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Steve Jobs, 3 ans et de drôles de vautours…

Boro

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Personnalité pour le moins controversée de son vivant – que n’a-t-on pas dit sur son caractère impossible et même sur de supposées tendances sociopathiques – Steve, dont on commémore aujourd’hui le 3e anniversaire de la disparition est-il en train de devenir un saint technologique, sorte de Che Guevara pour une « nerd attitude » de pacotille, d’autant plus égotique et frelatée qu’elle prétend syncrétiser fascination pour la technique, consumérisme effréné et respect de l’environnement ? Dans bien des cas, on n’est sans doute pas si loin de l’imposture des « courageux » qui, dans les années 70, osaient critiquer Pinochet à plus de 10 000 km de Santiago du Chili selon le mot de Pierre Desproges, autre récupéré célèbre, qui doit certainement lui aussi en avoir assez de faire la toupie sous son carré de jardin du Père-Lachaise…

Car, d’interview en hommage et de « bio pic » en biographie, à parler avec plus ou moins de sincérité ou de cuistrerie de Steve Jobs ou de Steve Jobs et de soi, c’est avant tout de soi dont on parle. Les multiples facettes, et sans doute autant de contradictions de la personnalité de Steve, y sont sans doute pour beaucoup mais, 3 ans après son décès, le « merchandising » autour de sa mémoire ne s’est jamais aussi bien porté. À partir de 2005, la réussite insolente de l’iPod et de l’iTunes Music Store, suivie de peu par la renaissance du Mac et le lancement de l’iPhone, avaient certes singulièrement redoré le blason, et même nimbé d’une auréole, l’ancien fils prodigue de la Silicon Valley…

Mais si à présent chacun réclame un peu de son héritage spirituel ou de son amitié, comme jadis un bout de phalange d’un anachorète quelconque ou un morceau de la vraie Croix pour s’en faire une rente, c’est également parce que le cofondateur d’Apple aura su mettre entre les mains de la multitude des produits à son image, mobilisant des affects aussi complexes et contradictoires, entre envie et détestation, que ceux que pouvait susciter sa propre personnalité. Quitte à déplacer ces projections sur son successeur, longtemps présumé incapable de lui succéder efficacement de la même manière que lui-même avait pu faire l’objet d’un procès en incompétence informatique, en comparaison de Steve Wozniak l’autre « bon » Steve d’Apple…

À ce petit jeu du clivage, le dernier n’est sans doute pas Éric Schmidt l’ancien CEO de Google, et par ailleurs ancien membre du conseil d’administration d’Apple, lourdé du board de la firme à la pomme avec pertes et fracas pour cause de coup de poignard dans le dos. La « guerre thermonucléaire » promise à Google par un Steve dans ses derniers moments, ou presque ? C’était à cause de lui. Sauf à garder constamment à l’esprit l’aphorisme fameux de Michel Audiard, autre récupéré célèbre, (non ce n’est pas « une brute qui marche ira toujours plus loin que 2 intellectuels assis »), on pourrait s’étonner d’avoir entendu le responsable exécutif de Google, en pleine tournée de promo pour son bouquin – alibi, asséner coup sur coup 2 énormités.

Tout d’abord, que « Google a toujours été le leader en matière de sécurité et de cryptage des données », et que Tim Cook qui avait souligné au passage qu’Apple ne faisait pas commerce des données personnelles « n’avait pas du être informé correctement de la politique de Google en la matière. C’est dommage pour lui »… Sous-entendu : « Tim Cook est sûrement trop demeuré pour faire tout seul une analyse des forces et faiblesses de son principal concurrent ».

Ensuite, interrogé sur la personnalité qu’il pourrait considérer comme un héros – que celle-ci appartienne ou non à l’industrie informatique, Schmidt répond d’une voix égale, comme s’il venait d’avaler un moine bouddhiste et sa robe safran : « pour moi c’est facile. Steve Jobs. Nous pourrions tous aspirer à être ne serait-ce qu’un petit pourcentage de Steve », devant un parterre de 400 personnes réunies par le Commonwealth Club of Silicon Valley

Schmidt et Jobs se connaissaient certes depuis de longues années, et avaient même noué des relations d’amitié alors que Schmidt travaillait chez Sun Microsystems, et que Steve tentait de poursuivre l’aventure NeXT, en 1993 : parvenu à la tête Google, Éric Schmidt avait été en 2006 invité à siéger au conseil d’administration d’Apple, avant d’être éjecté en 2009 dans les circonstances que l’on sait. Or, si parmi toutes les facettes de la personnalité de Steve, figure dans le petit pourcentage choisi par Éric Schmidt le célèbre « chutzpah » de Jobs – son mélange indéfinissable de toupet et d’inébranlable aplomb – à défaut de sa créativité, une chose est sûre : tant qu’à faire son marché parmi les initiatives d’Apple et les qualités de son co-fondateur, il reste à Schmidt beaucoup, beaucoup de travail à accomplir en ce qui concerne le non moins fameux « champ de distorsion de la réalité » de son modèle : n’est décidément pas Steve Jobs qui veut…

CNet