Suivez-nous

Prospective

Apple : quels enjeux pour 2020 ?

Quels enjeux pour quels usages, pour l’aficionado de 2020… et pour M. ou Mme tout-le-monde ?

Boro

Publié le

 

Par

server_hero_20091020-3.jpg

Pendant que la petite planète techno a les yeux fixés sur San Francisco et le Centre artistique de Yerba Buena où Steve Jobs dévoilera mercredi 27 le prochain volet de sa stratégie, Mac Plus vous propose d’anticiper – ou du moins d’essayer – ce que pourront être les lignes directrices de cette stratégie pour les 10 prochaines années.

Pour cela, il n’est pas inutile de se pencher d’abord sur le précédent cycle de 10 ans qui a vu Apple, donnée moribonde en 1998 – souvenez-vous: «Rendez l’argent aux actionnaires « – , devenir la référence et changer la nature même des nouveaux marchés où elle prenait pied. Celui de la téléphonie et surtout de la musique ne sont ainsi plus les mêmes depuis qu’Apple y a débarqué. A chaque fois, une seule ligne directrice : faire disparaître l’ordinateur et l’informatique derrière les usages du quotidien, après avoir changé la nature même de ceux-ci en ouvrant aux utilisateurs un monde nouveau de possibilités grâce à son logiciel système.

Embarquons dans Time Machine…

Depuis 1999, Apple a ainsi largement ouvert la voie aux usages sans-fil d’abord en généralisant avec Airport le Wi-Fi sur ses matériels, puis en démocratisant ceux-ci à partir des téléphones mobiles : l’usage de l’internet en situation de mobilité n’est plus, depuis l’introduction de l’iPhone, la consultation des mails par des cadres pressés sur leur BlackBerry mais bien le surf ou la collecte d’informations au sens large par M. ou Mme tout-le-monde, bien moins d’ailleurs en situation professionnelle avec des adaptations d’applications «métiers» que durant leur temps de loisirs.

Dans un même temps, Apple a su unifier les diverses facettes de la création personnelle et des loisirs numériques dans un concept unique baptisé iLife : après certes quelques tâtonnements, la création et la consultation de contenus numériques «en ligne» et «hors-ligne» comme la musique, la photo ou la vidéo ont profondément changé. Après la musique avec l’iPod, puis la téléphonie avec l’iPhone, c’est le secteur du jeu qui est en train de changer de nature et de modèle économique du fait de l’iPod touch.

A chaque fois, c’est la plasticité et la solidité de Mac OS X, alors même qu’il était lui-même en pleine évolution, qui a permis à Apple d’adapter celui-ci sur pas moins de six plate-formes processeurs – PowerPC G3, G4, G5, ARM, Intel Core Duo, en attendant PWRficient ? – et au bas mot, trois types d’interfaces utilisateurs – souris, molette de l’iPod, tactile multi-touch – en se concentrant à chaque fois sur ce qu’elle sait faire de mieux : centrer sa réflexion sur l’utilisateur et la façon dont il utilise les objets qu’il a dans les mains, et non sur la technologie ou les fonctionnalités. C’est sur ce socle – à présent arrivé à maturité avec OS X 10.6 épuré et bientôt iPhone OS 4.0 multi-tâches (?) – qu’Apple a entrepris de se refonder autour d’un nouveau type de device.

Vers la disparition de l’ordinateur ?

Insensiblement, et d’abord grâce à l’iPod, puis à l’iPhone, Apple est enfin devenue une marque grand-public, ce qu’elle avait toujours échoué à devenir en se cantonnant à ses seuls ordinateurs, et ce malgré les succès d’estime qu’ont pu représenter, avant le début de la 2e ère de Jobs, la console de jeu Pippin ou l’organiseur Newton, qui ont éclairé la voie aux Nintendo, Sony et autres Palm…

Steve Jobs l’a rappelé aux distraits dans le communiqué de presse qui rendait compte des résultats de sa société pour le dernier trimestre écoulé, le premier de son année fiscale : Apple n’est plus une société de 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuels, comme Fred Anderson s’en montrait si fier à juste titre au printemps 2004, mais bel et bien un géant de plus de 50 milliards. Cela change tout, notamment en termes d’approvisionnement comme les concurrents d’Apple ont déjà pu s’en rendre compte, et il ne faudra sans doute guère de trimestres avant qu’Apple ne franchisse la barre symbolique des 100 milliards.

Pour cela, elle va s’appuyer sur des objets du quotidien, non seulement de plus en plus intelligents et de plus en plus communicants comme cela a déjà été dit parfois, mais surtout à l’intelligence de plus en plus distribuée, à la manière de ce qu’iTunes 9 permet déjà. Et ça commence pas plus tard que demain.

La tablette

Qu’on la baptise iPad en référence à l’iPod, iSlate vis-à-vis du secteur de l’Éducation en direction duquel elle est tournée (au moins autant que le Macintosh de 1984 dont elle est la refondation), ou tout simplement Palette tant elle est potentiellement porteuse de créativité, la tablette qui sera dévoilée demain par Jobs récapitule à elle seule toute l’histoire d’Apple.

