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Prospective

Apple – PA Semi (1)

Le rachat de PA Semi par Apple représente sans doute pour le californien l’équivalent dans les semi-conducteurs de celui de NeXT douze ans plus tôt… (Première partie)

Boro

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PWRficient : retenez bien ce terme, il devrait revenir souvent dans les mois qui viennent dans la communication d’Apple. Derrière ce mot-valise, ou plutôt cet acronyme déposé par PA Semi pour Palo Alto Semiconductors, se trouve résumée l’association de la puissance de calcul et de l’efficacité énergétique… Deux thèmes omniprésents chez Apple depuis plusieurs années : rien d’étonnant donc à ce que les orbites du constructeur du 1, Infinite Loop à Cupertino et du fondeur du 3965 Freedom Circle à Santa Clara – comme Intel et comme son nom ne l’indique pas, PA Semi a son siège social à Santa Clara – se croisent à plusieurs reprises avant de n’en faire plus qu’une, puisque interrogé par Forbes, Apple a reconnu tard mardi soir avoir fait l’acquisition de PA Semi.

Or si le montant de la transaction pilotée en direct par Tony Fadell et Steve Jobs, parfois au domicile de ce dernier, n’a pas été communiqué – Forbes avance le chiffre de 278 millions de dollars en numéraire – toutes proportions gardées c’est un deal un peu comparable à celui conclu par Gil Amelio à la fin 1996 que Fadell et Jobs pourrait avoir bouclé. Apple avait en effet racheté non seulement NeXTSTEP – le système d’exploitation qui allait donner naissance à OS X et tirer la société du marasme -– mais également toute la société, ainsi que l’équipe qui sous le magistère de Jobs lui avait donné naissance… Si la Pomme de 2008 n’a évidemment plus rien à voir avec la société moribonde de la fin 1996, c’est tout autant une équipe qu’une technologie qu’Apple s’est offerte avec PA Semi. Les dirigeants de la petite start-up de 150 employés sont en effet loin d’être des demi-sels, et encore moins des inconnus pour Apple…

La société

Nous en avions évoqué la possibilité à propos de Balda et de sa technologie d’intégration des écrans tactiles capacitif projetés (voir la chronique du 12 mars), c’est en définitive sur le terrain des processeurs qu’Apple aura fait le saut significatif qui consiste à racheter un fournisseur potentiel pour sécuriser ses approvisionnements. Et encore, ne s’agit-il là qu’un demi-saut, assez comparable à celui qui avait vu en 1991 Apple co-fonder le consortium PowerPC avec IBM et Motorola : PA Semi ne possède pas d’usine et se contente de concevoir ses micro-processeurs. Autre similitude, c’est également sur la technologie Power que repose la plate-forme développée par PA Semi : deux ans après avoir négocié un changement brutal de stratégie avec l’adoption de la plate-forme x86 et fait le choix d’Intel en tant que fondeur attitré, Apple renoue avec la technologie Power et avec le fournisseur de micro-processeurs qu’ il avait envisagé un moment d’adopter, devant l’impossibilité chronique d’IBM de lui proposer des PowerPC 970 susceptibles d’être embarquées dans les machines portables que commençaient à s’arracher le marché.

Outre le fait que PA Semi ne pouvait au mieux proposer la disponibilité de ses PWRficient PA6T avant le printemps 2007 au plus tôt, c’est bien la surface industrielle incertaine représentée par la start-up fondée en 2003 qui n’avait pas réussi à faire pencher la balance en sa faveur, a fortiori face au mastodonte représenté par Intel. A la décharge d’Apple qui avait pourtant poursuivi les pourparlers avec PA Semi pratiquement jusqu’à l’annonce officielle, à la grande fureur de Dan Dobberpuhl le CEO éconduit, il faut souligner que ni Motorola, ni IBM ses partenaires traditionnels n’avaient été en mesure de lui fournir – pour des raisons différentes – des puces performantes en quantités suffisantes. En optant pour pour Intel et son Core 2, Apple faisait donc le choix de la sécurité, au grand dam de ses aficionados, tout en rassurant une large frange de ses clients potentiels.

La technologie

Pourtant la technologie développée par PA Semi était sur bien des points bien plus en avance que celle d’Intel à la mi-2006, avec une efficacité énergétique assez incroyable de 5 à 13 Watts en fonction de l’activité (25 W à pleine puissance), sur une puce double cœur 64 bits à 2 GHz avec une architecture modulaire qui intègre les différents contrôleurs de mémoire et d’entrée-sortie sur un système flexible qui supporte jusqu’à 4 contrôleurs Gigabit Ethernet, 2x 10 Gigabit Ethernet et 8x PCI Express.

