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Justice

Brevet : Apple inquiet du projet de réforme Européen

iShen

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Le vaste projet de réforme européen des brevets ne fait pas que des heureux. Un regroupement de 13 entreprises essentiellement américaines, dont Apple, s’est fendu d’un courrier officiel adressé à la commission européenne afin d’expliquer leurs craintes profondes sur les abus potentiels qui pourraient découler du nouveau système de brevet en préparation.

L’objectif du projet européen est d’unifier les règles concernant la gestion des brevets en Europe, aujourd’hui définies au niveau de chaque pays. Le but est aussi de rendre les procédures plus réactives. Une entreprise européenne aurait ainsi un pouvoir d’injonction renforcée en cas d’infraction constatée, et la décision rendue serait automatiquement étendue à l’ensemble des pays signataires du nouvel accord.

Sauf que pour Apple et bien d’autres grands groupes, cela va aussi de facto renforcer le pouvoir de nuisance des patent trolls. Plus besoin en effet de vérifier la validité effective des brevets en question, l’injonction ne serait plus suspendue pendant une procédure d’invalidation. Un Patent troll qui ne gérerait qu’un portefeuille de brevets aurait demain un pouvoir de nuisance beaucoup plus élevé : si ces brevets ont été validés en Europe, l’attaque contre les entreprises supposées en infraction serait beaucoup plus rapide, dévastatrice puisque l’injonction est privilégiée (plutôt que l’amende par exemple) et ce sur plusieurs pays à la fois.

Il est vrai qu’on peut se demander si l’Europe n’essaye pas de compenser son énorme retard techniologique sur le secteur informatique en renforçant le pouvoir d’entreprises gérant des portefeuiles de brevets, qui pourraient donc demain ralentir la progression d’entreprises essentiellement américaines. Si l’unification des règles est souhaitable, le renforcement des injonctions et le fait que les procédures d’invalidation soient non suspensives est un vrai coup de pouce aux patent trolls qui pourront dorénavant s’appuyer sur des brevets pas forcément “solides” sur le plan juridique pour tacler très violemment des entreprises qui elles, fabriquent de vrais produits commercialisés.


Pour résoudre ce vrai risque, le groupe des 13 demande que les procédures de validation de brevets soient renforcées en amont, ne permettant pas aux patent trolls de tirer profit à leurs comptes des nouvelles règles, sans autre intention que le litige.
Mais est-ce bien l’intérêt de la commission qui comprend sans doute que le terrain juridique devrait se fragiliser pour ces grands groupes avec l’unification des règles ? Si l’unification doit conduire à une diminution des moyens de défense des entreprises attaquées, il devient clair que ce seront les entreprises agressives en litiges qui seront les grandes gagnantes. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, Apple, Google ou Amazon sont bien plus attaqués par des patent trolls qu’ils n’attaquent eux même des concurrents par ailleurs de taille équivalente, et qui ont donc les moyens de se défendre. Ici, un David armé d’une bonne fronde pourra faire un “headshot” à un Goliath, une victoire qui sera duplicable sans heurts à l’ensemble des pays de l’Europe.

L’Europe veut-elle vraiment un système de brevets unifié et cohérent ou bien bloquer par la bande les rouleaux compresseurs américains en les transformant en géants aux pieds judiciaires d’argile ? Gagner sur le terrain des produits ou bien créer des chausses trappes juridiques qui auraient une portée bien plus grande qu’auparavant ? C’est toute la question que pose sans la poser la missive des 13 à la Commission. A celle-ci de rassurer et confirmer que le but est bien de lutter contre les patents trolls, et pas de leur donner de nouveaux moyens de nuisance.

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