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Prospective

Un « Cyber-Maire » …

Nous tenions à rencontrer un « Cyber-Maire », qui a mis en place dans sa commune d’Issy les Moulineaux (dpt 92), une véritable politique liée aux nouvelles technologies. Et surtout, les machines Apple ont toute leur place dans la démarche d’André Santini : belles, simples et conviviales…

MacGregor

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santiniv.jpgMP : Issy-les-Moulineaux est la cybercommune par excellence en France. Quel a été le principal moteur pour mettre en œuvre une politique numérique audacieuse et exemplaire à bien des égards, dans un pays relativement en retard dans le domaine des nouvelles technologies ?

AS : Quand en 95, nous avons voulu lancer Internet à Issy, beaucoup ont cru qu’il s’agissait d’une nouvelle entreprise de nettoyage !
Le câblage de la ville ayant attiré bon nombre d’entreprises des médias nous a fait prendre conscience rapidement que l’avenir passait par là.
Cette révolution technologique est à rapprocher de l’ère industrielle et du chemin de fer. Il y a les villes qui ont cru au rail, et ont construit des gares, et il y a les autres. Le retard pris est alors immense, il fallait prendre le virage tôt.
Il a suffi de regarder autour de nous, et de s’apercevoir du mouvement qui s’enclenchait.

Les services aux habitants sont apparus, ont été suivis, et la dynamique s’est enclenchée. Sans pour autant oublier la convivialité et les repas de quartier. Il ne s’agissait pas de tout sacrifier aux NTIC, mais bien de doser savamment, et de proposer du contenu, de n’être jamais un gadget, mais un outil. La volonté de créer une « mairie 24h/24 », dont toutes les informations seraient disponibles à tout moment est venue de là.

MP : Quelles sont les priorités informatiques de votre ville ?

AS : Les grands chantiers à venir sont l’administration électronique, et le développement de l’infogérance.

Pour l’e-administration, je pense notamment au Guichet Unique et à la Carte de Vie Quotidienne, ainsi qu’au développement des services SMS.
La carte de vie quotidienne devant simplifier la relation des usagers avec l’administration, elle s’assigne comme objectif de favoriser l’émergence d’une administration de services, permettant de simplifier la vie de l’usager dans une logique de proximité.

Aujourd’hui, le paysage des téléservices publics se constitue d’un ensemble d’initiatives nationales et locales de plus en plus nombreuses et de qualité. Le chemin est cependant encore très long avant la généralisation.

Le développement des services SMS, qui existent déjà chez nous puisqu’on peut déjà être alerté, si on est inscrit, des conditions climatiques, des activités culturelles, du passage des encombrants, etc…
Le téléphone mobile ayant une place importante à Issy, puisqu’on peut payer son parcmètre grâce à lui, depuis le début de l’année.

L’infogérance implique que l’ensemble du matériel (exploitation, maintenance, évolution), sera sous la responsabilité de l’infogérant. La Ville a demandé que le matériel soit loué. L’infogérance est une réponse moderne pour l’évolution et la maîtrise des systèmes d’information. Nous l’avons mise en place depuis 1998, et bon nombre de projets ont pu voir le jour grâce à ce nouveau mode de gestion.

MP : J’ai pu constater que vous n’étiez pas « raciste » car plusieurs Macintosh sont installés sur la commune à côté des traditionnels PC équipés de Windows. Est-ce un hasard, ou bien est-ce le fruit d’une réelle volonté de se servir de machines Apple pour des tâches bien précises ?