Basée sur l’architecture Power finalement licenciée par IBM et proposée au sein du consortium Power.org, l’équipe de PA Semi a développé ce qu’elle a baptisé un “processeur-plate-forme” qui était au début 2007 3 à 4 fois plus efficace et termes de puissance par watt que n’importe qu’elle solution gravée à 65 nm équivalente en termes de périphériques. Associés aux 2 processeurs 2 GHz du PA6T-1682M – chacun avec sa propre unité de calcul VMX (AltiVec), de virgule flottante et dual integer unit – on trouve 2 Mo de cache L2 et 2 contrôleurs de mémoire DDR2 capables d’adapter la consommation électrique de la RAM, mais également des moteurs hardware d’accélération TCP/IP, de chiffrement (SSL ou IPSec) ou de stockage (jusqu’au RAID 5). Baptisé Envoi, le système d’entrées-sorties intelligent gère 24 SERDES configurables et met en œuvre un système interopérable entre les différents ports, la mémoire et le DMA qui mutualise les connexions et permet des économies d’énergie.

La plate-forme développée par Palo Alto Semi pour le PWficient, à partir de celle du StrongARM, repose en effet sur une architecture modulaire qui non seulement peut évoluer potentiellement de 1 à 8, voire 16 cœurs dans un premier temps, mais qui intègre sur le System on Chip le contrôleur-mémoire – le northbridge – et les différents ports de communication et leurs modules d’accélération – le southbridge – avec une économie de moyens encore inégalée jusqu’ici. Si le northbridge est déjà fréquemment intégré aux différents SoC depuis plusieurs année, PA Semi a réussi à faire tomber la consommation de la DRAM à 5 watts par rang de mémoire active et jusqu’à 1 watt lorsqu’elle est au repos, grâce à la gestion de l’alimentation par le contrôleur de la RAM, alors que celle-ci représente précisément l’un des principaux postes de consommation et de dissipation thermique dans les systèmes électroniques.

Autre innovation, le système d’interconnexion transversale baptisé Connexium, qui permet une communication directe entre les 2 Mo de cache L2 partagée, les contrôleurs de mémoire DDR2 et les deux cœurs du PA6T-1682M, mais également avec tous les éléments du système et notamment ceux du système intelligent d’entrée-sortie. “Par bien des aspects, ça ressemble à un serveur sur une puce” avait commenté un spécialiste du secteur lors de la présentation du projet en octobre 2005 : rien d’étonnant à ce que le 10 janvier dernier, la petite merveille de PA Semi ait précisément été choisie par NEC pour ses systèmes de stockage…

L’équipe

Les équipes à l’origine de la plate-forme PWRficient sont loin d’être les premiers venus, puisque ses membres sont à des degrés divers – et souvent à des postes-clés – à l’origine du développement à peu près tout ce qui a compté comme architecture processeur ces dernières années, x86-64, Opteron, Itanium, ultraSPARC… à l’exception notable du PowerPC !

Le RISC sur lequel le PWRficient est basé n’est pas non plus un inconnu puisque Dan Dobberpuhl, le CEO de PA Semi et co-fondateur de la société, est le papa de la famille StrongARM sur laquelle repose la plate-forme actuelle, mais il est également celui de la famille SiByte le premier System on Chip (SoC) multi cœur intégré, après avoir officié pendant plus de 20 ans chez Digital Equipment Corporation où il a notamment dirigé le développement de l’architecture de l’Alpha system. Comme si cela ne suffisait pas, Dan a également occupé le poste de vice-président et de manager général de la Broadband Processor Division de Broadcom Corpation – celui-là même qui fournit Apple notamment pour l’iPhone (voir la dépêche du 10 février 2007) – après le rachat de SiByte par Broadcom en 2000. Nul besoin dès lors de souligner que le CV du bonhomme était intéressant pour Apple à plus d’un titre… dans le cénacle des électroniciens de la Silicon Valley, c’est tout juste si on enlève pas son chapeau lorsque son nom est prononcé au cours de la conversation… :langue

Et ce n’est pas tout : parmi les co-fondateurs de PA Semi et les anciens de chez Intel ou AMD, on va trouver Puneet Kumar l’architecte logiciel du PJB-100 – le premier baladeur mp3 de l’histoire – mais également Mark Hayter, qui fut lui l’ingénieur matériel principal sur le développement du même PJB-100… et également le chef de projet du Virtual Book en 1998 chez DEC, c’es-à-dire le premier essai de livre électronique et de Tablet PC… Rien d’étonnant dès lors à ce que ce soit Tony Fadell, désormais patron de la division iPod, qui ait géré le dossier de rachat directement avec Jobs…

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