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Interview

Interview : LaCie

Confronté à un double défi structurel et conjoncturel, le franco-américain LaCie s’efforce de se réinventer une nouvelle fois, en misant sur les services et le stockage en ligne

Boro

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Pas facile d’être le premier : tout le monde veut votre place. C’est l’expérience difficile que doit traverser LaCie, numéro 1 des solutions de stockage jusqu’en 2007, attaqué sur ses traditionnels points forts du segment des entreprises et des professionnels de la création. Pire, le coup de Jarnac est venu de 2 de ses fournisseurs de disques durs qui, à l’instar de Western Digital en 2006, ont décidé d’attaquer le marché du disque externe avec une politique très agressive en termes de prix, quitte à «brûler le marché» selon les termes de Philippe Spruch le P-DG et co-fondateur de la société [[http://www.tpe-pme.com/developper/success_story/dossiers/1372-philippe-spruch-le-leader-des-disques-durs.php?page=2]], et ce alors que la société qui avait bâti une bonne part de son image de marque sur la qualité de ses produits et de son support devait faire face à des problèmes de fiabilité.

Le modèle industriel imaginé en 1992 par cet autre alsacien venu au monde Mac se concentre en effet sur le design des boîtiers et leur interface électronique, tout en se procurant les disques durs à l’extérieur grâce à des volumes d’achats importants. La firme qui collectionne chaque année les récompenses grâce à ses designers de renom et qui fait même l’objet d’une collection permanente au Centre Georges Pompidou s’est diversifiée depuis, en appliquant les mêmes recettes, vers d’autres types de périphériques (graveurs, cartes, écrans, disques multimédia), et même des clefs USB en attendant «le coup d’après»… Or c’est précisément cette activité grand-public non-différenciée qui portait la croissance de la société que la crise économique a frappé de plein fouet.

Et pour tout arranger, LaCie va devoir faire face à un nouvel entrant sur son cœur de métier puisque Hitachi GST a annoncé son intention de pénétrer très rapidement le marché du disque dur externe avec l’acquisition de Fabrik, qui détient les marques G-Technology pour le Mac, ou SimpleTech pour le PC. Autant dire qu’au moment où LaCie fête son 20e anniversaire, celle-ci doit une nouvelle fois se réinventer. La société a semble-t-il décidé de le faire en s’appuyant sur Wuala, autour du stockage en ligne. Un challenge à la mesure de Philippe Spruch, qui en 2001 lors d’une précédente crise traversée par sa société, avait clairement identifié le très fort potentiel des système NAS ou RAID.

Nous avons contacté LaCie à propos du rachat de Caleido et de sa solution Wuala (voir LaCie plus haut dans le nuage). Pierre-Laurent Sinigaglia, project manager, a aimablement accepté de répondre a nos questions.

Macplus :  Vous avez annoncé l’achat de Caleido. Quel est la spécificité du logiciel Wuala, et pouquoi précisément celui-là

LaCie : Wuala est un système de stockage en ligne dont la spécificité est de reposer sur l’espace inutilisé des disques de ses utilisateurs.

Macplus :  LaCie proposait depuis novembre dernier une offre de sauvegarde en ligne couplée à certains de vos disques, en partenariat avec Carbonite. Qu’est-ce qui vous a motivé à récupérer ces compétences en interne ?

LaCie : L’offre ONE YEAR lancée en novembre en partenariat avec Carbonite est un service de sauvegarde en ligne.

Wuala est un système de stockage. Par ailleurs, Wuala permet de partager ses données stockées avec d’autres utilisateurs de manière simple et sécurisée.
Le périmètre fonctionnel couvert par Wuala va donc bien au-delà d’un service de sauvegarde en ligne.

Macplus :  Il s’agit donc d’un système de mutualisation des ressources non-utilisées, comparable à ce que Fon, puis un certain nombre de FAI ont pu proposer pour la bande passante, en même temps qu’un système de partage de fichiers, “semi-public” ou même privé, par autorisation, en même temps qu’un outil collaboratif ?

LaCie : Il s’agit d’un système de stockage en ligne, en effet, il permet de stocker des fichiers, mais c’est aussi beaucoup plus que cela[[Souligné par LaCie]], puisque ce système permet aussi de :

–       Partager confidentiellement et de façon sécurisée des fichiers et des dossiers avec des utilisateurs ou groupes d’utilisateurs identifiés (documents, photos etc …)

–       Collaborer avec des tiers (commentaires, révisions, approbations …)

–       Visionner des medias en streaming (audio, video)

–       Télécharger très rapidement (les fragments de fichiers proviennent de sources multiples – à la Bittorrent, multi seeding)

–      Stocker de manière sécurisée : les fragments de fichiers chiffrés sont disséminés sur le réseau, rendant un service qui pourrait s’apparenter à du RAID au dessus d’internet

–      Inviter facilement ses amis et créer des communautés (famille, amis, collègues, groupes de travail)

–       Publier simplement un média sur le web avec ou sans authentification—–

Macplus :  L’utilisation des supports de stockage est cependant moins dynamique que celle de la bande passante, et la tendance sur la taille des contenus est plutôt à l’inflation : comment Wuala s’organise-t-il ?

