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Justice

Apple vs Samsung, compte-rendu d’audience #3

Boro

Publié le

 

Par

Jour 3

Résumé des épisodes précédents :

Maple, jeune créateur très en vue, est en procès avec Sam, une import-export très douée d’origine étrangère avec qui il a eu une brève histoire. mais qui n’a pas tardé à copier ses créations et lui faire concurrence, en fricotant par-dessus le marché avec Gogol un jeune publicitaire d’origine russe et ancien meilleur ami de Mapple, qui lui aussi avait cherché à copier ses créations pour arrondir ses fins de mois.

Le procès a commencé et Couine, l’avocat de Sam, s’est fait repérer dès le départ par la juge en lui demandant 10 fois avec sa voix de fausset des choses qu’elle avait déjà refusées l’instant d’avant. Il faut dire que Steve, l’un des deux papas de Maple, récemment décédé (oui : Maple a deux papas, on est à San Francisco), est redescendu sur terre sous forme d’ange gardien, pour aider Maple à s’en sortir : depuis le début, c’est lui qui souffle à l’oreille de Couine les mauvaises décisions (oui : vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi vous aviez pris un jour telle ou telle décision inspirée, ou au contraire pourquoi vous aligniez les conneries si par hasard vous aviez décidé de faire quelque chose de pas joli joli ? C’est votre ange gardien qui vous donnait un coup de main, ou qui avait décidé de vous donner une leçon).

Bref, Steve s’est surpassé, et couine n’a rien trouvé de mieux à faire que de non seulement communiquer aux journalistes des trucs que la juge avait dit qu’ils ne compteraient pas, mais en plus de narguer la juge en clamant que c’était son droit… avant de demander à ce que comptent des trucs que au départ, il avait demandé que ça compte pas. Mais comme l’avocat de Maple avait dit que du coup c’était lui qui avait gagné, la juge a fini par leur dire à tous les deux que ça commençait à bien faire et…Aaaarrrh… Arrière, Roberts et Garrigos, sortez de ce corps…

Reprenons…

Le contexte et les enjeux de cette affaire sont exposés ici

Le premier compte rendu d’audience se trouve là

Le deuxième compte rendu d’audience se trouve ici

Le troisième compte rendu d’audience, lui se trouve là

Résumé des épisodes précédents :

Ce début d’audience est assez technique, avec des avocats cherchant à marquer des points contre la partie adverse avant le début réel des débats, un peu comme pour une épreuve de cyclisme sur piste, où chacun s’observe avant de se lancer… et à ce jeu là, John Quinn l’avocat principal de Samsung semble bien parti pour tricher comme un Anglais aux jeux olympiques.

Il est en effet impossible que le type qui sort de Harvard soit mauvais à ce point : non content d’avoir passablement irrité la juge en la harcelant d’accepter des pièces à convictions exclues de la procédure, il l’a littéralement faite sortir de ses gonds lorsqu’elle a appris que quelqu’un chez Samsung a communiqué à la presse ces mêmes éléments (un certain nombre de croquis) à la presse.

Dans la foulée, Apple en a profité pour présenter une motion visant a écourter le procès, en déclarant Samsung coupable et que soient exclus des documents recevables, un certain nombre de pièces ajoutées au dernier moment par Samsung, que d’autres demeurent confidentielles et communiquées seulement aux jurés, notamment certains chiffres de vente de l’iPhone de l’iPad.

Jour 3

Apple a en effet réussi à tenir hors de portée des curieux un certain nombre de données confidentielles, en ce qui concerne, non seulement les chiffres de vente de ses différents appareils mobiles, mais également le code source de iOS. La compétition ne se résume pas en effet à celle qui oppose Apple à Samsung Electronics, le constructeur : sur le plan logiciel, Apple doit non seulement faire face à Google Android et ses 13 desserts, ou presque, mais de plus Microsoft est à présent en train de sortir du bois… tandis que Samsung Electronics, toujours lui, est en train de faire grossir en toute discrétion la pelote de Bada, son propre OS mobile destiné à se débarrasser un jour d’Android. La firme à la pomme et ses avocats ont également réussi à empêcher que soient utilisés des éléments présentés à la dernière minute, face à Phil Schiller le vice-président marketing d’Apple, qui déposait vendredi matin, avant Scott Forstall.

Enfin, Samsung et ses avocats n’ont donc pas eu l’autorisation d’utiliser une séquence de « 2001, odyssée de l’espace», dans lequel on voit l’équipage d’un vaisseau spatial utiliser des tablettes, pas plus qu’un certain nombre d’autres extraits de séries télévisées, pour chercher à prouver qu’Apple n’avait pas inventé le concept de tablette. Autant d’ailleurs aller chercher des extraits de la première série Star Trek, datant des années 50, pour prouver que Samsung n’a pas non plus inventé le concept de téléphonie cellulaire…

Or, pour intéressantes et très attendues qu’elles soient, les interventions de Phil Schiller et de Scott Forstall n’ont pas amené grand chose de nouveau même si elles ont confirmé un certain nombre d’éléments déjà livrés au cours des années, au fil des diverses interventions des dirigeants d’Apple, ou qu’une observation attentive et l’analyse avaient pu permettre de dégager. Phil a ainsi confirmé que c’était l’analyse des faiblesses des différent Smartphones, alors que les équipes travaillaient déjà sur la tablette depuis de longues années, qui avait décidé Apple à se lancer sur ce marché particulier, en lui adaptant des technologies de l’écran multitouch, déjà envisagées pour le futur iPad.