AS : Nous avons installé des ordinateurs Mac au Cube (notre Espace Culture Multimedia) de façon délibérée, pour plusieurs raisons :

– C’est un outil convivial correspondant tout à fait à l’image du Cube
– Son esthétique est un atout majeur et contribue à rendre les espaces du Cube plus agréables
– Le Mac a une utilisation très intuitive et très simple, aussi bien pour les adultes que pour les enfants, ce qui est très important pour toutes les activités que nous proposons au Cube (initiation tous niveaux, ateliers jeune public, etc.)
– Certains logiciels très pratiques et très faciles d’utilisation n’ont pas d’équivalent sur PC. C’est notamment le cas du logiciel iMovie (qui permet de faire du montage vidéo) dont nous nous servons dans le cadre de nos initiations multimédias.
– L’univers Mac est très utilisé chez les créatifs (artistes multimédias, graphiste, webdesigners, etc.), notamment chez ceux travaillant l’image. Dans le cadre de nos échanges avec ces artistes qui viennent au Cube, c’est important d’avoir un outil qui soit en adéquation avec l’univers de la création.
– Les Macs sont très stables au niveau technique, ce qui permet au Cube de n’avoir qu’un seul régisseur pour s’occuper d’un parc de 65 ordinateurs à destination du public, ce qui serait impossible avec les PC (aucun virus, et pas de problème de panne).
– les Mac sont également très mobiles puisque très souvent fait d’une seule pièce (pas de Tour + Ecran) mais juste un moniteur avec le disque dur intégré. C’est important pour nous car avec nos 4 salles équipées d’ordinateurs accueillant le public, nous changeons régulièrement la configuration des espaces et ce côté pratique est un atout majeur.

L’aspect convivial et pratique est également d’importance pour La Médiathèque, qui possède néanmoins les deux univers, Mac et PC, pour que tous les supports puissent être lus (CD-Rom, …).

MP : Quel regard portez-vous sur une société comme Apple, qui a démocratisé l’informatique personnelle en 1984 avant tout le monde ?

santini2v.jpgAS : Lorsque Microsoft a lancé son système d’exploitation Windows 95, pour beaucoup, c’était la mort d’Apple.
Fin 96, la société a eu la bonne idée de rappeler son créateur, Steve Jobs, aux commandes. Depuis, Apple a créé l’iMac, petit ordinateur rond, aux couleurs originales (fraise, myrtille, orange, …). Son image a évolué, et sa popularité est revenue au premier plan, en créant même une mode.
Depuis quelque temps, Apple, avec la création de son baladeur numérique lecteur de MP3 iPod, a révolutionné le monde de la musique. Elle a lancé simultanément le premier site de vente par internet de musique, « iTunes Music Store » comme l’alternative au piratage. Pari réussi.
Malheureusement accessible uniquement aux américains, ce service devrait arriver prochainement en Europe, ce qui permettrait enfin de régler les dérives de piratage.

Alors qu’elle a 20 ans, la marque a donc une énorme cote de popularité auprès du jeune public et du moins jeune, mais également auprès d’un public d’artistes et de designers, ses ordinateurs étant réputés comme les plus design du monde.

En 20 ans, on peut dire qu’Apple a tout créé, mais n’a peut-être pas su se servir de ses créations, ce qui est dommageable : n’ont-ils pas inventé le premier assistant personnel électronique à reconnaissance de caractère (Newton), ancêtre du Palm ? Le système des fenêtres, le multimedia, l’hypertexte, et même la souris, sont des créations d’Apple.

L’image d’audacieuse semble bien aller pour Apple, ce qui ne la rend pas étrangère à Issy-les-Moulineaux, également qualifiée d’audacieuse.

MP : Êtes-vous utilisateur de Macintosh à titre personnel? Si oui, pourquoi ?

rackv.jpgAS : Non, car je dois rester en liaison avec les services de la ville, exclusivement sur PC (résultat d’un appel d’offre). Mais je sais que François Bayrou possède un Titanium G4.
Mais comme j’en connais l’aspect pratique et convivial, j’ai doté les écoles de la ville d’une mallette multimedia, pour les travaux vidéo et photo, dont l’ordinateur est un iBook. Les enfants en sont ravis.

