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Justice

Apple vs Samsung : compte-rendu d’audience

Boro

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Ce qu’il est convenu d’appeler le procès de San Diego a donc débuté lundi, et vise à déterminer si oui ou non Samsung a enfreint les brevets de design de l’iPhone, et s’est approprié un certain nombre des gestes de son interface tactile. A la clé, une demande d’indemnisation de 2,53 milliards de dollars réclamée par Apple, assortie d’une demande d’interdiction des appareils incriminés.

Les deux protagonistes se connaissant fort bien, pour la bonne raison que Samsung a jusqu’à ces derniers mois été le principal fournisseur d’Apple en matière de composants électroniques, et qu’inversement Apple était le principal client extérieur de la division composants de Samsung Electronics, il est fort à craindre que le déroulement du procès à venir soit l’occasion de déballages pas toujours très ragoûtants, et ressemble plutôt a une audience de divorce conflictuel. Nous essaierons d’en faire ici la chronique régulière à nos lecteurs, de façon rigoureuse, mais également aussi distrayante que possible.

Prologue

Lundi 30 juillet 2012

Nous évoquions les compétentes particulières de l’Honorable Juge Lucy Haeran Koh en matière de litiges de brevets et de propriété intellectuelle, grâce à son passage à la Cour d’Appel du Comté de Santa Clara, après avoir passé deux ans dans un cabinet d’avocats de la Sillicon Valley précisément spécialisé dans ce type de litige (lire «Apple vs Samsung : un procès pour quoi faire ?»).

Or la domiciliation du litige dans la juridiction de la Sillicon Valley a également eu des effets sur la composition potentielle du jury tiré au sort parmi les listes électorales du Comté, où réside on s’en doute une forte proportion de salariés ou de consultants des sociétés du secteur IT.

Les jurés convoqués puis tirés au sort ont ainsi été soumis à un feu roulant de questions par les avocats des deux parties, afin de prévenir tout conflit d’intérêt et de garantir leur parfaite neutralité préalable vis-à-vis de leurs clients. Or, bonne pioche, AppleInsider rapporte que deux personnes ont ainsi été récusées, dont un travaillant pour Apple et l’autre pour Google… contre lequel Apple a également esté en justice pour des motifs similaires, et qui fournit avec Android son système d’exploitation aux différents membres de la famille Galaxy.

La juge Koh y est également allée de son propre questionnaire, poussant les jurés dans leurs derniers retranchements : elle a ainsi demandé s’ils connaissaient des employés de Samsung ou d’Apple, lu des livres à leur propos ou détenu des actions, ou avaient une opinion préalable à propos de ce litige qui a tout de même reçu une couverture médiatique assez large de la part des médias de masse. Quant au fait de posséder ou non un produit Apple, il a bien entendu également fait l’objet d’investigations.

Malgré la large diffusion des produits des deux marques dans l’ensemble de la population, 7 hommes et 3 femmes ont en définitive été sélectionnés pour siéger dans un procès qui devrait durer jusqu’aux environs du 20 août.

En ouverture de l’audience, les avocats de Samsung avaient souhaité inclure parmi les éléments examinés un certain nombre d’esquisses préalables réalisées par l’équipe de designers d’Apple, et qui faisaient référence à une approche Sony du design du téléphone mobile, pour essayer de prouver que le design de l’iPhone n’était pas à purement parler une création originale. De même, les avocats du Coréen ont essayé d’exclure toute référence à Steve Jobs dans la présentation d’Apple, de crainte que le procès ne devienne « un concours de popularité » : ils ont subi un premier revers, les deux demandes ont été repoussées par la juge Lucy Kho

AppleInsider

Episode #1

Mardi 31 juillet 2012

La journée commence mal : prise d’angoisse à l’idée de ne pas être payée pendant la durée des débats, une jurée demande à être relevée de ses obligations. Le procès se se poursuivra avec seulement 9 jurés au lieu de 10, plutôt que de renouer avec les difficultés de la veille.

Les avocats d’Apple et de Samsung ont exposé tour à tour leurs positions, les conseils d’Apple dépeignant Samsung à l’envi comme un voleur d’esthétique, plus prompt à copier par-dessus l’épaule de ses concurrents que de travailler à la Gestalt de ses propres modèles, produisant un certain nombre de modèles Samsung avant et après la sortie de l’iPhone ainsi que des documents internes du Coréen décrivant le hardware de l’iPhone « facile à copier ». Appelé à la barre, Christopher Stringer, pivot de l’équipe de design de Cupertino depuis 1995, s’est montré particulièrement revendicatif sur ce plan, après être revenu en détails sur la genèse de l’iPhone, depuis son arrivée dans la société, sans masquer les difficultés ou les incertitudes qui ont émaillée, avec pas moins de 40 prototypes différents de iPhone.

A l’inverse, les avocats d’Apple se sont employés à démontrer que la contre-attaque juridique de Samsung était de pure forme et que non, ils n’avaient pas copié sur Sony.

Sans surprise, les avocats de Samsung se sont employés à démontrer que leur client était la société la plus innovatrice du circuit, tandis que les brevets dont se réclamait Apple étaient invalides. Malheureusement, en s’obstinant à vouloir se référer à une pièce écartée de la procédure, et malgré une bonne dizaine de recours, l’avocat de Samsung s’est fait sermonner comme un petit garçon par la juge Lucy Kho décidément excellente. La juge est carrément sortie de ses gonds lorsqu’elle s’est aperçue que lesdites pièces refusées avaient été aussitôt transmises par courriel à la presse spécialisée, dans le but évident de faire pression sur la cour. De l’art de se tirer dans le pied…

Il semble également qu’on se soit beaucoup tiré sur la nouille pour savoir si Apple réalisait, ou pas, ou pas beaucoup, des études de marché à propos de ses produits : selon les éléments rapportés par le Wall Street Journal, Apple a bien réalisé une étude en mai 2011 auprès de ses clients ayant acheté un iPhone –à laquelle votre serviteur a d’ailleurs participé – afin d’évaluer leur satisfaction et de déterminer les motivations qui avaient présidé à leur achat. Ce type d’enquête de satisfaction, qui est d’ailleurs systématiquement effectuée par Apple en cas d’intervention de leur service après-vente ou même de contact de leur support client, est tout à fait normale en situation de concurrence resserrée, et diffèrent fondamentalement des Focus Groups organisés par certaines marques pour déterminer les qualités finales de leurs produits avant leur sortie.

La suite demain…