Suivez-nous

Divers

HubOS X.1

À la lueur des annonces de MacWorld Expo 2002, je vous propose de faire le point sur le “hub numérique“, qui prend forme à mesure que les produits et les fonctions s’enrichissent, que se mettent en place quelques nouveaux éléments qui le complètent presque parfaitement, et que la base installée devient significative. De fait, c’est aujourd’hui un univers complet et cohérent qui s’offre à nous, propre à faire passer un concept un peu vaporeux dans notre prosaïque quotidien. Le pari d’Apple sur les usages de l’avenir va donc très bientôt prouver, ou infirmer sa validité, car une chose est certaine, il est aujourd’hui entré dans sa phase de maturité.


MacPlus

Publié le

 

Par

image 58 x 58

À la lueur des annonces de MacWorld Expo 2002, je vous propose de faire le point sur le “hub numérique“, qui prend forme à mesure que les produits et les fonctions s’enrichissent, que se mettent en place quelques nouveaux éléments qui le complètent presque parfaitement, et que la base installée devient significative. De fait, c’est aujourd’hui un univers complet et cohérent qui s’offre à nous, propre à faire passer un concept un peu vaporeux dans notre prosaïque quotidien. Le pari d’Apple sur les usages de l’avenir va donc très bientôt prouver, ou infirmer sa validité, car une chose est certaine, il est aujourd’hui entré dans sa phase de maturité.


Jag wars

Le choix du mot l’indique bien, et Steve Jobs a bien pris la précaution de le rappeler, le hub numérique, c’est d’abord un Mac, au centre et “créant” les limites de cet univers comme une borne Airport est le point focal de son réseau. C’est ce noeud crucial qui doit articuler les interactions de notre existence numérique avec notre environnement analogique, et notre existence connectée avec celle de tous les jours. Mais il fallait un Mac en mesure de représenter brillamment une idée si ténue : l’iMac G4 “Luxo” est de ce point de vue une réussite, et la sortie de la version avec écran 17″ et nouvelle carte graphique (seul matériel annoncé à part les nouveaux modèles d’iPod) ne peut qu’en confirmer la vocation.

Ce 17 juillet 2002, les premiers mots consacrés au Digital Hub furent des chiffres, mais ils parlent d’eux-mêmes : iPhoto, 4 millions d’exemplaires. iTunes : 14 millions[[On peut également ajouter le nombre de téléchargements de QuickTime 6, dépassant le million un jour et demi à peine après son lancement…]]. Car le Luxo (et les autres, par la même occasion) n’est pas qu’un bel ordinateur, ni même seulement un Mac, dans la tête de Steve : c’est avant tout le support, l’écrin, le moteur des iLogiciels, chargés de représenter l’invisible du talent d’Apple. L’attention qui a été accordée à leur développement, en tous points la même que leur OS, leur confère ce rôle indispensable de porte-parole, enfin accessible naturellement à tous, de ce qu’est l’informatique à la Apple. Que l’on se rappelle simplement comment le Finder a toujours été une introduction démonstrative et pédagogique aux fondamentaux de l’interface Macintosh, et l’on comprendra l’idée.

Mais, avant de les détailler, parlons un peu de Mac OS X, qui à lui seul aurait pu faire cette différence, si un clone XP n’était pas venu interférer dans la démonstration. Le changement de ton de Jobs vis-à-vis de Microsoft[[Il est bel et bien fini, le temps de Gates en visite sur l’écran de la keynote !]] n’a rien de surprenant devant ce coup bas, message sans équivoque de la part de Redmond. Après, tout, rien n’obligeait les développeurs de Microsoft à sortir un produit prêtant autant à confusion avec OS X… Tous ces moyens engagés ne seraient-ils donc consacrés, plutôt qu’à proposer de nouvelles solutions, à ne faire que porter en les plagiant celles d’Apple ? Qu’à cela ne tienne, et la politique de Jobs le montre : Apple va creuser l’écart, autant que Wintel sur le plan des vitesses processeur, ils n’ont qu’à s’accrocher. Ils seront bien obligés, à force, de penser eux aussi différent, sinon d’acheter un Mac qui fera mieux pour pas plus cher. C’est déjà ce que la campagne Switch entend démontrer. Cette reprise des hostilités n’est pas étrangère au hub : il est l’arme “intelligente” qui doit permettre à Apple d’assurer à terme son indépendance face au géant du logiciel, tout en gagnant sur ses parts de marché. Elle en dit long sur la confiance que Steve Jobs accorde à la puissance de son concept, justifie un silence stratégique précédant des annonces spectaculaires, et nous promet une moisson de bonnes surprises dans un avenir proche, que cette nouvelle vague préfigure.

HubOS X.1

Jaguar, première annonce de la keynote, est bien évidemment la fondation de cette nouvelle assurance. Ses performances plus qu’honorables en termes de rapidité peuvent enfin ébranler le mythe des GHz, qui dessert cependant Apple face à un public néophyte. Cette fois, de QT 6 à RealMedia, de Inkwell à iSync, la démonstration va être patente que la fréquence ne fait pas tout. Nul n’ignorera plus le message : Apple fait aussi bien. En beaucoup mieux.