MP : Vous vous êtes rendu au salon « Solutions Linux » dernièrement en tant que défenseur des logiciels libres. Pouvez-vous nous expliquer votre farouche conviction en la matière ?

AS : En faisant le choix de SPIP et de Linux, je souhaitais réaffirmer mon attachement à l’évolution de la société de l’information qui se construira en grande partie grâce aux logiciels libres. Même en tant que responsable politique, je souhaite montrer l’exemple, ce qui n’est pas toujours chose aisée.

MP : Quelles sont vos relations avec Microsoft France, une entreprise connue et décriée pour son monopole logiciel (notamment dans l’Éducation Nationale) depuis des années, ainsi que pour sa position anti-Linux ?

mixagev.jpgAS : Comme vous le disiez, nous ne sommes pas racistes à Issy-les-moulineaux, Microsoft est partenaire du Forum Mondial de la Démocratie Electronique, qui a lieu chaque année chez nous. Ce lieu de réflexion et de débats a été l’occasion l’an passé de questions directes à ce partenaire, sur le sujet notamment des logiciels libres, ce qui prouve également sa capacité à vouloir y répondre.
Notre souci est toujours porté avant tout vers l’utilisateur. Nous ne sommes ni des anti-Microsoft, ce qui serait ridicule, ne sont-ils pas un peu partie prenante dans le sallev.jpgcapital d’Apple, ni des pro-Apple ? Steve Jobs et Bill Gates n’ont-ils pas collaborés aux débuts de l’informatique personnelle ? N’ont-ils pas contribué à eux deux, à la naissance du Mac ? Il faut avoir le choix dans la vie. C’est un peu comme pour l’UDF, si les idées des uns et des autres sont bonnes pourquoi ne pas le dire, ce qui implique également que si les idées sont mauvaises, ils doivent être capables de l’entendre. C’est également ma politique pour la ville.

MP : Comment pourriez-vous expliquer le retard pris par notre pays dans le domaine des nouvelles technologies ?

AS : Je crois que c’est avant tout un problème culturel, allié à un manque cruel de prise de conscience des élites politiques.
Cependant, depuis deux ans, cela semble aller beaucoup plus vite, notamment avec la création de l’ADAE (l’Agence pour le Développement de l’Administration Electronique), qui bouge et fait évoluer les choses.

MP : La LEN de Nicole Fontaine vous inspire quelle position au vu des réactions qu’elle a entraînées ?

Je suis l’un des plus fervents défenseurs de l’Internet, pour avoir adopté une stratégie locale dès 1995, à Issy-les-Moulineaux.

Vous ne m’empêcherez pas d’affirmer que cette loi est – dans sa globalité – une bonne loi. Elle apporte des avancées considérables : création tant attendue d’un droit français de l’internet autonome par rapport à celui de l’audiovisuel, responsabilisation des vendeurs en ligne, mesures anti-spam, lutte contre la fracture numérique en donnant la possibilité aux collectivités locales d’être opérateurs de télécoms, tarification à la seconde pour la téléphonie mobile (que j’ai personnellement défendue avec le Rapporteur).

Cessons d’affirmer que la LEN est une mauvaise loi, et ayons cette honnêteté intellectuelle de dire que ce sont principalement trois articles qui font l’objet de débat.

microv.jpgSur la forme, je n’aime pas les phrases et les mots employés pour critiquer ces dispositions. Agités comme des épouvantails, ils jouent sur les passions et les peurs : « liberticide », « privatisation de la justice », « flicage », « censure », comparaison avec la liberté d’expression en Chine… Très marqués par l’idéologie, je les trouve tout à fait exagérés.

Dans le domaine des Nouvelles Technologies et de la Société de l’Information, les libertés de création et d’expression sont fondamentales. Je suis d’ailleurs favorable au développement des logiciels libres. Mais la liberté est pour moi un objectif et non un point de départ. La liberté impose la responsabilité. J’ai longuement réfléchi à ces problématiques et publié sur ce sujet avec l’avocat Alain Bensoussan un « Livre Blanc des Droits de l’Homme Numérique » (que vous trouverez sur mon site de député : www.andre-santini.net).