LaCie : Wuala a conçu dès le départ un système prenant en compte ces contraintes, et celui-ci est intrinsèquement « scalable ». Wuala a réussi a assembler le meilleur des technologies d’informatique distribuées pour ce faire, en centralisant toutes les fonctions qui sont peu ou mal servies dans un contexte distribué (authentification, meta données, recherche…).

Concernant la taille des contenus, il n’aura pas échappé aux commentateurs que la capacité des supports de stockage croit plus que proportionnellement à la taille des contenus. De fait, l’espace moyen disponible chez les utilisateurs augmente aussi bien en valeur absolue qu’en valeur relative.
Nous utilisons aussi d’autres dispositifs qui font encore aujourd’hui partie de nos secrets de fabrique pour assurer l’évolutivité du système et sa bonne montée en charge.

Macplus :  La “surface” d’une multinationale aussi reconnue que LaCie n’est pas la même que celle d’une start-up comme Caleido, nécessairement plus “en pointe” par rapport aux usages du web collaboratif que la société dans son ensemble. La question de la propriété intellectuelle et des “ayant-droits” va forcément être posée à une société française, a fortiori dans le contexte actuel de crispation autour de cette question. Comment LaCie va-t-elle positionner son service ?

LaCie : Nous sommes très sensibilisés à cette problématique de propriété intellectuelle et elle est bien évidement prise en compte dans l’offre de service que nous allons prochainement proposer.

Un «mur du Tera-octet» pour l’industrie du stockage ?

Si les besoins de stockage sur site aiguisent bien des appétits – IDC estime à ce propos que les ventes devraient bondir de 52 millions d’unités en 2009 à 123 millions en 2012 – l’industrie du stockage semble être confrontée à une forme de seuil, du moins en ce qui concerne les disques de grosse capacité utilisant la technologie actuelle, et dont la fiabilité relative décroît à mesure que leur capacité et la pression sur les prix sont plus importantes.

L’une des pistes traditionnellement suivies par le secteur consiste à augmenter la densité des supports magnétiques, par exemple en couplant miniaturisation des têtes et écriture perpendiculaire. Une autre piste explorée est l’utilisation de la mémoire flash dans les disques SSD, malgré leurs limitations actuelles en termes de vitesse d’écriture, de durée de vie et de consommation, sans même parler du prix. Tributaire de ses équipementiers, LaCie semble avoir choisi d’explorer une 3e voie, en démocratisant l’usage du SAN. Mais le français ne s’en tiendra sans doute pas là, puisqu’il a considérablement renforcé ses équipes de R&D sur le versant électronique…

Mais l’autre défi que l’industrie du stockage devra affronter – né de la prise de conscience du réchauffement climatique et de la vétusté des infrastructures électriques californiennes, à mesure que les législations environnementales vont se durcir – sera la réduction de la consommation énergétique des supports. Un label “Green” sur lequel les concurrents de LaCie ont déjà commencé à communiquer.

Macplus :   LaCie a une présence historique sur Mac, puis a diversifié son offre vers le réseau à une extrémité de la chaîne, jusqu’au disque multimédia à l’autre bout de celle-ci. A qui comptez vous vous adresser avec Wuala ?

LaCie : Wuala s’intégrera avec les différents supports de stockage que nous fabriquons, pour le Mac, aussi bien que pour le PC sous Windows et Linux.

Macplus :  Sur le secteur des solutions, celui des prosumers ? L’essentiel de votre croissance s’est faite sur des produits plutôt indifférenciés en 2008, segment qui semble depuis avoir pris la crise de plein fouet…

LaCie :  Wuala permet d’adresser des besoins qui répondent aussi bien aux usages des professionnels que des particuliers, nous aurons une offre différenciée pour chacun de ces segments.

Macplus :   Le “nuage” est un concept “dans le vent” depuis plus d’un an, au point que certains ont essayé de préempter le terme. Quel est l’intérêt pour LaCie, qui conçoit des boîtiers innovant mais ne fabrique pas les disques qui sont à l’intérieur, de se lancer sur ce créneau ?

LaCie : Wuala n’est pas « un concept dans le vent », contrairement à beaucoup de services qui se revendiquent appartenir au registre du « cloud computing », la technologie Wuala repose sur réellement sur des ressources distribuées et non exclusivement sur des fermes de serveurs.

L’intérêt de LaCie est de proposer à ses clients des solutions complémentaires au stockage local pour leur permettre de conserver/sauvegarder leurs données, de les partager simplement et de façon sécurisée, de pouvoir y accéder 24h/24 et depuis n’importe quel ordinateur connecté dans le monde.

Macplus :  Est-ce que l’offre de valeur se situe au niveau du service désormais ? Quel est l’avenir du stockage redondant sur site, tel qu’on le connaît avec les disques RAID 

LaCie : Nous allons proposer sous quelques mois des fonctions nouvelles et innovantes accessibles à partir de nos produits. Nous ne manquerons pas de communiquer amplement sur celles-ci. Parmi celles-ci, les utilisateurs pourront en effet avoir accès à des services complémentaires que nous leur proposerons.