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L’âme du Mac

Quand tous les observateurs économiques entonnent à l’unisson l’air du “Apple va bien, Apple va très bien”, il faudrait être largement grincheux pour ne pas s’en réjouir. Faut-il pour autant contempler avec émotion ces perspectives de croissance à deux chiffres, ces bénéfices qui ne cessent d’affluer, ces parts de marchés qui grignotent peu à peu celles des constructeurs de PC ?

Ormerry

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Quand tous les observateurs économiques entonnent à l’unisson l’air du “Apple va bien, Apple va très bien”, il faudrait être largement grincheux pour ne pas s’en réjouir. Faut-il pour autant contempler avec émotion ces perspectives de croissance à deux chiffres (+ 75% en nombre d’unités vendues sur 2005, en Europe et aux Etats-Unis), ces bénéfices qui ne cessent d’affluer (au moins deux milliards de dollars pour 2006), ces parts de marchés qui grignotent peu à peu celles des constructeurs de PC (on parle de 12% pour 2006 pour le marché domestique) – et ne parlons pas de l’ultra-domination de l’iPod ?

Si la résurrection d’Apple est due au coup de dés “iMac”, qui a transformé une compagnie moribonde en sympathique challenger qui proposait des machines multicolores (sans lecteur de disquettes, mais avec une forme inhabituelle), son ascension, c’est à l’iPod qu’elle le doit : le raz-de-marée sur le marché émergent du lecteur audionumérique puis sur celui de la vente de musique en ligne a transformé le has-been en ogre dominant.

Pour l’utilisateur lambda d’un ordinateur Macintosh, le fait que l’iPod connaisse un succès planétaire n’a aucune implication directe sur sa vie informatique quotidienne, sinon la certitude qu’Apple, assis sur son magot, n’a plus de raison de déposer le bilan brutalement, laissant ledit M. Lambda devant une alternative aussi difficile à résoudre que brutale à accepter : “Windows ou Linux ?” Le danger de “mort d’Apple” étant écarté pour les quelques années à venir, cette certitude est-elle suffisante pour rassurer le MacUser, qui souhaite la pérennité de son environnement de travail (c’est-à-dire, à chaque fois qu’il acquiert une nouvelle machine, un Mac, tout pareil que son Mac précédent mais en mieux) ? Rien n’est moins certain.

Quand on s’interroge sur ce que sont aujourd’hui les motivations d’un utilisateur d’ordinateur pour choisir un Mac, schématiquement, on peut en trouver deux : la volonté d’avoir une machine bien conçue, élégante, robuste, d’une part ; et Mac OS X, son look and feel, sa simplicité apparente et sa robustesse. Les mauvaises langues ajouteront le snobisme – pourquoi pas – et l’incapacité des “Macqueux” à travailler sous Windows – ce qui est largement erroné, quand on sait que plus de 80% de nos lecteurs utilisent des PC classiques au quotidien, parfois même dans des applications très pointues. Ajoutons que par “Mac OS X”, l’utilisateur entend souvent “système, utilitaires et applications qui facilitent la vie”.

Est-on cependant certain que cette dualité hard-soft, machine et système, va réellement survivre ? Elle est depuis toujours la marque de fabrique d’Apple – tout comme l’étaient son OS fermé et indépendant jusqu’à Mac OS 9 ou son choix de processeurs différents de ceux qui animaient les PC-Windows. Tout dépendra de la part d’utilisateurs de Mac qui continueront à utiliser Mac OS. On voit en effet de plus en plus, depuis le passage des Mac sur processeurs Intel puis la sortie de Bootcamp, de magazines spécialisés, chroniqueurs et consultants, qui conseillent l’achat des gammes MacBook et MacBook Pro à leurs lecteurs du monde Windows, avec des arguments largement recevables : en plus de Windows, vous aurez Mac OS (fromage ET dessert), de plus les Mac sont jolis, fiables et pas plus chers que leurs équivalents d’autres grandes marques.

Si cette mayonnaise venait à prendre, ce serait évidemment une excellente nouvelle pour Apple, ses résultats financiers et ses parts de marché ; ça n’en serait pas forcément une pour nous. En effet, si, à terme, une majorité de clients d’Apple n’achètent des machines à Pomme que pour y faire fonctionner Windows, Mac OS aurait-il encore, du point de vue de Cupertino, une utilité, et surtout une rentabilité ? ne verrions-nous pas disparaître Mac OS des Mac comme on a vu disparaître la connectique FireWire des iPods ?
Il nous reste donc à espérer… quoi ? Que les analystes se fourvoient et que le Mac continue à représenter quelques pourcents des ordinateurs dans le monde ? sans doute pas ; ou – et sans doute est-ce le calcul du staff d’Apple – que les nouveaux acquéreurs achètent leur Mac pour Windows, et l’aiment finalement pour Mac OS, ses applications et son environnement de travail…

Faute de quoi, Apple deviendrait alors un constructeur de PC hauts de gamme, doublé d’un éditeur de logiciels fort bien faits… Et nous, nostalgiques d’une époque où Apple n’était pas qu’un designer parmi d’autres de PC fabriqués en Chine, n’aurions plus qu’à regretter l’époque où Apple devait mourir, et non perdre son âme.