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Prospective

Leopard : le ‘Big One‘…

Avec l’intégration du système de fichiers ZFS et surtout l’intégration de LLVM, Apple est en train de redéfinir l’état de l’art de la micro-informatique pour les 10 ans à venir. Explications.

Boro

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On ne parle pas de corde dans la maison d’un pendu, dit-on. Reste que l’édition 2007 de la World Wide Developer Conference pourrait bien rester dans les annales comme le ‘Big One’ de l’informatique, du nom du tremblement de terre supposé mettre par terre un jour ou l’autre San Francisco et une bonne partie de la Californie. Or, 10 ans tout juste après la WWDC`97 qui avait vu les équipes de Jobs, fraîchement débarquées de chez NeXT, poser les fondations du futur OS X dans une indifférence polie (voir la chronique du 9 mai 2006), Apple se prépare tout bonnement à envoyer “bouler” cul par dessus tête les standards actuels de la micro-informatique, et à les redéfinir pour la décennie qui vient.

ZFS, un système de fichiers révolutionnaire

Depuis un certain nombre de mois, on entend Steve Jobs utiliser un nouveau mot pour mettre l’accent sur un ordre de grandeur très important : plus une apparition ou presque sans qu’on l’entende évoquer des ‘zillion things‘ … Coïncidence ou citation de fan de Little Stevie? Sans doute. Reste que depuis sa publication par Sun et son intégration à Solaris en octobre 2005, l’équipe chez Sun en charge de ZFS – en anglais Zettabyte File System n’avait eu de cesse de faire adopter son nouveau système de fichiers, en faisant force clins d’œil complices en direction de Cupertino. Fin mars 2006 un message sur un newsgroup d’Eric Kustartz qui travaille chez Sun sur le projet OpenSolaris se répand en quelques jours : Chris Emura, le responsable développement du système de fichier dans l’équipe CoreOS d’Apple, est intéressé par le portage de ZFS sur OS X.

Comme à son habitude, Apple se refuse alors à tout commentaire, mais ZFS est porté – en 10 jours – par l’un des membre de l’équipe de Sun et – vrai coup de pub ou acte manqué réussi? – Jonathan Schwartz le CEO de Sun annonçait devant un aréopage d’analystes et de représentants de la presse spécialisée que ZFS prendrait la place du vénérable HFS+ en tant que système de fichiers par défaut dans Leopard, à quelques jours à peine du coup d’envoi de la WWDC (voir la dépêche du 7 juin).

Le “client idéal” pour Mac OS X

Prévu à l’origine pour les serveurs de Sun Microsystems et pour Solaris leur système d’exploitation, ZFS n’était pas loin de fait de représenter pour Apple le candidat idéal pour marquer une différenciation d’OS X par rapport à Windows, rendue nécessaire par la banalisation plus ou moins réussie par Microsoft avec Vista.
Nouvelle approche de la gestion de données, ZFS présente en effet l’avantage d’une gestion simplifiée pour l’utilisateur, puisqu’il n’y a plus de volumes ou de partitions ; de la sécurité puisque les informations sont stockées par défaut de façon redondante et leur intégrité en permanence réévaluée ; et d’une puissance inégalée puisque, codé sur 128 bits, ses limitations théoriques touchent à la physique quantique. L’énergie requise pour saturer un tel système serait ainsi, selon un calcul effectué par Jeff Borwick le créateur de ZFS, supérieure à celle nécessaire pour faire bouillir les océans…

Dans ZFS, le nombre maximal de fichiers dans chaque système de fichier est ainsi de de 2 puissance 48, tout comme le nombre d’images possible, disponibles instantanément. Même si Time Machine, le système de sauvegarde et de récupération des données fonctionne également avec le système actuel HFS+, on comprend immédiatement que ZFS était le substrat idéal sur lequel faire reposer Time Machine, d’autant que le nouveau système fait abstraction de la notion de volume, ou de partition.

