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Édito

Safari : Apple sans complexes

We dream big…”. Nous avons de grandes ambitions. C’est par ces mots, à peine laissés en suspend au début de l’argumentaire qui justifiait le lancement de Safari pour Windows, que Steve Jobs a en quelque sorte annoncé la couleur pour les années qui viennent…
Et c’est Microsoft qui devrait assurément en voir des vertes et des pas mûres, comme en témoignent les premiers chiffres de téléchargement du navigateur : 1 million en 48 heures !

Boro

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We dream big…” . “ Nous avons de grandes ambitions ”. C’est par ces mots, à peine laissés en suspend au début de l’argumentaire qui justifiait le lancement de Safari pour Windows, que Steve Jobs a en quelque sorte annoncé la couleur pour les années qui viennent… et il avait à l’évidence à l’esprit des objectifs bien plus ambitieux que les 15% de parts de marché de Firefox, sur lesquelles il a pris appui pour expliquer la décision d’Apple de défier Microsoft sur le chapitre des navigateurs…

L’arrivée de La Pomme dans le pré carré de Redmond sonne en l’occurrence comme un véritable défi : c’est en effet autour du Web et d’Internet Explorer que Microsoft a construit le succès de Windows… et réciproquement. Prenant appui sur le levier que lui offrait le succès de Windows 95, Microsoft a déboulonné définitivement Netscape le navigateur historique d’abord en distribuant gratuitement son propre butineur, ensuite en l’intégrant si intimement à l’architecture de Windows 98 que toute tentative de suppression compromettait irrémédiablement – fort opportunément – la stabilité du système. C’est d’ailleurs ce qui a valu entre autres à Microsoft une procédure du Department of Justice… et la prise en compte par Apple d’un état de fait lors de l’accord sur 5 ans avec Redmond annoncé en janvier 1998.
En contrepartie notamment du développement d’Office pour Mac et la signature de la paix des braves dans le contentieux QuickTime, Internet Explorer était alors devenu le navigateur par défaut de Mac OS 8.1 – tempus fugit – jusqu’à son abandon en 2003 et le lancement de Safari.

Comme toujours, la décision d’Apple de sortir une version pour Windows de son navigateur procède de problématiques multiples. Tout d’abord, et c’est ce que Steve Jobs a souligné durant sa Keynote, l’érosion lente mais continue des parts de marché d’Internet Explorer – du moins jusqu’au lancement de Vista – qui semble avoir convaincu l’État-Major de Cupertino que cet autre bastion de Microsoft était désormais prenable… et plus encore, que Safari pouvait enfoncer un coin supplémentaire dans les habitudes des utilisateurs de Windows, déjà passablement fissurées par l’utilisation quotidienne d’iTunes.

Proposer des programmes pour Windows lorsqu’on s’appelle Apple, c’est un peu comme distribuer de l’eau glacée à des gens en enfer ”, a répondu en substance Steve Jobs, interrogé à ce propos lors du dernier D: All Things Digital… Or c’est bien aux 500 millions de téléchargements d’iTunes pour Windows – et les personnes qui les ont effectués – que Jobs a fait référence lors de la Keynote… avant d’enchaîner sur le dernier tableau et d’annoncer la nécessité pour les développeurs qui désirent proposer des applications sur l’iPhone d’utiliser Safari comme moteur principal.

AJAX et Web 2.0 ? sans-doute. Mais on l’aura compris, le but à demi avoué du nouvel Ulysse est bel et bien d’utiliser l’iPhone et Safari comme un Cheval de Troie, pour pénétrer dans la forteresse qui lui résiste depuis des années et qui empêche ses parts de marché de grimper significativement. Or l’iPhone a toutes les qualités pour cela.
Il est le client web riche, tout en restant léger, stable et performant que tous les cadres, les commerciaux et les indépendants qui passent une bonne partie de leur journée le téléphone vissé à l’oreille bavent littéralement à l’idée de bientôt utiliser… en attendant mieux. Il est de plus sexy en diable, et son lancement est précédé d’un buzz inouï depuis au moins plusieurs années, de l’aveu des spécialistes. Parce qu’il est fun à utiliser, et qu’il bénéficie du capital de sympathie accumulé par l’iPod, de la filiation duquel il se réclame fièrement.

Il ne s’agit d’ailleurs pas tant de se servir de Safari pour vendre davantage d’iPhone – le problème pour Apple serait plutôt d”arriver à fournir suffisamment de terminaux pour satisfaire la demande initiale – mais bien d’accoutumer les clients Windows d’Apple à la plate-forme OS X qui est en train de se mettre entre place… en espérant bien les rendre littérallelement «accros» comme ils le sont à leur portable- !
Derrière l’iPhone et Safari, il s’agit clairement de vendre davantage d’Xserve, et davantage encore de postes-clients. C’est clairement dans ce sens que vont les services proposés par Leopard Server, notamment avec des propositions destinées aux groupes de travail.

Apple, désormais sans complexes, peut-elle réussir son pari et gagner sur Microsoft avec ses propres armes ? Elle est sans aucun doute en position de le faire, tant Internet Explorer est devenu le symbole de la faillite de Microsoft en matière de sécurité… à condition qu’elle sache se garder du talon d’Achille – la fiabilité – de celui qu’elle vient défier sous ses murailles. L’accueil réservé à Safari pour Windows – 1 million de téléchargements en 48 heures et des commentaires bienveillants malgré des failles évidentes – montre en tout état de cause qu’Apple a un beau coup à jouer.