à court terme pour le client, mais la rentabilité étant difficile à atteindre, cela freine le développement d’applications de qualité», affirme la responsable de la politique commerciale, du marketing & communication (et même comptable !) de Creaceed.

Et l’exemple de l’App Store donne des sueurs dans le dos quand on se place du côté des éditeurs et développeurs : avec plus de 300 000 applications, comment se démarquer ? Car si l’App Store n’est pas le Mac App Store, le nombre de logiciels Mac proposés n’ira qu’en augmentant de manière exponentielle. Et ça, ça ne fait l’affaire de personne, ni du client, ni du développeur.

Martin Hering, développeur de Snowtape ne dira pas le contraire en affirmant que si «le partage sous forme de 70% pour le développeur et 30% pour Apple est correct sur l’App Store, il faudrait repenser ce reversement sur le Mac App Store avec un bon 90% et 10%.», comme cela se pratique avec les services de vente utilisés par les développeurs comme eSellerate.—–

Licences trop chères = piratage ?

La question du piratage, omniprésent sur les appareils iOS n’est pas la moindre de ses préoccupations des développeurs. On peut, de temps en temps, mettre le doigt sur un logiciel que l’o pense être vendu trop cher, mais cela ne va-t-il pas se généraliser sur le Mac App Store ? Un logiciel vendu 10$ sur le site de son développeur pourra-t-il être vendu 7$ sur la boutique Apple ou le développeur devra-t-il répercuter la part de la pomme et le vendre 13 ou 14$ ?

App4Mac le fera, ne serait-ce que pour compenser la perte : «Ceux ci avaient l’habitude de les faire payer (les mises à jour) et ils ne pourront plus ! Un manque de revenus.».

D’ailleurs, la politique maison initiée depuis 2004 par Patrice Calligaris est plutôt à vendre une licence un peu plus cher tout en compensant par des mises à jour à vie. Un modèle pas toujours compris, mais efficace.

Pourtant, ils y seront

D’accord ou pas d’accord, la plupart des développeurs se laisseront tenter. C’est un peu comme si de nos jours on reprochait à un développeur de ne pas avoir de site internet : «Quoaaa ? Vous n’êtes pas sur le Mac App Store ?».
Parmi les plus connus, des éditeurs comme Realmac Software ou Pixelmator ne cachent pas leur envie d’y être dès que possible.

Un circuit fermé ou juste une boutique ?

Le modèle de l’iPhone ou des autres appareils iOS n’est pas le même que celui des Mac. Beaucoup s’inquiètent de voir l’avenir de la distribution d’applications strictement réservée à Apple. Si l’on est en droit de se poser la question, il semble toutefois qu’Apple n’a rien à y gagner et le but n’est pas de se mettre à dos une communauté de développeurs toujours grandissante — sur Mac et/ou iOS —, a moins de vouloir se tirer une balle dans le pied.

Le Mac App Store sera une boutique, sûrement la principale source d’applications pour Mac, mais il y a fort à parier que les alternatives actuelles, même si elles sont peu, continueront à coexister sans problème.

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Les alternatives

Ne rêvons pas. Le Mac App Store se taillera la part du lion (involontaire, mais bon jeu de mots) grâce à cette aura qui a déjà fait le succès de son pendant pour iOS. Et comment ne pas comprendre un utilisateur qui n’a plus grand-chose à gérer, si ce n’est quelques clics pour effectuer les mises à jour ?

Pourtant, il existe des alternatives. Certes moins ambitieuses que le Mac App Store, mais tout aussi intéressantes. J’en citerai trois : les sites des éditeurs et développeurs (forcément), Bodega et MacUpdate Desktop.

Les sites des éditeurs sont des vitrines qu’il faut pourtant trouver. Si vous ne connaissez pas tel ou tel développeur et ses produits, il y a peu de chances que vous vous y rendiez.

Bodega est une application qui fonctionne comme le fera le Mac App Store. Un certain nombre de logiciels (quelques centaines) y sont référencés et vous pouvez les acheter après avoir consulté leur fiche d’identité et téléchargé une démo. Bodega gère les mises à jour et n’offre aucune restriction.
Nous avons contacté Rick Fillon, de l’équipe qui le développe, qui reste très prudent sur l’arrivée de la cavalerie Apple, tout en promettant de belles choses dans les mois à venir. La langue de bois n’est pas réservée qu’aux hommes politiques.

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MacUpdate Desktop, une application tirée du service éponyme, propose le même type d’offre tout en s’occupant également des mises à jour. Si ce logiciel est payant (20$ à l’année), c’est sa base de données de plus de 30 000 logiciels qui fait la différence.

En conclusion

Que dire, sinon qu’il est assez facile d’imaginer que le Mac App Store fera les beaux jours de quelques développeurs ? Tout comme l’App Store pour iOS, des milliers de logiciels seront noyés dans la masse, tout en reversant une partie de leurs maigres revenus à Apple. Un passage obligé qui laissera sur le bord de la route.

De nombreuses questions se posent encore comme l’impossibilité de faire payer des mises à jour, l’utilisateur devant acheter la nouvelle version complète, la non-divulgation des données clients aux développeurs qui ne peuvent communiquer sur des mises à jour ou des offres spéciales… Dans tous les cas, c’est Apple qui se taillera la part du lion.

Du côté des utilisateurs, il faudra savoir faire la part des choses et aller aussi voir ailleurs de temps en temps. Comme dans la vraie vie.

Un grand merci à tous les éditeurs / développeurs qui nous ont fait le plaisir de répondre à nos questions.

Les alternatives :

Bodega

et MacUpdate Desktop

Le guide de validation Apple (compte développeur nécessaire)

Présentation de Mac App Store chez Apple