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Prospective

Combien vaut Steve…

Pas si simple d’être le P-DG le plus en vue de ces dernières années, et d’avoir donné tort à quelques cuistres prétentieux : dans la tourmente, Apple est-elle en train de payer le prix de sa communication si particulière?

Boro

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Steve Jobs, combien de milliards de dollars dans le bilan d’Apple? C’est la question du jour, qui occupe depuis hier soir non seulement les fils d’informations économiques, et qui diffuse également dans la presse généraliste… mobilisant au passage des analystes aux Etats-Unis qui se sont à peu près régulièrement trompés sur la société depuis son retour aux commandes. On peut d’ailleurs malheureusement faire confiance à un petit nombre d’entre eux pour prendre une revanche mesquine, au moment où la société traverse un moment d’incertitude ; ceux-là gardent une dent contre Apple et Jobs, indistinctement confondus, une rancune tenace pour les avoir quasi-systématiquement démentis dans leurs prédictions.

D’autres dérapages n’ont pas non plus tardé : après un bloggueur sur la plate-forme de Bloomberg cet automne, c’est le site du Point.fr qui s’est empressé ce matin de publier un “testament” de Jobs, accompagné d’un dossier complet. Certes personne ne peut affirmer franchement ne pas être inquiet, mais c’est sans doute aller un peu vite en besogne, pour ne pas dire plus…

L’annonce intervenue hier soir (voir la dépêche) après la fermeture des marchés a entraîné la suspension du titre parmi les cotations électroniques, perdant jusqu’à 7,8 %. La teneur des commentaires oscille ce matin entre la reconnaissance des atouts exceptionnels que Jobs a mis dans la balance dès son retour fin 1996 aux commandes de la société qu’il avait fondée un peu plus de 20 ans plus tôt – son flair incomparable pour anticiper ce qui sera le quotidien électronique de millions de gens plusieurs années à l’avance, sa capacité à faire donner leur meilleur d’eux-mêmes à ses employés de haut en bas de la hiérarchie qu’il sait par ailleurs choisir parmi les meilleurs, ses capacités de négociateur hors-pair et cette équilibre si particulier entre souci du détail et sens du contexte, maîtrise et capacité à déléguer.

La question qui court depuis la divulgation de son cancer du pancréas – officiellement une forme rare qui met les statistiques de son côté – n’est pas de savoir la part que représente Steve Jobs dans les avoirs d’Apple, et si la société peut continuer sans lui : l’ADN de Steve est dans celui d’Apple, avec celui de Woz, et il est désormais resté aux commandes suffisamment longtemps pour le génie propre de la marque puisse s’exprimer sans lui. C’est d’ailleurs Tim Cook, l’homme qui fait bouillir tous les jours la marmite et qui s’assure que les plats arrivent à la bonne température sur la table du client qui va assurer l’intérim, prévu jusque fin juin.

Le New-York Times se veut d’ailleurs rassurant, citant deux sources “proches du dossier” (médical, bien entendu) : il ne s’agirait pas d’un récidive de son cancer du pancréas, mais bien d’un état métabolique instable induit par le geste chirurgical posé en 2004 et qui l’empêcherait son métabolisme de fonctionner correctement, fut-ce avec un traitement de substitution (voir la chronique du 17 décembre 2008)… le stress induit par la conduite des opérations quotidiennes au 1, Infinite Loop, Cupertino ne faisant rien pour arranger les choses, bien au contraire. Pour clore le chapitre, ni Phil Schiller qui a assuré mardi à la place de Jobs la dernière Keynote de la présence d’Apple à la Macworld de San Francisco, ni Tim Cook saisis par un photographe de Bloomberg à la fin de celle-ci n’ont semblé particulièrement inquiets quant à l’état de santé de leur patron…

C’est plutôt – une fois de plus – la politique de communication de la marque qui semble ici en cause. Celle-ci est connue de longue date pour être particulièrement maîtrisée – savant mélange de minimum institutionnel et de buzz largement orchestré autour de l’instrumentalisation des rumeurs – mais a pourtant assez sensiblement évolué depuis les 4 ou 5 dernières années, principalement sous la pression des actionnaires. Or c’est paradoxalement au moment où la société semble jouer franc-jeu que la suspicion semble la plus forte… sans doute parce que le californien n’est pas rompu à la communication de crise : la formulation de la précédente lettre du “patron” à la communauté Apple, datée du 5 janvier, pouvait laisser entendre qu’elle avait été écrite avant les vacances de Noël, et publiée en dernier recours ; les observateurs ne sont d’ailleurs guère habitués non plus à voir passer ce type de lettre toutes les semaines…

Selon le calendrier publié, le fondateur et CEO de La Pomme ne sera là ni pour le rendez-vous annuel des actionnaires – pour le 25e anniversaire du Mac, et les questions sur sa santé n’auraient pas manqué – ni pour la réunion annuelle des développeurs en juin… à moins que celle-ci ne soit déplacée. En attentant, beaucoup d’argent va sans doute encore changer de mains autour du titre AAPL, alors qu’encore une fois les produits de la marque n’ont jamais été aussi bons, et en dépit des mesures prises par le P-DG pour détourner l’attention de son état de santé. Quant au poids de Steve dans les avoirs de la société, on se souviendra de la réflexion de Gil Amelio lorsqu’il avait annoncé le rachat de NeXT en en 1997 : “Je n’achète pas seulement NeXT, j’achète aussi Steve”. Alors Steve Jobs, seulement 430 millions de dollars de 1997 ? “Infiniment plus, une part de notre vie” répond le plus souvent la communauté de ses utilisateurs… :langue

Le New-York Times

La lettre de Steve à ses employés