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Apple, cible médiatique ?

Apple a longtemps bénéficié d’un important capital-sympathie, tant dans les media que dans le public : Mac OS X incarnait une résistance à la fois humaine (au contraire de Linux, perçu comme une affaire de spécialistes) et minoritaire au rouleau-compresseur Windows ; ses machines colorées et design étaient ce soupçon de finesse dans un monde de brutes carénées à l’emporte-pièce des Dell, IBM et autres HP ; et ce gentil Petit Poucet (…)

Ormerry

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Apple a longtemps bénéficié d’un important capital-sympathie, tant dans les media que dans le public : Mac OS X incarnait une résistance à la fois humaine (au contraire de Linux, perçu comme une affaire de spécialistes) et minoritaire au rouleau-compresseur Windows ; ses machines colorées et design étaient ce soupçon de finesse dans un monde de brutes carénées à l’emporte-pièce des Dell, IBM et autres HP ; et ce gentil Petit Poucet qui devait chaque mois se faire dévorer par l’Ogre Microsoft, mais qui, d’idées surprenantes (l’iMac, l’iPod, l’iTunes Music Store) en grands coups de bluff (des processeurs PowerPC notoirement en panne d’évolution, mais toujours présentés comme révolutionnaires quelques jours avant leur abandon fracassant) parvenait à survivre année après année, amusait le bon peuple à l’image d’un Jerry parvenant sempiternellement à chiper un morceau de fromage à un Tom trop pataud pour l’occire. A cette sympathie s’ajoutait également une certaine condescendance, et, comme on ne tire pas sur les ambulances, et qu’Apple n’était par son poids économique qu’un sujet forcément mineur, les grands media généralistes évitaient en général la critique acerbe.

Le succès inattendu de l’iPod, et son écrasante domination sur le marché de l’entertainment numérique, ont peu a peu ramené Apple au rang d’acteur de premier plan des entreprises technologiques. De ce fait, de nombreux journalistes ont commencé ou recommencé à s’intéresser à l’ensemble des produits ornés d’une pomme croquée, mais aussi – et c’est tout à leur honneur – à ne plus hésiter à dénoncer les errements de la société, quand nécessaire.

Le tournant, la prise de conscience, la fin de l’angélisme supposé, la maladresse initiale, se sont probablement produits lorsque, le 4 janvier 2005, Apple a déposé plainte contre le site ThinkSecret, afin de tenter de lui faire révéler ses sources, suite à l’annonce – prématurée au goût des sbires de Jobs – de la sortie imminente d’un Mac à 500 dollars : le Mac mini. Cette plainte allait être suivie d’actions en justice à l’encontre de deux autres sites, Powerpage et AppleInsider. Pour la première fois, le milieu journalistique allait alors prendre majoritairement fait et cause contre Apple, accusé de violer le droit d’informer.

La tentation d’aller dénicher des squelettes dans les placards de Cupertino, ou de faire connaître à l’opinion ceux qui avaient déjà été découverts, allait alors aller croissant. Cette tendance répondait sans doute également à une attente des lecteurs, puisqu’avec l’iPod, le nombre de clients d’Apple a décuplé, et que la société était devenue universellement connue.

L’année 2006 est donc celle des mini-scandales frappés d’une Pomme : l’affaire – obscure et à rebondissements – des stocks-options ; la dénonciation des conditions de travail des ouvriers chinois qui fabriquent l’iPod (feuilleton à tiroirs puisque suivi de la plainte contre des journalistes chinois) ; le rappel massif des batteries de PowerBook , fabriquées par Sony et potentiellement inflammables ; et, en guise de conclusion temporaire, Greenpeace qui accuse les Mac d’être bourrés de composants toxiques, alors qu’Apple communique depuis six mois son son écolo-attitude…

A beaucoup avoir joué sur l’image de sa différence (dont la campagne “Think Different” est évidemment l’exemple le plus évident, mais l’on peut également se souvenir des astronautes Intel en feu ou, bien plus près, des spots Mac vs PC de la campagne Get A Mac) et cultivé sa posture de rebellion, Apple est aujourd’hui d’autant plus fragile face à ces attaques. Quand tout un chacun sait qu’une bonne part des composants électroniques sont fabriqués en Chine dans des conditions de travail allant des conditions difficiles au pur esclavage, et que certains l’acceptent, au nom du “réalisme économique” ; quand les révélations de dirigeants de société ayant truqué (ou “aménagé”) leurs comptes de réultats, ou plus prosaïquement tapé dans la caisse, sont quasi-hebdomadaires aux Etats-Unis; quand les déchets électronique polluent impunément des régions pauvres du globe depuis trois décennies ; nul ne supporte qu’Apple, société à l’image “baba-cool” et volontiers donneuse de leçons, ne soit pas exemplaire.

Il ne reste plus désormais à Apple qu’une solution : l’excellence en tous domaines – social, moral, environnemental, financier, et bien entendu technologique. Si elle atteint ce but, ce ne sont évidemment pas nous, ses clients, et pour certains ses fidèles, qui nous en plaindrons.