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Édito

iPod City : Apple prend acte

Epinglée au printemps dernier sur les conditions de travail des ouvriers qui fabriquent ses iPods dans les usines chinoises par un article de l’édition dominicale du Daily Mail, Apple avait immédiatement réagi en diligentant une enquête, dont elle avait promis de rendre publique les conclusions. C’est chose faite.

Boro

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Epinglée au printemps dernier sur les conditions de travail des ouvriers qui fabriquent ses iPods dans les usines chinoises (voir la dépêche du 14 juin) par un article de l’édition dominicale du Daily Mail, Apple avait immédiatement réagi en diligentant une enquête, dont elle avait promis de rendre publique les conclusions.

C’est chose faite dans un communiqué exceptionnellement détaillé pour Apple, lequel résume les conclusions de l’audit auxquelles ont abouti les membres de l’équipe d’Apple dépêchée sur place, et qui était issue des services de ressources humaines, juridiques et du fonctionnement. Celle-ci a notamment examiné les conditions de travail, de vie sur le site et plus généralement les conditions dont bénéficiaient les employés au niveau du salaire, du suivi médical et des horaires de travail… et des heures supplémentaires contraintes.
Apple est en effet particulièrement attentive aux conditions dans lesquelles sont fabriquées en son nom les produits qu’elle conçoit – en partie également pour des questions d’image, mais pas seulement – et a publié à cet effet le Code de conduite des fournisseurs (Supplier Code of Conduit) qui formalise les engagements des prestataires d’Apple notamment en ce qui concerne les conditions de travail de leurs employés, mais également en matière de respect des Droits de l’Homme et de l’Environnement.

Comme on pouvait s’y attendre, si le rapport dont le résumé a été publié donne globalement quitus à Foxconn, le géant taïwanais qui fait fabriquer les iPods pour le compte d’Apple, un certain nombre de points noirs ont été relevés par les enquêteurs qui ont entendu plus d’une centaine d’employés à tous les postes de la société dont 83% de simples ouvriers sur les lignes de production, 9% de contremaîtres, 5% de cadres et 3% de collaborateurs divers, y compris des agents de sécurité et des vigiles. Le décompte est donc précis, et Apple a pris soin de “croiser” les déclarations avec des documents comptables comme les fiches de paie des intéressés ; ce qui l’est moins en revanche c’est l’endroit où l’enquête s’est déroulée. Le communiqué fait en effet référence à un site de production unique investi par les enquêteurs, tandis que l’article du Mail on Sunday à l’origine de tout ce grabuge faisait état de de 2 sites bien distincts, l’un situé à Longhua dans la banlieue de Hong Kong, l’autre à Suzhou aux alentours de Shanghaï, ce dernier bénéficiant semble-t-il de la proximité avec le principal poumon économique de l’Empire du Milieu avec ses besoins sans cesse croissants de main-d’œuvre.

Que ce soit l’un ou l’autre des 2 sites qui ont fait l’objet de l’enquête diligentée sur place, on est pourtant loin des conditions scandaleuses qui avaient été décrites dans l’article du Mirror, et que Foxconn avait sans surprise immédiatement démenties : respect de la législation en matière de salaire minimum et au-delà pour plus de la moitié du personnel, absence d’heures supplémentaires forcées même si le plafond de celles-ci était fréquemment outrepassé, postes de travail et hébergements climatisés même si 3 bâtiments industriels reconvertis provisoirement en dortoirs posaient problème, nourriture variée, distractions et suivi médical étant proposés et facilement accessibles aux ouvriers. Foxconn a ainsi assuré avoir mis en construction de nouveaux bâtiments d’habitation pour augmenter de près de la moitié la surface de celle-ci, et promis de s’amender en matière de temps de travail, mais également de simplification et transparence dans les méthodes de calcul et de rémunération des heures supplémentaires…

Le communiqué relève enfin non sans soulagement que les principaux motifs d’insatisfaction dont se sont plaint les personnes entendues portaient sur le manque d’heures supplémentaires en période creuse, pour environ 20% des personnes interrogées, et l’inadaptation des horaires des transports en commun en dehors des heures de travail, pour les employés qui n’habitent pas dans les dortoirs sur place. Même si les conditions de vie des ouvriers qui travaillent Foxconn, mais également mangent, dorment et se distrayent Foxconn font écho à la mémoire collective de la Révolution Industrielle du XIXe siècle, on est cependant loin de Dickens ou de Zola… du moins dans ce cas précis.
Conscient des limites de son enquête, en particulier en ce qui concerne la santé et la sécurité, Apple s’est attaché les services de Verité, le principal cabinet mondial d’audit en matière d’hygiène et de sécurité au travail. Apple a également rejoint le groupe d’implementation de l’Electronic Industry Code of Conduct qui compte d’ailleurs Foxconn dans ses rangs aux côtés d’HP, d’Intel, de Dell ou d’IBM.

La conclusion du communiqué sonne comme un aveu, reconnaissant sa responsabilité en tant que donneur d’ordre en même temps que la difficulté de faire respecter jour après jour ces standards minimum d’éthique. Ceux-ci n’en sont pas moins également de notre responsabilité : en exigeant des produits toujours plus performants et meilleur marché, toujours plus vite obsolètes, les clients occidentaux contribuent à la pression exercée sur les conditions de travail des ouvriers qui les fabriquent, que ce soit en Chine ou ailleurs, pour Apple ou pour un autre… mais celle-ci pèse également sur l’Environnement par les matières premières qu’elle épuise et la pollution qu’elle engendre. Les travailleurs qui les fabriquent commencent d’ailleurs à en réclamer leur juste part.
La fameuse “iPod City” ne travaille en réalité à fabriquer le petit baladeur que pour moins de 15% de sa capacité de production… Et si c’était tout le système actuel qui était finalement à revoir?

Le communiqué d’Apple
Electronic Industry Code of Conduct
Géographie des fabricants de baladeurs numériques