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Prospective

Rêve amer (icain)

“Le conglomérat français Vivendi-Universal cèdera-t’il des parts de sa division Internet déficitaire VUnet, ou persistera-t’il dans sa stratégie d’intégration du contenu ?”. Parmi les réactions à la récente actualité du groupe, dégringolade boursière et éviction de Jean-Marie Messier, celle d’Erin Joyce, d’internentnews.com, reflète toute l’incertitude et les spéculations quant aux prochaines décisions du N° 2 mondial de l’entertainment pour tenter de sauver son empire. Flash-back, et travelling.

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“Le conglomérat français Vivendi-Universal cèdera-t’il des parts de sa division Internet déficitaire VUnet, ou persistera-t’il dans sa stratégie d’intégration du contenu ?”. Parmi les réactions à la récente actualité du groupe, dégringolade boursière et éviction de Jean-Marie Messier, celle d’Erin Joyce, d’internentnews.com, reflète toute l’incertitude et les spéculations quant aux prochaines décisions du N° 2 mondial de l’entertainment[[L’industrie du loisir, dont le leader reste AOL-Time-Warner.]], pour tenter de sauver son empire. Flash-back, et travelling.

Water’s World

Le retour à l’origine historique de Vivendi comme distributeur d’eau permet de mieux comprendre l’ambition qui a animé le règne de J2M, convaincu de sa grandeur et entraîné sa chute. C’est une simple affaire de tuyaux : cela coûte cher de les installer, mais, une fois que c’est fait, plus qu’à poser quelques compteurs et ouvrir les guichets. Un à l’arrivée, lorsque nous payons l’eau (sa “production”, mais aussi sa distribution), et tant qu’à faire, d’autres en amont (en vendant le traîtement des eaux usées[[D’où Vivendi Environnement.]], soit la même production, et le bien public lié à la même distribution). Quelques frais d’entretien, et tout bénéfice, ça laisse vite de quoi songer à la croissance et à l’investissement. Mais vers quelle activité se tourner, qui présente les mêmes caractéristiques d’une infrastructure de distribution pérenne délivrant à l’envi et au peuple un produit indispensable ?

Bouygues et consorts du BTP s’occupant déjà des autoroutes[[Avec le même raisonnement, d’où l’achat de TF1, puis Bouygues Telecom…]], l’émergence du câble, puis la démonopolisation de la téléphonie ont apporté la réponse évidente, mais incomplète. L’ampleur des investissements demandant un retour significatif, ce n’est qu’en contrôlant et en valorisant le contenu de façon immédiate que l’affaire, de bonne, se révèlera excellente. Acquisition de la galaxie Canal+, et de son savoir faire rentable en terme de production audiovisuelle mais aussi de diffusion[[Et hop, un réseau satellite en plus dans l’escarcelle…]], sans compter, grâce aux rêves d’enfance de l’enfant du rock Pierre Lescure, un bon pied dans le cinéma et en particulier dans le plat d’Hollywood[[Par le biais de Studio Canal.]].

Jeanmarie fait les courses

Pendant ce temps, Cégétel surfe sur l’explosion du GSM, dont le succès démultiplie d’autant les canaux de diffusion. Sa convergence annoncée avec Internet fait tourner les têtes, d’autant que les hauts tarifs, justifiés tout d’abord par les frais d’implantation du réseau, restent de mise, la guerre des opérateurs n’ayant pas eu lieu. Le schéma de l’intégration de contenu se met peu à peu en place : il ne manque plus que la boutique numérique pour commercialiser tous les services qui pourront l’être : ce sera Vizzavi, portail dédié à Internet et à la téléphonie mobile, et géré par VUnet.