Sans revenir trop lourdement sur les caractéristiques de ce presque nouvel OS, arrêtons-nous sur celles des technologies introduites qui joueront leur rôle dans ce ballet numérique. Comme l’on peut s’en douter, le maître mot est bien là “intégration”, tant il s’agit bien de tisser le mystérieux réseau souterrain grâce auquel l’information juste pourra sortir là où elle sera nécessaire, sans se préoccuper de son emplacement réel. En cela, j’espère pouvoir vous en convaincre, Jaguar est bel et bien le premier “OS du hub”, extrapolant les technologies propres à Mac OS à l’environnement, local ou distant, de la machine et donc, selon le credo d’Apple, de l’utilisateur…

Tenez, QuickTime 6, par exemple, qui accueille désormais dans l’impressionnante collection des formats qu’il reconnaît l’AAC, meilleur codec audio disponible, et, bien sûr le tant attendu MPEG-4, équivalent vidéo du MP3. Avec le talent d’Apple pour pérenniser les standards naissants, et de plus le soutien et les efforts conjoints de RealMedia pour compléter le tableau avec la présentation simultanée et amicale d’un nouveau lecteur optimisé, voilà encore une pierre dans le jardin de Microsoft, mais avant tout, un Mac capable de traiter pratiquement tout flux graphique, vidéo ou son, mis à part le format propriétaire de Microsoft, qu’ils se débrouillent pour le portage de leur lecteur sur Mac…

Et Rendez-vous, ah, Rendez-vous[[Un rendez-vous, en Américain, n’est pas n’importe quel rendez-vous… Il y est attaché ce je ne sais quoi de romantique que traînent les Français, et qui fait si bien leur charme…]] Rendez-vous compte : question plug & play, que pourra t-on faire de mieux ? Reconnaissance automatique sans aucune configuration de tout périphérique partagé sous IP… Les réseaux pourront gagner en bande passante, mais plus en simplicité, sans parler d’Airport, qui dispense même de brancher le câble !… Et, comme tout le monde n’a pas une imprimante réseau à configurer, Jobs nous offre une démo de la technologie via iTunes, alors que l’on sait déjà que c’est le développement de la musique numérique qui va booster l’équipement des foyers, en justifiant l’achat de plusieurs postes. Pourquoi pas des Macs ?!

InkWell paraît au premier abord désespérément inutile, sinon pour souligner la frustration d’un certain PDA toujours aussi absent[[Les nouvelles fonctions d’iPod n’ayant pas été mises en valeur en tant que véritable agenda, considérons que le silence (et l’espoir) sont toujours de mise…]], mais qui a d’ores et déjà sa place dans l’esprit de tout fan d’Apple qui se respecte. L’heureux possesseur d’une tablette numérique dotée d’un stylet, parce qu’à la souris, (même si l’on peut très bien écrire Hello !, il faut le reconnaître) c’est pas vraiment ça, pourra néanmoins profiter de ce qui, avec le dialogue vocal va forcément finir par prendre dans notre vie une place aussi naturelle que le téléphone portable. Si vous vous souvenez qu’il existe déjà un stylo BlueTooth, allez-y, osez rêver ! Vous écrivez n’importe où et “boom”, ça sort bien policé dans ClarisWorks, capito ? Et ne négligez pas non plus l’immense effort d’ingénierie logicielle sous-jacent à ces technologies de reconnaissance de notre expression naturelle. Cela fait bien longtemps déjà qu’Apple se préoccupe du problème, avec quelques brillants succès et certainement encore une avance sensible. Alors, Ink, à très bientôt, et pour très longtemps…

Quant à Sherlock 3, gardez-vous bien de n’y voir qu’un relookage de cet ancêtre des iLogiciels qui a un peu peiné à trouver sa vocation… Celle-ci se voit reprécisée en abondonnant au Finder la tâche de recherche de fichiers locaux. Une fois relié aux nouveaux services .mac, tout s’éclairera[[Espérons que lesdites lumières pourront parvenir de ce côté de la Terre où l’on n’achète pas ses pizzas dans un quartier de New-York…]]… Photos du carnaval de Rio, vélo d’occase sur eBay, adresse de Jean Martin à Pétaouchnoque, avec plan d’accès, définitions ou synonymes, aide technique sur le Mac, Sherlock 3 est fait pour vous amener la quintessence de l’information utile disponible sur le net sur le plateau vertical de l’écran du Luxo… Plus qu’à équiper vos lunettes de BlueTooth au cas ou vous les égareriez… Je vous laisse essayer, en espérant que la démonstration ne perde pas trop de son piquant (et tout intérêt quant à son contenu) en traversant l’Atlantique. Cela, c’est dans l’interface repensée de Sherlock, mais ses lumières sont bien sûr disponibles chez toute application complice.