Elle est ainsi à la fois retour aux sources du Macintosh 128 et à son histoire originelle avec le secteur de l’impression, en proposant une porte de sortie au monde du livre et de la presse, en pleine crise de dématérialisation, comme en son temps l’iPod avec le Music Store aux industriels du phonogramme. Comme l’iPod ou l’iPhone, elle devrait être également support de contenus «riches», davantage encore que multimédias, en même temps que support de réflexion et de création… sans oublier d’être ludique !—–

Créative, elle sait aussi l’être par son modèle économique, qui rappelle à la fois celui de l’iPod et de l’iPhone : le rachat de Lala.com lui permet à la fois de proposer de conserver ses contenus dans le «nuage» de MobileMe, en même temps que des abonnements à des périodiques, de la même manière que les films sont aujourd’hui loués, tandis que les livres pourront être achetés, à la manière de la musique. Une subvention du modèle 3G, et l’intégration du moteur de publicité de Quattro Wireless pourraient également être une avancée significative dans le partage de la charge financière entre utilisateurs, éditeurs de presse et développeurs…

Enfin, cerise sur le gâteau, le succès de la tablette by Cupertino pourrait aussi représenter une revanche de gourmet pour Steve, au regard du premier véritable échec qu’a pu représenter en son temps le Tablet PC pour Microsoft, que Bill Gates annonçait comme le remplaçant de l’ordinateur portable à l’horizon 2010, alors même que Redmond tentait de barrer à Apple l’accès à l’univers du jeu. Le téléphone intelligent, annonçait Bill Gates en 2004 au commencement de la déferlante iPod, devait remiser ce dernier au placard et replacer Microsoft au centre du jeu : l’iPhone était venu perturber quelque peu cet avenir radieux… Dur métier que celui de prévisionniste ? :langue

L’Apple TV

Alors même que la tablette sera capable d’afficher des contenus télévisuels beaucoup plus confortablement que sur l’iPhone, on peut parier que c’est l’Apple TV qui figurera parmi les tous premiers chantiers prioritaires de Steve Jobs, sitôt les feux de la rampe éteints.

Apple a beau avoir appris à ne pas se précipiter, comme on a pu le voir avec la tablette, la convergence des écrans vers celui du téléviseur du salon est la prochaine en date comme le montre le frémissement autour des téléviseurs à capacité IP… et ce, alors même que la convergence vers celui du téléphone portable n’est pas encore achevée. LG et Panasonic ont ainsi annoncé un partenariat avec Skype, portant sur l’intégration du logiciel de téléconférence à leurs modèles dotés d’une webcam.

Outre un nouveau point de convergence pour la famille, un téléviseur Apple reposant sur OS X serait également une plate-forme ludique complémentaire de l’iPhone et de l’iPod touch, à l’écran cette fois beaucoup plus confortable.

Un serveur domestique ?

Le serveur domestique de contenus que prévoient depuis 2004 les brevets déposés par Apple, et que Microsoft a jusqu’ici échoué à présenter de façon convaincante, devra-t-il prendre une forme centralisée, à la manière du Mac mini Server, ou les contenus de la maison pourront-ils être stockés et accessibles de façon décentralisée comme c’est d’ores et déjà le cas, quitte à laisser l’ensemble des appareils de la maison allumés ? Tout dépendra sans doute de la capacité de l’équipe de PA Semi de développer des puces à la fois suffisamment puissantes, et suffisamment économes en veille…

Pour quels enjeux ?

Pour véritablement mener à bien cette nouvelle révolution des usages, il faudra à Apple une nouvelle infrastructure matérielle pour servir de substrat à son nuage logiciel, en même temps qu’une nouvelle architecture logicielle, qu’il s’agisse d’ailleurs des applicatifs ou du système d’exploitation.

Celle-ci a d’ailleurs déjà commencé, avec Snow Leopard : Grand Central sait tirer parti des ressources processeur qui sont à sa portée, tandis que Open CL sait mettre à contribution les capacicités de calcul de plus en plus importantes des les cartes graphiques. Il ne manque plus à OS X que la capacité à travailler nativement en 64 bit dans sa version client, avec un système de fichiers véritablement performant qui reste encore à développer, à présent que l’abandon de ZFS semble consommé. OS X pourra-t-il être vaporisé – sublimé en passant de l’état solide à l’état gazeux – dans le nuage, à la manière de ce qui s’annonce pour iWork ou iLife ?

Enfin, reste posée la question de l’interface, vocale et naturelle. Pourrons nous un jour nous engueuler de vive voix avec notre réfrigérateur de marque Apple, au prétexte que celui-ci aurait oublié de prévoir des courses malgré l’avertissement des puces RFID nichées dans les produits ? Là aussi, on se souvient qu’il s’agissait de l’une des grandes intuitions de Bill Gates. Steve Ballmer sera-t-il davantage capable de la réaliser ? Poser la question, c’est déjà y répondre, même si cette réponse ne sera définitive que d’ici quelques années.

L’ordinateur tel que nous le connaissons a malgré tout encore de beaux jours devant lui, ne serait-ce que pour les créateurs et les producteurs de contenus, au sens large. Mais une fois posée leur casquette, la tablette qui sera présentée demain aura t-elle la prévalence qui est celle de l’iPod aujourd’hui, et de l’iPhone demain, ou aura t-elle déjà commencé d’être remplacée par la multiplicité des écrans sur les objets intelligents à l’intérieur de la maison, et à l’extérieur, par des lunettes à réalité augmentée ?