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Prospective

Plans : nécessité fait loi

iShen

Publié le

 

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C’est un fait acquis : Plans serait le pire logiciel de géo-localisation du monde, et les énormités qui sortent de certaines cartes aussi rafistolées qu’un costume d’Arlequin illustreraient à la perfection le dédain d’Apple pour ses utilisateurs, la firme ayant donc eu pour seul objectif de couper les ponts avec le service de Google.

Les utilisateurs oubliés, l’image de perfection d’Apple atteinte, et Steve Jobs serait donc mort une seconde fois.

Sauf qu’Apple ne pouvait sans doute pas faire autrement, et que la question du respect des utilisateurs ne rentre pas en compte dans cette équation. Pas au début du calcul de l’équation en tout cas.

La volonté d’Apple de produire son propre système complet de géo-localisation n’est pas nouvelle : les achats de jeunes pousses talentueuses dans ce domaine, de Placebase à C3 Technology, ont tout de suite été vues comme une confirmation de cet objectif.

Apple semblait être pressé. Trop sans doute; mais pourquoi ?

Deux raisonnements essentiels, de natures stratégiques, et touchant la pérennité même des solutions de la marque, ont bouleversé la donne et poussé le californien à renverser la table sans tarder :

1- Une stratégie défensive vis à vis de Google.

En rentrant dans le monde des OS mobiles, et principalement pour attaquer iOS sur son terrain, Google a cessé de n’être qu’un pourvoyeur de services en ligne. Il est de facto devenu un concurrent direct d’Apple ou de Microsoft et plus seulement un partenaire.

Dans ce contexte, le risque réel pour Apple, en continuant de s’appuyer sur les compétences de Google pour son logiciel cartographique, était bien de se faire vampiriser ses utilisateurs à terme, à la seule faveur d’Android.

Plus le temps passait, plus les utilisateurs devenaient tributaires de la solution de Google, et plus ceux-ci pouvaient en plus facilement remarquer les manques de Maps iOS par rapport à Google Maps : pas d’affichage vectoriel, pas de GPS «turn-by turn», pas de mode Street View amélioré (intérieur de certains bâtiments).

La carte était précise mais c’était bien tout.

Rendre ses propres utilisateurs prisonniers du service d’un autre, sous la tentation du service «enhanced» de l’OS concurrent, et sous la menace perpétuelle d’un retrait de Google de la plateforme iOS, voilà tout ce qu’Apple ne pouvait accepter. Et c’est justement parce que Plans est stratégique pour l’avenir du californien que celui-ci a donc décidé de rompre les ponts, et non pas à cause d’une quelconque déclaration de “guerre thermonucléaire” qui aurait été suivie à la lettre après le décès de Steve Jobs. Point de pathos ici.

2- La géo-localisation est la base des services du futur.

L’endroit où l’on est, notre position dans le monde, sont des données aujourd’hui contextualisées par nos smartphones. A partir de ce point central, (et qui mine de rien représente déjà une part de notre identité numérique), peuvent se démultiplier une quantité insoupçonnée de services, comme ceux basés par exemple sur la réalité augmentée, et qui demain définiront tout un champ de l’innovation à venir sur smartphone. En fait, il y a de grandes chances qu’au niveau logiciel les plus grosses avancées à venir partent de là. Comment peut-on imaginer deux secondes qu’Apple puisse laisser à d’autres le choix de son futur numérique ? C’était tout bonnement impensable.

Apple ne pouvait plus attendre, son retard était sans doute trop grand et la seule solution a donc été d’accélérer, jusqu’au point de rupture.

Aurait-il fait différemment que demain, c’est tout l’édifice logiciel, l’éco-système, qui aurait été atteint par la bande, les capacités d’innovation (et de monétisation future) anéanties dans un secteur clef.

N’y a t-il pas plus grand respect de ses utilisateurs que de leur assurer la pérennité d’un système mobile qu’ils apprécient, plutôt que de donner les clefs du royaume à un concurrent ?

Ce destin qu’Apple peut maintenant assumer seul, a donc eu un prix à payer, celui d’un manque de finition ici indigne de l’image haut de marque de l’entreprise. Mais les réactions indignées de certains utilisateurs demandant à grands cris le retour de la solution de Google, démontrent par elles-même la déjà trop grande dépendance d’Apple vis à vis de son principal concurrent. C’est aussi sur ce genre de sacrifices, une coutume chez Apple (passage de Motorola à Intel pour les puces des Mac, ou de OS 9 à un OS X Unix) que l’on peut planifier à sa main son propre avenir.

Et Apple a bien choisi le moment. Prendre le risque en haut de la courbe (AAPL record, ventes jamais vues), plutôt qu’au creux de la vague. Et fait sans doute aussi un pari un peu cynique : que les urbains, qui sont aussi les plus gros acheteurs d’iPhone, utiliseront principalement le mode GPS “étapes par étapes” (le grand succès de ces GPS dans l’AppStore montre bien le niveau de la demande), sans donc jamais afficher, ou presque, ces vilaines images satellites non-unifiées et peu précises.

La consolidation de l’avenir se fait aussi sur ce genre de petits calculs.