Un petit pas pour OS X mais un grand hub pour l’humanité…

Ce tout dernier exemple illustre parfaitement la philosophie du hub, ou plutôt, dont le hub est la mise-en-œuvre. De la même façon que Sherlock fait disparaître (je n’ai pas dit “remplaçait”) le navigateur au profit de l’information que le surf est censé apporter, l'”équipe logicielle” qui occupe le Mac doit nous faire oublier l’informatique. Il n’y est question, d’un point de vue global, que de collaboration, de services, de partage… Chaque application, sous ou au-dessus de la “surface” d’Aqua, je veux dire système ou utilisateur fonctionne de façon indépendante et autonome[[Mais même cela change : pas de Mail sans Address Book…]], mais sait aussi mettre le meilleur d’elle même à la disposition des autres. Jaguar apparaît donc comme, en coulisse, le régisseur général d’un théâtre dont les iApps sont les personnages… À nous d’en écrire les pièces, avec toute confiance en le talent et le professionnalisme du metteur en scène et de la troupe.

S’il en est pour me trouver un peu lyrique dans cette description de ce qui n’est encore qu’un chantier pas encore achevé, c’est qu’ils ne sont pas sensible à la poésie parfois fascinante du code bien tempéré, d’un algorithme efficace ou encore d’un concept si bien tourné qu’il ne cesse de nous étonner, La programmation objet, par exemple, qui a fait passer en quelques années la programmation d’une suite linéaire d’instructions conditionnelles à un jeu de construction fait de briques à agencer. Ou bien encore, l’hypertexte, qui permit de poser les principes de ce qui allait devenir le World Wide Web à quelques scientifiques qui cherchaient un moyen pour en exploiter mieux les richesses… Ça se passait sur un NeXT, c’est à dire l'”autre” ordinateur que Steve Jobs ait conçu, lorsqu’il a été écarté d’Apple. Cela n’est pas tout à fait un hasard, tant cette machine, et son système NeXTStep, conçus de zéro, donnent encore aujourd’hui une formidable leçon de ce que l’informatique pourrait être, si l’on s’en donnait la peine. C’est d’ailleurs ce même NeXTStep qui a valu à Steve Jobs de revenir à sa place à la tête de la société qu’il avait fondée autour de l’idée qu’il n”a cessé de suivre tout au long de son parcours, comme quoi c’est l’informatique qui doit s’adapter à l’Homme, et non le contraire. Apple n’arrivait pas à l’époque à effectuer l’évolution indispensable de son Système : avec NeXt,, Steve Jobs avait bel et bien trouvé la solution, et c’est une révolution qu’il fit accomplir au système, avec un OS X qui ne fait que fédérer le meilleur d’Unix, de Mac OS et de NeXTStep sous l’interface que l’on connait.

J’ai pris la peine de cette digression un peu technique pour faire sentir à quel point tout cela n’est pas n’importe quoi, mais la lente mise en œuvre d’un projet de longue date. Les bonnes solutions, en ce domaine délicat de l’ingénierie informatique matérielle et logicielle, ne sont pas si nombreuses, et, au cours des années, Jobs, nanti son don pour poser les bonnes questions et entouré d’excellentes équipes, a souvent frôlé les meilleures. Et appris à la dure que les réalités économiques du marché et le cynisme naïf de ses contemporains contraignait parfois à devoir les abandonner. Mais il sait ce qu’il veut, et est aujourd’hui en position de l’imposer, au moins à sa base installée, et même, du moins le croit-il, comme une évidence difficile à éviter jusqu’au cœur de la citadelle PC. Rompu à devoir lutter contre les apparences comme Don Quichotte contre les moulins, il doit mener le combat sur un autre terrain que celui de la concurrence. Pour gagner des parts de marché, il prend le pari de réinventer le marché avec un produit inédit, attrayant, et Apple Different. L’iPod a été un coup d’essai, l’iMac G4 se confond encore un peu avec un ordinateur, mais commence déjà à se fondre dans le décor du hub, auquel il est ce qui se rapproche le plus d’un logo.

Il va donc mettre toutes les chances de son côté, et pose peu à peu les fondations de cette informatique au-delà du clavier. MacOS X, d’ores et déjà premier système Unix au monde en terme de déploiement et reconnu comme le meilleur, n’en est qu’au début de sa carrière, et l’avatar Jaguar vient pour le confirmer. Il est enfin complet, organisé selon les principes qui vont lui permettre de faire face à toutes les évolutions, matérielles par le bas, logicielles par le haut, suffisamment fort pour commencer à s’affranchir du boulet d’OS 9. L’édifice à désormais de quoi s’élever dans les meilleures conditions, en accueillant les joueurs stars de l’équipe des iApps, et maintenant démontrer à quel point aussi Apple aime le jeu, mais encore plus le plaisir…

Comment pourrait-on ne pas se sentir gourmand devant tant de promesses, dans quelques instants sur notre Macintosh ? Souvenons-nous du timide début de QuickTime, et de ce que que c’est devenu, comme prévu… ou espéré ! Enfin, voilà toujours pour le premier acte, le décor est maintenant planté, le sous-sol stabilisé et les fondations saines, voyons à présent le hub prendre corps sur l’écran de notre vie quotidienne.


Retour en haut de page
– Deuxième partie : iLife
– Troisième partie : All you need is… Jobs !
Retour au sommaire