Il a également souligné le risque que cela pouvait représenter, en termes d’image, et le scepticisme de certains acteurs comme Microsoft, qui avait d’abord accueilli la présentation de l’iPhone, parallèlement à l’accueil enthousiaste qu’il avait également reçu de la part du public et de la plupart des observateurs. Il a également parlé du « facteur de convoitise », technique propre a Apple pour faire monter l’attente vis-à-vis du produit, et qui avait été particulièrement choyé en ce qui concerne l’iPhone ( lire Phil Schiller : le facteur de convoitise). De même, il est revenu sur la centration particulière d’Apple vis-à-vis de ses produits lorsqu’elle entreprend de communiquer évoquant le concept du « produit en tant que héros » (lire : [Phil Schiller : le produit, c’est le héros]->67687), avec des courbes de dépenses en publicité qui montrent que la priorité est désormais donnée à iPad.

Mais Phil Schiller a surtout eu l’occasion d’insister sur la surprise qui avait été la sienne, ainsi que celle de toute l’équipe, lorsqu’ils s’étaient aperçus que Samsung avait entrepris de copier l’ensemble de leur ligne de produits… il a ainsi insisté sur les dommages que ce type de concurrence pouvait entretenir, en brouillant les cartes dans l’esprit des clients et en faisant grossir l’écosystème du plagiaire.

C’est également sur ce point que Forstall a essayé d’enfoncer le clou, alors qu’il était auparavant revenu sur le secret qui avait entouré le développement du premier iPhone OS, contraint par Steve de recruter seulement à l’intérieur de la société afin de ne donner aucun indice à la concurrence de ce qui se mijotait.

Outre le secret, il a également insisté sur la difficulté que certains éléments de l’interface utilisateur avaient pu représenter, comme par exemple le double tap, mais également le risque très important pris avec cette décision de se lancer dans la téléphonie mobile, puis sur le marché de la tablette, en déstabilisant la société tout entière par la mobilisation de ressources humaines également consacrées à d’autres projets. Déjà perceptible en 2007 (Lire Du « juste à temps » au « pas fini ? »), cette désynchronisation des cycles de développement qui a en est la conséquence continue de se faire sentir aujourd’hui (Lire Apple à la recherche d’un second souffle).

On aurait pu croire qu’il sortirait du croustillant et du déballage dans ce procès, chaque camp essayant de faire avouer à l’autre les petits secrets de sa cuisine interne, et à ce petit jeu on pourrait croire que c’est d’ailleurs Samsung qui a le plus gagné. D’une part, ou du moins pour l’instant, Apple s’est débrouillé pour que ne « sortent » vraiment que des éléments déjà accessibles à l’observation ou à l’analyse comme on a pu le voir, et qui ne surprendront donc pas grand monde… ou tout du moins pas les lecteurs réguliers de MacPlus.

Mais surtout, en ce début de procès, Apple est en passe de gagner la bataille de l’image tandis que la position de Samsung est en train d’apparaître au grand jour pour ce qu’elle est : une tactique de retardement mise en place par un plagiaire qui n’a en définitive pas apporté grand-chose de neuf sur ce marché où il est entré après-coup… Et qui utilise qui plus est, des méthodes de mauvais joueur.

Un retournement d’audience reste toujours possible, mais les maladresses successives des avocats de Samsung – imaginez qu’ils se sont eux-mêmes emmêlés les pinceaux, et à deux reprises, dans leurs propres modèles lorsqu’ils les ont présentés à Phil Schiller, puis Scott Forstall, lors du contre-interrogatoire qui devait faire la démonstration que les téléphones de Samsung ne pouvait être confondus avec l’iPhone ! –ne sont que le témoignage de leurs difficultés dans un dossier mal préparé, qui semble d’ores et déjà perdu d’avance, du moins en première instance. Il est ainsi pas exclu que les incidents d’audience qui se sont multipliés n’aient été là que pour préparer un futur procès en appel, comme le relevait Ina Fried…

Il n’en demeure pas moins que les « Conseils » de Samsung semblent vraiment, vraiment à la peine : Scott Forstall s’est ainsi vu présenter un email de Eddie Cue (lire Steve convaincu par l’iPad 7“ ? , daté de janvier 2011, accréditant la préparation d’un iPad au format sept pouces : Apple avait-elle vraiment besoin de Samsung pour alimenter le buzz à ce propos, tout juste un mois avant la date de présentation prévue’ ?