Parallèlement à l’acquisition d’Universal, qui amène un catalogue de films, mais aussi de musique[[Ce qui tombe bien, alors que le Wap fait un flop et que l’UMTS tarde à délivrer les images animées promises jusqu’à nos mobiles. Il suffit de trouver le moyen (Universal Music Mobile) de vendre de la musique par téléphone…]], complété par celui d’USANetworks par sa maison-mère, VUnet participe à la frénésie d’achats : dans le jeu (iWin.com), l’éducation (education.com), et la musique (MP3.com), renforçant ainsi la verticalisation du groupe (Divento pour le spectacle, etc.).

Little Big Bang

Mais en voulant ainsi occuper (tout) le terrain à tout prix, Vivendi misait gros sur une demande exponentielle pour ses produits. C’était compter sans le retard dans l’implantation des technologies (en particulier l’UMTS, dont la licence a, souvenez-vous, atteint un prix astronomique, mais qui tarde toujours à s’implanter), ou un public pas si réceptif que cela au meilleur des Mondes version Universal, le groupe est aujourd’hui désavoué par les marchés. Pris à son propre piège, plombé par des dettes contractés pour des acquis surévalués, il n’est même plus valorisé à hauteur de son patrimoine réel.

Le dépeçage du mastodonte semble donc inéluctable, l’hypothèse d’une reprise telle quelle, de ce qui n’est plus que la ville fantôme inachevée d’un Eldorado manqué, tombant faute de candidats[[Ben alors, Bill Gates, t’es où ?]], y compris au sein du groupe. La question est donc de savoir qu’est-ce qui sera vendu, et ce qui de l’œuvre prétendue visionnaire mais néanmoins bel et bien engagée, persistera dans la débâcle. En d’autres termes, nous en revenons donc à l’interrogation du tout début : conserver des positions déficitaires mais qui peuvent se révéler stratégiques dans une politique ultérieure de reprise, ou bien renvoyer chacun à son activité de base, en se défaisant de celles non directement rentables. Vous pouvez parier que nous ne sommes pas les seuls à y réfléchir, et que l’on attend le nouveau patron, Jean-René Fourtou, pour juger de l’ampleur de sa nouvelle vision, et mesurer jusqu’à quel point il estime devoir réfréner les précédentes ambitions.

L’attaque des clowns

Si ce problème ne touchait pas, malheureusement, autant de domaines de notre vie quotidienne que celle-ci ne comporte d’occasions d’apposer un logo du catalogue Vivendi, nous n’y accorderions pas autant d’importance. L’industrie du loisir, qui s’ébauche à peine, ne va pas cesser pour autant son prévisible développement, et cette tentative avortée ne l’est que pour un temps. Mais le fait est, qu’au delà de l’inquiétude légitime des nombreux salariés et petits actionnaires du groupe, se profilent des enjeux d’une toute autre nature. La double obédience culturelle Franco-Américaine du groupe, dont seul le double langage de J2M est jusqu’à présent parvenu à masquer les contradictions, est le premier des pièges que son départ a laissé béants. Il n’y a qu’à se reporter aux réactions qu’a suscité son mépris affiché de “l’exception culturelle française”[[Pour quelqu’un qui a racheté Canal + et l’Olympia, il y a de quoi faire frémir, il est vrai…]] pour comprendre que le contentieux intercontinental sur le commerce de la propriété intellectuelle, de même que le contrôle de Vivendi-Environnement, service semi-public que la souveraineté nationale répugne à juste titre à lâcher, pèseront politiquement lourd dans le débat.

La nécessité économique devra donc en tenir compte, en plus de retrouver la confiance des marchés par un assainissement démonstratif et significatif du patrimoine. Entre choix judicieux et opportunité des cessions à réaliser, se joue de façon critique le devenir d’une entreprise qui a eu les yeux plus gros que le ventre. Nous y survivrons, la musique, le cinéma, les poubelles et tout le reste, mais dans quelles conditions ? Maintenant que s’achève l’époque du “Un pour tout, tout pour Moi”, quelle sera la nouvelle formule que les rois du commerce vont trouver pour nous vendre leur paradis en barres ?