Orange et l’iPhone : des pépins pour Apple
Or – malgré le succès sans précédent de l’iPod sur lequel Apple a contribué de créer un secteur tout entier de l’industrie, en même temps qu’elle bâtissait son propre renouveau financier et écrivait un chapitre supplémentaire dans la légende de son charismatique fondateur et actuel dirigeant – le californien n’en a pas moins tenté là un pari risqué, quelles que soient les qualités exceptionnelles de l’interface utilisateur de l’iPhone, avec un talon d’Achille qui était paradoxalement le point fort qui a fait le succès de l’iPod : son modèle économique.
Un modèle économique en questions
Outre la possibilité d’utiliser des contenus numériques, les deux appareils ont en effet pour point commun d’être conçus autour de la qualité de l’expérience d’utilisation, en contrepartie pour l’utilisateur d’un certain niveau de verrouillage en ce qui concerne les services associés. Mais quand Apple faisait reposer le modèle économique de l’iPod essentiellement sur le prix du baladeur, avec la maîtrise quasi complète sur un service associé – iTunes Store – pour un prix modique, le modèle de l’iPhone fait reposer le volet “service” du concept beaucoup plus largement à la charge du partenaire – AT&T, O2 ou T-Mobile – alors-même que c’est Apple qui a défini les détails du service, opérateur pourtant habituellement donneur d’ordre aux équipementiers et à qui il est en outre demandé une contribution en espèces sonnantes et trébuchantes, soit à peu près 10% du chiffre d’affaires généré par le terminal.
Pour autant, les partenaires d’Apple sur le secteur de la téléphonie – les opérateurs – ne sont pas dans la position inconfortable dans laquelle le constructeur a trouvé les majors du disque au moment de signer en 2003 les accords autour de l’iTunes Music Store. Pourtant, si l’iPhone est loin de représenter la planche de salut que les industriels du phonogramme avaient cru pouvoir trouver en l’iPod, il n’en représente pas moins un relais de croissance non négligeable dans un secteur qui cherche en permanence de nouvelles sources de revenus. Mais si les infos publiées par Gilles Fontaine dans un excellent papier paru dans l’Obs sont avérées, on aurait atteint un acmé dans la dramatisation, avec la fixation d’une date-butoir dans les négociations pour ce milieu de semaine.
Toujours selon Gilles Fontaine, ce n’est pas 10%, mais 30% sur les abonnements que le Californien aurait exigé de l’opérateur, faute d’avoir anticipé que la législation française excluait toute vente liée d’un service avec un produit et autorisait du même coup une volatilité des abonnements de nature à diminuer le montant de sa rente. Ce faisant et selon nos informations, Apple s’est elle-même liée les mains dans la négociation. Voici comment.
Après une première phase d’expérimentation purement technique sur le réseau Orange au printemps, les négociations proprement commerciales ont commencé au plus haut niveau au début de l’été, menées par Tim Cook et Louis-Pierre Wenes les numéros 2 des deux sociétés et suivies du coin de l’œil par Steve Jobs et Didier Lombard leurs patrons respectifs, épaulés chacun par leurs services juridiques et Apple se faisant également aider pour sa part par un cabinet-conseil américain.
Or il semble qu’à Cupertino on se soit aperçu à la dernière minute que la législation française risquait de leur faire perdre une bonne part de la manne escomptée sur les abonnements, les conduisant à réclamer au français le triple de ce qu’ils demandaient auparavant, avec pour argument que le succès massif de l’iPhone autorisait de toutes manières davantage de libéralités de la part d’Orange au niveau du partage de la rente des abonnements…