L’évolution de la capacité de stockage du système ne se fait pas en alignant ou retirant les volumes les uns à la suite des autres comme on pourrait le faire par exemle avec des verres pour un liquide, mais plutôt comme une seule bouteille, dont la capacité évoluerait au fur et à mesure que l’on fait varier son contenu : c’est là très certainement la raison pour laquelle Spotlight sera capable avec Leopard d’effectuer des recherches à distance sur un serveur.

De même, on voit bien tout l’intérêt d’une telle souplesse pour un constructeur qui propose les serveurs RAID de stockage les plus performants du marché, qui vient de faire une entrée fracassante dans le Top-10 des serveurs (voir la dépêche du 5 juin) et qui compte bien attaquer le marché de l’entreprise – grands comptes y compris – avec un couteau entre les dents (voir la chronique du 10 août 2006). Cerise sur le gâteau, ZFS introduit un nouveau modèle de réplication des données baptisé RAID-Z, beaucoup plus efficace que ce qui existait jusqu’à présent.

LLVM, la Pierre Philosophale

Mais c’est avec un autre projet Open Source appelé lui LLVM – pour Low Level Virtual Machine – qu’Apple semble avoir trouvé l’arme absolue qui devrait lui donner la possibilité de se lancer dans toutes les aventures qui pourraient la tenter. On se souvient que c’est Rosetta, l’adaptation de la technologie développée par Transitive intégrée à Tiger, qui avait permis d’assurer en douceur la transition de la plate-forme PowerPC à la plate-forme x86 à partir de janvier 2006, après la décision d’adopter les processeurs Intel et en attendant que les programmeurs ne commencent à écrire pour le compilateur des applications estampillées Universal Binary, c’est-à-dire à même d’être exécutée par OS X indifféremment sur des Macs PowerPC ou x86 d’Intel.

Le 25 mai dernier, se tenait dans le campus d’Apple à Cupertino la réunion des développeurs LLVM, animée par des ingénieurs de chez Apple, en présence de cadors de l’envergure de Steve Naroff – un vétéran de chez Apple depuis l’aventure Next – ou Chris Lattner, une “épée”, un sabre plutôt, frais émoulu ou presque que de l’Université Urbana Champaign, dans l’Illinois et embauché par Apple sitôt son Doctorat en poche pour son travail de Master, lequel portant justement sur le projet LLVM.

A 3 semaines de la présentation de Leopard avec toutes ses fonctionnalités, ce sont pas moins de 14 ingénieurs OS X qui étaient sur la brèche pour l’occasion. Rien d’étonnant à cela : il s’agit rien moins que
d’implémenter dans les couches basses du système un jeu d’instructions apparenté au RISC, avec également un compilateur de type GCC capable à terme de fournir du code final pour des microprocesseurs aussi divers que le X86, X86-64, PowerPC 32/64, ARM, Thumb, IA-64, et l’architecture Alpha et SPARC.

Or si Rosetta a été littéralement la Pierre de Rosette d’Apple, LLVM a tout pour devenir sa véritable Pierre Philosophale, en permettant à ses développeurs d’obtenir du code C pour des machines utilisant des processeurs aussi différents que les PowerPC 32 et 64 bit – les Mac ancienne génération – la famille x86 32 et 64 bit – les Mac de nouvelle génération – ou le ARM de l’iPhone et à l’opposé le SPARC, aussi facilement que du Java mais exécuté beaucoup plus efficacement dans les couches basses de l’OS. Est-ce la raison pour laquelle Steve Jobs déclarait que ses équipes travaillaient activement à trouver un moyen de permettre aux développeurs tiers de proposer des applications pour l’iPhone, sans compromettre la stabilité du système? Toujours est-il que l’un des développeurs qui travaillent sur l’iPhone était présent à la réunion, parmi lesquels on comptait également des représentants de Google ou d’Adobe.