Notre attachement à la protection de la vie privée et en particulier de la vie privée des internautes est total.

Mais je suis sensible aux inquiétudes. Très sincèrement, je ne sais pas encore si nous nous sommes véritablement trompés mais je ne suis pas obtus. Peut-être, à trop vouloir bien faire – car nos intentions étaient bonnes, je vous l’assure -, sommes-nous allés trop loin. Les erreurs sont humaines. Le débat a toujours été engagé et continue. Il reste encore du temps pour améliorer le texte s’il en est besoin. Le débat continue au Sénat et aura lieu lors de la Commission mixte paritaire à la fin du mois d’avril.

Mon collègue UDF Jean Dionis du Séjour, rapporteur de la loi, a déclaré être tout à fait ouvert à un débat contradictoire avec les détracteurs de la loi (fournisseurs d’accès et associations d’internautes). Mais la plupart n’ont pas encore répondu à son invitation ! Sa proposition est en tout cas toujours d’actualité. Je vous invite par conséquent à faire pression sur vos associations et fournisseurs d’accès pour qu’ils acceptent ce débat !

Les TIC doivent être conçues comme des outils facilitant la vie quotidienne des [citoyens]. Quelque soit le support utilisé (Internet, ordinateur, téléphone mobile, télévision interactive, etc.), elles doivent permettre à tous les publics de profiter des avantages offerts par ces TIC.

Au-delà des nécessaires mesures d’incitations fiscales pour soutenir l’équipement informatique des français, la Région peut agir concrètement par une politique de sensibilisation autour des usages ou en engageant des actions concrètes dans les banlieues défavorisées ou en faveur des personnes handicapées :

– des zones prioritaires de développement numérique dans les quartiers sensibles
– rendre les sites publics accessibles aux personnes handicapées
– généraliser les TIC dans les lycées (avec les Espaces Numériques de Travail, une carte à puces permettant d’accéder aux services scolaires (restauration, télécopies, prêts, etc) et sécurisant l’accès à l’établissement.

Les TIC, outils de modernisation de la vie quotidienne Dans tous les domaines de la vie quotidienne, les technologies de l’information et de la communication peuvent être facteur d’amélioration.

– Favoriser le télétravail qui constitue une des réponses à apporter aux difficultés de circulation en Ile-de-France. La première mesure à envisager est le soutien à la création, dans les principaux lieux publics (gares, stations de métro et de tramway, mairies) ou privés (centres commerciaux, hôtels) d’espaces de travail connectés aux réseaux par différentes technologies (ADSL, WiFi, CPL, etc.)
– Des services mobiles pour renforcer la réactivité. La création d’un bouquet de services publics sera proposée, en concertation étroite avec les communes qui doivent rester responsables des contenus.
– Améliorer la sécurité routière : Les TIC peuvent aussi sauver des vies sur la route. La Commission Européenne a adopté, par exemple, le programme e-Safety, qui a pour objectif de fixer un plan de sécurité routière basé sur les nouvelles technologies comme les systèmes de diagnostic embarqué, l’information en temps réel sur la circulation routière, la présence de capteurs sur les bandes blanches, l’appel d’urgence automatique, etc.
– Lutter contre l’isolement des personnes âgées . [Les collectivités territoriales peuvent] aider les municipalités à s’équiper de dispositifs leur permettant de faire appel à tous les services sociaux et médicaux. Le drame de la canicule ne doit plus se reproduire.

MP : Accorderiez-vous une place significative aux solutions Apple et aux logiciels libres du monde Unix ?

AS : Les collectivités territoriales et locales ont l’obligation de passer des appels d’offre. Il n’est donc évidemment pas question de favoriser l’une ou l’autre des solutions, mais il faudra que chacun réponde aux appels d’offre.