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Événement

iPhone 5 : du “sushi” à se faire…

Boro

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L’ «Evènement spécial» bâti autour de l’ iPhone 5 n’y aura rien changé : la redoutable règle médiatique des 3 «L» (Lécher, Lâcher, Lyncher), bien que non-écrite, a semble-t-il frappé une nouvelle fois avec la fatalité d’une tragédie grecque. Fanés, les lauriers tressés au front de Steve Jobs-le-visionnaire, et d’ Apple l’entreprise innovante qui bouleverse les marchés sur lesquels elle rentre. Il va falloir s’y faire, et la presse française a tranché : puisque Steve n’est plus sur la passerelle dans le fauteuil du commandant, le vaisseau Apple est en panne d’inspiration et pis c’est tout !

On aurait donc tort de se gausser du traditionnel petit couplet «corporate» et des chiffres traditionnellement servis en guise d’»antipasti» à l’événement, dans le but de frapper les esprits : les journalistes en raffolent. Hugo Barra, le Chef-produit Android chez Google ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisqu’il s’est fait un plaisir, à quelques heures de la Keynote, de glisser sur le ton de la confidence qu’Android avait passé la barre des 500 millions d’appareils activés, en guise de savonnette sous le pied de Tim Cook et de ses « malheureux » 400 millions d’ appareils iOS commercialisés.

Celui-ci ne s’est pas fait prier pour enfoncer le clou des usages : avec 68% de parts du marché des tablettes, l’iPad monopolise à lui seul 91 % des requêtes web, l’occasion pour le P-DG de se poser à voix haute une question assassine : “Mais où sont donc les autres ?”… sous entendu : dans un tiroir, ou à traîner sur la table du salon comme ce fut le cas dans un autre temps pour les concurrents de l’iPod, mais en tout cas pas à surfer, jouer, envoyer des mails, écouter de la musique ou regarder des vidéos.

Alors que la guérilla judiciaire tous azimuts entre Apple, Google et ses différents alliés de circonstance ne fait que commencer, les diverses piqûres de rappel sur les chiffres (700 000 applications sur l’App Store dont 250 000 pour le seul iPad, 26 millions de titres disponibles sur iTunes Store et 20 milliards de titres téléchargés) n’avaient qu’un but : rappeler que c’est Apple une fois pour toutes qui a le plus gros (écosystème). Et qu’à Cupertino, on était bien décidé à en faire usage pour défendre l’ensemble de sa chaîne de valeur articulée autour de iOS 6, et son iPhone en premier lieu.

Le téléphone et les composants, comme du poisson frais…

Son iPad allant donc plutôt bien, merci, c’est autour de l’iPhone 5 que le 2e round du match « différentiation » contre « banalisation » va ainsi pouvoir commencer. Sans se donner le ridicule d’enfiler la « zuppette « de la « Pomme-Pomme girl » systématiquement anti-Samsung, on peut néanmoins caractériser le modèle industriel du Coréen, avec son incontestable réussite, comme celui de la montée en valeur d’un fabricant de composants, un « petit dragon » devenu grand à son tour.

Depuis près de 40 ans, Samsung Electronics progresse en effet régulièrement en apportant de la valeur ajoutée a des technologies qu’elle achète au besoin auprès d’autres sociétés lorsqu’elle est en retard, en s’appuyant sur sa place dominante dans l’industrie du composant électronique. 

Ce fut par exemple le cas au milieu des années 70 sur le marché du téléviseur avec l’acquisition de la technologie du tube couleur auprès du japonais Matsushita, ou au début des années 80 lorsqu’elle a obtenu de l’américain Micron Inc la licence de la mémoire DRAM. Grâce à des investissements et un R&D massifs, Samsung parvient, à tous les coups, ou presque, à s’imposer sur les marchés sur lesquels elle pénètre : c’est ainsi qu’au cours de la décennie 2000 – 2010 elle est parvenue à se débarrasser d’un concurrent aussi prestigieux que Sony.

L’enjeu en est résumé ainsi en 2004, au moment où il commence à prendre l’ascendant sur le japonais par Jong-yong Yun, CEO de Samsung Electronics : “ La vitesse est la clef de toutes les denrées périssables, depuis les sashimi jusqu’aux téléphones mobiles

Quant à Apple, la firme fonctionne au contraire sur un mode quasi ascétique d’économie de moyens, en axant son organisation toute entière, y compris et surtout la conception de ses produits, autour de l’oxymore devenu un véritable mantra pour son fondateur : “Less is more” (littéralement : moins, c’est mieux). Autre motto consubstantiel du premier : la différentiation, avec comme parti pris l’excellence et l’absence de compromis – du moins autant que faire se peut – dans les solutions adoptées en s’appuyant sur le logiciel, le cœur de son savoir-faire.

Le californien conçoit et (fait) fabrique(r) des appareils électroniques comme des œuvres d’art, quoi qu’on en dise, conçus pour durer comme en témoigne le marché de l’occasion vivace dont bénéficient ses produits.

La firme à la Pomme, grâce notamment à Tim Cook, avait bien bâti une partie de son succès sur un volet « composants » de sa fabrication, volet dont Samsung Electronics était d’ailleurs la cheville ouvrière puisque, martelons-le, depuis 2005 Samsung avait su devenir le premier fournisseur de composants électroniques pour le californien, tandis qu’Apple devenait parallèlement le premier client extérieur de la division composants du Coréen, grâce au succès de l’iPod puis de l’iPhone.

Deux recettes, deux logiques industrielles opposées

Or c’est lorsque les deux logiques industrielles opposées, l’une ascendante ajoutant de la valeur mais également de la complexité à ses produits finis, l’autre « descendante » en greffant de l’intelligence dans des objets du quotidien, ont fini par se télescoper autour du Smartphone que la crise s’est nouée.

Le procès de San José en effet montré que Samsung s’était alors heurté à un véritable plafond de verre, incapable de résoudre pendant près de trois ans le problème que lui posait le « Jesus’ Phone » et sa simplicité évangélique jusqu’à ce que, en désespoir de cause, elle finisse par mettre sur pied en mars 2010 une véritable cellule de crise destinée à désosser littéralement l’iPhone pour en tirer la substantifique moelle avant de la greffer sur son premier Galaxy S.

Au final, c’est au 3e trimestre 2011 que Samsung, avec l’aide active de Google mais également la complicité tacite des opérateurs téléphoniques, a semblé commencer à déstabiliser la trajectoire ascendante de l’ iPhone, à qui rien ne semblait devoir résister (lire Samsung n°1 en France ?).

Le moyen ? En brouillant les repères par tous les moyens (multiplication et rotation rapide des produits, multiplication des tarifs, imitation de l’identité visuelle de l’iPhone), essayer de favoriser la constitution autour d’Android d’un écosystème concurrent, à même d’éviter que ne se reproduise avec iOS, l’App Store et l’iPhone la déferlante à laquelle on avait assisté avec la mise en place du trépied iPod, iTunes et iTunes Music Store, à partir de 2003.

Précisément, les éléments présentés lors de la Keynote de mercredi visent, même s’ils ont pu paraître «réchauffés» ou laisser un certain nombre d’observateurs sur leur faim, à répondre point par point à la contre-attaque de Google et de ses algogènes, Samsung au premier chef… lequel devrait avoir rapidement quelques “sushis” à se faire.

La suite bientôt !