Des perspectives d’applications enthousiasmantes

Que des perspectives d’extension des processeurs supportés, en direction du Cell et même du MIPS que l’on peut trouver dans de nombreux produits grand-public, n’étonnera guère ; ce fut également le cas de “clang”, une nouvelle interface de compilation.

Mais il y fut aussi beaucoup question des bénéfices apportés par LLVM à la compilation à la volée d’OpenGL la bibliothèque qui gère les affichages complexes 2D et 3D, notamment dans Mac OS X. Or si l’on se souvient qu’Apple a officiellement annoncé à ses développeurs qu’à partir de Leopard l’affichage serait désormais indépendant de la résolution, on voit bien avec quelle facilité il va être désormais possible de développer une application pour Mac OS X, quel que soit l’appareil sur lequel elle devra tourner, Macintosh, iPhone… ou demain, ardoise à écran “multitouch”?

Apple est ainsi en passe de réussir là où Microsoft avait technologiquement échoué à imposer Windows, obligé de segmenter son OS en fonction des types d’appareils qui l’accueillaient. Tout au contraire, c’est pour de bon une plate-forme globale qu’Apple s’apprête à proposer aux développeurs avec OS X.

L’état de l’art de ce que doit –ou du moins devrait être :langue – un système d’exploitation client est en passe d’être radicalement redéfini par Apple pour les 10 ans à venir et ce, 10 ans tout juste après la présentation de Rhapsody. Chez les ingénieurs de chez Apple, on a bien entendu pour consigne de ne piper mot à 3 jours de la WWDC07, et la personne du staff OS X que nous avions contactée pour confirmation s’est bien entendu refusé à tout commentaire…

Le Hub numérique, c’est vous !

Question supports, c’est une véritable kyrielle d’objets ultra-communicants à la vitesse du 802.11n qui sont dans les tuyaux et qu’Apple s’apprête vraisemblablement à mettre petit à petit sur le marché, en fonction de son calendrier. Aujourd’hui Mac portable ou sédentaire et AppleTV, demain iPhone tour à tour connecté au réseau cellulaire ou au réseau domestique en mode Wi-Fi, probablement rejoint à l’automne par le véritable iPod video.

Dès lors, ce n’est plus l’ordinateur qui est le centre du Hub numérique, selon le concept lancé par Apple en janvier 2001 : c’est désormais l’utilisateur qui en est l’épicentre et vers qui convergent les contenus ou qui au contraire émet ceux-ci, en fonction de l’appareil dont il a besoin et de l’endroit où il se trouve. La borne Airport Extreme sur qui sont connectés accès internet, mais également imprimante ou périphérique de stockage en est la pierre angulaire avec sa prise USB et ses 4 ports Ethernet, tandis que le système ZFS permet à l’information d’être pervasive, et pratiquement indépendante de la source : simple comme ‘Bonjour !’

Si ThinkSecret a vu juste, la nouvelle génération d’iMac pourrait bien franchir un pas supplémentaire décisif dans cette direction (voir la chronique du 20 mars), en déplaçant à terme non plus la télévision sur l’ordinateur comme Apple s’y est toujours refusée, mais directement l’ordinateur au salon.

Avec la disparition du modèle 17 pouces et celle du Mac mini annoncées par les sites de rumeurs, il resterait si rien ne bouge une béance considérable dans la gamme proposée par Apple, là où précisément se fait une bonne part des dépenses électroniques, entre 650 et 1 100 $ ou €… C’est précisément là où devrait se nicher à la rentrée prochaine un TabletMac ou une ardoise magique à écran tactile comme on voudra l’appeler, à la fois outil de travail léger et client web riche sans-fil dont rêvent les entreprises, enseignants et étudiants, et dont Bill Gates disait lors du dernier D:5 tout le bien qu’il pensait… pendant que Steve Jobs se pinçait les lèvres…

La soirée de lundi promet d’être palpitante. Nous vous donnons rendez-vous à partir de 18h 30 pour une couverture spéciale, pleine de surprises !

Marc Geoffroy et Emilien Gauthier ont également contribué à cet article :langue