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Édito

Microsoft dans l’impasse ?

Malgré les rebuffades, Microsoft s’obstine auprès de Yahoo !, faute de solution de rechange sur le marché de la publicité et d’avoir su diversifier à temps ses revenus. Le crime ne paierait-il décidément plus ?

Boro

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Il y en a qui ont du se traîner une adolescence difficile… D’ordinaire, lorsqu’on nage dans le praliné jusqu’au cou, on tâche de ne pas trop faire de vagues, des fois qu’un ressac un peu plus important vous monte un tant soit peu aux narines… Pas vexé pour 2 sous par les rebuffades essuyées en tentant de séduire/intimider le conseil d’administration, puis les actionnaires de Yahoo !, Steve Ballmer et son équipe – après avoir publiquement annoncé voici 15 jours qu’ils lâchaient l’affaire – ont publié dimanche une lettre annonçant une nouvelle offre, partielle celle-là et portant essentiellement sur les services en ligne et la publicité… c’est à dire les bons morceaux… On s’étonnera peu, dès lors, du refus poli réitéré par Jerry Yang et son conseil d’administration, à peine tempéré par des précautions verbales de pure forme d’usage et la porte laissée ouverte à d’éventuelle futures propositions… sous réserves d’une véritable valeur ajoutée pour les actionnaires de la société de Mountain View…

Or ce n’est pas tant Yahoo ! que Microsoft qui se trouve dans l’impasse, en dépit de ce que les commentateurs ont martelé ; le problème de Microsoft c’est que, à tous les sens du terme, l’Ogre de Redmond ne fait plus recette… Non seulement, en panne d’innovation depuis trop longtemps, le désastre en termes d’image occasionné par Vista a démonétisé l’aura du géant du logiciel, mais encore le développement interminable du dernier avatar de Windows, mené en parallèle avec le replâtrage sécuritaire d’XP, ont fait fondre son trésor de guerre de l’éditeur comme le pack de l’Antartique en cette ère de réchauffement climatique, en même temps qu’il l’empêchait de reconstituer ses réserves… d’où son obstination à prendre pied plus largement sur le marché publicitaire.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : à son dernier trimestre fiscal, la société fondée par Bill Gates et désormais dirigée par Steve Ballmer n’a dégagé qu’un peu moins de 4,5 milliards de bénéfices, pour un chiffre d’affaires de moins de 14 milliards et demi, avec des avoirs à court terme qui ne s’élèvent plus qu’à un peu plus de 26 milliards de dollars… soit un peu moins de 2 trimestres “ordinaires” de chiffre d’affaires. Si on lui compare les 7,5 milliards de CA pour 1 milliard de dollard de bénéfices produits par Apple au dernier trimestre, et un peu plus de 19 milliards de cash, on mesure à la fois tout le chemin parcouru depuis 10 ans par La Pomme… et celui proportionnellement perdu par Redmond. Que l’on se rappelle en quels termes on évoquait les 2 sociétés en 1998 !

A 38, 6 milliards de dollars, la capitalisation financière de Yahoo ! est hors de portée des moyens actuels de Microsoft – la première offre de rachat était formulée pour moitié en numéraire, pour moitié en actions Microsoft – quand au tournant du siècle, à l’apogée de sa puissance, l’éditeur pouvait imposer sa vision de l’informatique, par sa force d’attraction et le prestige de ses dirigeants quand ce n’était pas par l’intimidation. Faute d’avoir su – cramponnée aux pis de ses 2 vaches-à-lait – anticiper le basculement vers le web 2.0, Redmond voit son leadership contesté par des nouveaux-venus à ce niveau, sans complexes, qui pèsent parfois comme Adobe le dixième de son poids. Il ne serait pas très malin de convoquer les funérailles de Microsoft trop tôt, de la même manière qu’il était stupide voici 10 ans de vouloir enterrer Apple pour de bon : il ne manque pas à Redmond de gens talentueux capables de redresser la barre, et l’engorgement du réseau prévu à l’horizon 2010-2012 pourrait bien sonner la revanche du web de papa, avec son système d’exploitation et ses applicatifs des familles, installés bien au chaud sur les disques durs… Mais même en ce cas, c’est en faveur d’Apple son meilleur ennemi que le balancier semble être résolument reparti : trimestre après trimestre, la progression des ventes de Cupertino représente 2 à 3 fois celles du secteur dans son ensemble. Au dernier trimestre, Apple a même réalisé 66% – les 2/3 ! – des ventes d’ordinateurs de plus de 1 000 $ dans les magasins de brique-et-mortier aux États-Unis.

Quant au marché du smartphone identifié voici 3 ou 4 ans par Microsoft comme stratégique, essentiellement pour faire pièce à l’ascension de l’iPod, on va vu ce que lancement de l’iPhone en fait : Windows Mobile n’est plus présent parmi les 4 premiers OS des États-Unis au 1er trimestre 2008, même si l’éditeur de Redmond se verrait bien de nouveau assis sur 40% de parts du marché du smartphone d’ici l’été 2012. D’ici là, Microsoft devra avoir remédié à la panne de sa vision stratégique qui dure maintenant depuis plusieurs années, si elle veut retrouver (un peu) de son attractivité…

Le communiqué de Microsoft
Celui de Yahoo !
eWeek