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Édito

Apple Pride

Au-delà de l’iPhone 6 et de l’Apple Watch, le dernier Event a été l’occasion d’affirmer la métamorphose de la marque

Boro

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Soyons clairs. N’en déplaise aux cuistres de service qui, une semaine durant, se sont répandus un peu partout pour expliquer à quel point le keynote d’Apple dans son ensemble, et Tim Cook en particulier, avaient été soporifiques et que l’annonce des iPhone 6 et IPhone 6 Plus, et de l’Apple Watch, avait été un non événement, le Special Event convoqué au Flint Center for the Performing Arts (Centre Flint pour le Spectacle Vivant) à Cupertino aura été bien au-delà de la présentation d’un nouvel iPhone ou d’une montre connectée de plus, fut-elle mise au point par Sir Jonie Ive en personne, épaulé par la crème de l’industrie du luxe et de l’horlogerie européenne, débauchée pour l’occasion.

C’est en ce sens que nous réagissions à chaud mercredi et l’analyse que développait Pascal Cagni dans les Échos, en insistant sur les atouts du logiciel français. Et c’est à juste raison – chez Apple, on prétend ne pas regarder le passé mais on aime tout de même les symboles – que le plateau qui avait vu la présentation du premier Macintosh de l’histoire en 1983, du premier iMac en 1998 et du premier iMac Special Édition par Steve. Chacun d’eux a marqué un tournant important dans la stratégie d’Apple : il n’est pas besoin de rappeler le rôle joué par le Macintosh dans l’histoire de la marque, et même dans celle de la micro-informatique, ni celui de l’iMac « Bondi Blue » auquel la firme à la pomme doit l’essentiel du retour de sa trésorerie à la fin des années 90.






Moins immédiatement « tarte à la crème » lorsque l’on évoque le passé récent de la firme de Cupertino, l’iMac Spécial Édition a pourtant été l’initiateur d’une stratégie grâce à laquelle, appuyé sur Final Cut Pro dont le développement débute à peu près au même moment, Apple a très largement pu s’appuyer sur le Web et sur Hollywood pour achever de financer son rétab7lissement, et une part non négligeable de son développement tout au long de la première décennie 2000. C’est également la raison pour laquelle bon nombre des bandes-annonces que l’on consulte sur Internet sont toujours montées sur des Mac, comme un cer8tain nombre de films d’ailleurs.

Le Flint Center était donc un endroit symbolique pour un Tim Cook rayonnant pour marquer symboliquement l’infléchissement stratégique et la nouvelle dimension que revendique la firme à la pomme non seulement dans le paysage techno, mais également dans l’économie mondiale dans la vie quotidienne des gens. Le Mac, l’iPod, l’iPhone et l’iPad l’ont prouvé : les appareils électroniques conçus à Cupertino ne facilitent pas seulement l’existence quotidienne des clients de la marque : en s’appuyant sur la vague de dématérialisation des contenus qui a commencé depuis 30 ans maintenant, Apple en jouant sur la synergie de son électronique et de ses logiciels, et désormais de plus en plus de ses services, transforme également en profondeur non seulement les secteurs industriels mais le fonctionnement de la société tout entière. Et, en présentant une nouvelle catégorie de produits adossés à une stratégie sinon nouvelle du moins infléchie, Tim Cook a signifié qu’il en avait pris, à tous les égards, la tête.

De nouveaux outils pour de nouveaux marchés

Peu importe qu’Apple ait décidé, pour présenter un smartphone avec un écran plus large, d’attendre que celui-ci batte à son propre jeu ce que propose son principal concurrent, dont pourtant la fabrication d’écrans et de composants électroniques est le cœur de métier, que ce soit d’ailleurs en termes d’affichage ou de motorisation ; peu importe également que la firme à la pomme ait attendu d’avoir à sa disposition suffisamment d’écrans saphir pour pérenniser l’investissement de ses clients avant de présenter une montre connectée, quand ses compétiteurs s’étaient précipités dès la rumeur qu’à Cupertino on était en train de travailler sur un tel produit. À son habitude, Apple a d’abord réfléchi sur les usages et l’interface avant de sortir du bois. Qu’il s’agisse vraisemblablement d’un premier essai, avant d’affiner son trait importe peu : la marque a toujours procédé de la sorte, à l’écoute des suggestions et de la créativité et ses premiers clients, tout en capitalisant sur les premiers essais malheureux de ses concurrents. Ceux-ci d’ailleurs, peu avant le lancement de l’Apple Watch, avouaient piteusement à la presse économique leur impuissance à développer ce marché.



Apple – c’est-à-dire son état-major – a une vision et une stratégie claire pour son avenir immédiat, qui s’articule d’ailleurs parfaitement avec celle qui lui a permis d’afficher la santé éclatante qui est la sienne aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle, même si cela est passé inaperçu, Tim Cook rayonnant a parlé de « nouveau moment historique » pour Apple, utilisant même le procédé du « One More Thing » si significatif dans la communication du groupe, pour la première fois depuis 2007. C’est en effet pour le lancement de l’iPhone que le « gimmick » avait été utilisé par Apple pour la dernière fois, on sait avec quelles conséquences à la fois pour les industriels équipementiers et le modèle économique des opérateurs. Or, c’est à un tel cataclysme que doivent se préparer non seulement l’industrie horlogère, le secteur bancaire, mais également le secteur des services et de « l’équipement de la personne » au sens large, tant ce qu’on appelle le « soi quantifié » – c’est-à-dire la mesure de l’activité volontaire ou métabolique de l’individu – est appelée à prendre de l’importance. Apple Pay, qui n’est jamais que l’adaptation du service que les Français connaissent depuis maintenant près de 15 ans sous le nom de eCarte Bleue, à la fois sécurisé et débarrassé du frein à l’utilisation que représentaient l’identifiant et le mot de passe, en est pour l’heure l’exemple le plus éloquent. Plus que jamais, Apple est décidée “ à patiner vers là où le patin se dirige ”, comme l’énonce l’un des mantras préférés de Steve, et quitte à pousser la logique du « premium » jusqu’au luxe…



Une dimension nouvelle

Comme en 2007, c’est un nouvel espace qui s’ouvre devant Apple avec le domaine des services, alors que ses concurrents en sont encore à se demander comment faire pour articuler avec pertinence le matériel et le logiciel. Rayonnant, Tim Cook a sans doute pour la première fois osé mettre ses pas dans ceux de Steve devant les fans et la presse réunis : on en a peu parlé, mais sa façon de reprendre à son compte et à sa manière le fameux « Think Different », s’attachant à montrer que les choses n’étaient pas forcément conformes à ce qu’elles paraissaient au premier coup d’œil, valait symboliquement affirmation de soi au même titre que [son poing gauche brandi en retournant sur la scène, pas seulement pour montrer l’Apple Watch à son poignet. (Lire : « a quoi jouent les banques d’affaires ?). En ce sens, c’est à la fois Tim Cook et la marque qu’il dirige qui sont sortis transformées de ce que Jean-Louis Gassée a appelé le « cocon » devant le Flint Center de Cupertino, mis en place pour l’occasion.

Et comme l’Apple TV de 2007, le changement de sémantique pour désigner les produits de la marque désormais affirme également assez les ambitions universalistes de la firme, lesquelles n’ont pas changé depuis 1984 : comme d’autres s’attachent à mettre en place quelque chose qui ressemble au « Meilleur Des Mondes », l’ambition d’Apple est tout simplement de contribuer à un monde meilleur… certes en s’appuyant désormais sur IBM après l’avoir fait sur Google, mais la firme – à notre image – n’en est pas à une contradiction près !