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Justice

L’école de Chicago au secours de Google

iShen

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juge-2.jpg Les avertissements de Joaquin Almunia n’ont visiblement pas impressionné les dirigeants de Google.

Dans un mouvement de contre attaque d’une rare audace, l’entreprise a commissionné un rapport d’un juriste de la célèbre école de Chicago, dont les conclusions sont aussi radicales qu’attendues.

Le résumé en en-tête du rapport dit l’essentiel des visées “philosophico-économiques” de l’analyse :

Ces plaintes contredisent l’expérience de la recherche web dans le monde réel. Elles démontrent les efforts des compétiteurs pour se battre non pas en investissant sur l’efficience, la qualité ou l’innovation, mais en utilisant les lois anti-trust pour punir un concurrent qui réussit. Les enseignements de l’Ecole de Chicago – ainsi que la Cour Suprême – ont depuis longtemps affirmé que les lois anti-trust existent pour protéger les consommateurs, et non les compétiteurs. Juger les pratiques de Google anti-compétitives viole ce principe, réduit le dynamisme de la compétition dans la recherche, et affaiblit le consommateur que les lois anti-trust sont sensées protéger.”

Il faut remettre les choses en contexte : l’école de Chicago, dont les thèses ont largement alimenté la plupart des économistes actuels, se base essentiellement sur une vision très libérale, voire libertarienne des conditions de la concurrence.

On retrouve d’ailleurs aujourd’hui cet “esprit” aussi dans les instances de régulation américaines, ce qui explique d’ailleurs le changement radical d’attitude opéré depuis le dernier grand démantèlement (celui d’AT&T). Cette philosophie économique conduit en effet à protéger essentiellement le consommateur et, il faut bien le dire, à laisser le marché décider pour lui-même, les infractions anti-trust devenant en soi beaucoup plus difficiles à établir.

Ce n’est pas pour rien qu’il existe un tel écart, pour ne pas dire plus, entre le comportement de l’Europe et celui des instances de régulation américaines vis-à-vis de Google.

Google est par exemple impliqué dans pas moins de 5 plaintes anti-trust en Europe, tandis que sur son sol, et mis à part des bruits de couloir sur des enquêtes en préparation, il ne se passe pas grand-chose.

L’argument de Google, qui estime systématiquement que toute plainte à son encontre n’est qu’un moyen de lutter autrement que sur le seul terrain de la compétition, et déjà ressorti envers Apple, n’est sans doute pas un simple effet de manche juridique. Les dirigeants de Google savent dans quel monde ils vivent, savent quand leurs actes placent leur entreprise en situation probable d’infraction (vois les mails internes dans l’affaire Java Oracle par exemple), mais estiment tout aussi sincèrement que le monde économique n’a pas encore fini la globalisation libérale prévue par l’école de Chicago.

Toute contrainte sur la compétition elle-même étant jugée déloyale, les brevets, les lois anti-trust, tout ce qui revient à limiter d’une façon ou d’une autre la concurrence est vu comme la cible à abattre, et qu’importe les raisons pour lesquelles certaines barrières sont parfois établies. Ce point de vue est permanent dans le rapport de la Chicago School, qui justifie tous les actes de Google dans le domaine de la recherche par le gain obtenu par le consommateur, évacuant ainsi à chaque fois la question des conditions de la concurrence.

Problème pour Google, si l’Europe est aussi très largement sous influence des thèses de la célèbre école, ce n’est pas le cas des instances de régulation qui servent d’équilibrage et ont pour objectif que la concurrence ne se transforme pas en simple western où tous les coups seraient permis.

Les propos d’Almunia sont le reflet strict de cette vision du marché, et la fronde de Google dans ce contexte risque fort d’être vue comme une manière d’éviter toute responsabilité pourtant inhérente au poids actuel du moteur de recherche.

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