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Prospective

Mille millions de bravos ?

Entrée timidement en janvier 2007 sur le marché de la téléphonie mobile, mais avec de grandes ambitions, Apple a d’ores et déjà réussi à en changer la nature. Explications.

Boro

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11 juillet 2008 – 23 avril 2009. 9 mois, ou 38 semaines, soit le temps d’une grossesse un peu paresseuse, c’est l’intervalle qui aura été nécessaire à Apple pour passer le cap du milliard d’applications téléchargées, sur un total de près de 35 000 proposées, avec l’une de ces mises en scène qu’elle affectionne tant. “Que dis-je, c’est un cap ? C’est une péninsule !” aurait pu s’exclamer le héros de Rostand tant le pari de se se lancer en 2007 à l’assaut de la citadelle du téléphone mobile dit “intelligent”, fermement construite, puis tenue, par le canadien Research In Motion depuis 2001 autour du BlackBerry, aurait pu sembler déraisonnnable.

Le coup de maître de Steve Jobs a été de monter un véritable coup de force en deux temps sur le secteur de la téléphonie, d’abord en s’appuyant sur Safari, puis sur la fantastique plasticité d’OS X, devenu au fil des versions ce que Microsoft n’avait jamais réussi à faire de Windows : un véritable système d’exploitation mobile, digne d’un ordinateur de poche.

Par peur des problèmes d’image qu’une infestation d’iPhone OS aurait pu entraîner sur OS X, Apple avait en effet limité le champ de création des développeurs-tiers aux seules applications web, avant d’entrouvrir en mars 2008 la porte de son système d’exploitation avec une innovation calquée sur ce qui a fait pour une bonne part le succès de l’iPod, et qui fait aujourd’hui à la Une des gazettes le plus souvent pour la dénigrer : l’AppStore. Copié par Research in Motion, Nokia ou Microsoft, la plate-forme de distribution de contenus agitée par Apple sous le nez de ses concurrents, à grand renfort de publicités télévisées, n’est pourtant que la partie émergée de l’iceberg.

Un succès construit à tâtons…

Sans-titre-1-2.png Comme pour l’iPod en son temps, le succès de l’iPhone repose en effet sur une combinatoire complexe d’éléments plus simples, au bout du compte interdépendants les uns des autres, mais que les équipes d’Apple ont mise en place plus ou moins en tâtonnant les uns après après les autres… même si elles ont pu en avoir l’intuition dès le départ : avant tout une interface utilisateur en rupture avec tout ce qui s’était fait auparavant, et servi par un système d’exploitation capable d’évoluer facilement et pensé dès le départ en fonction de l’utilisateur et non vis-à-vis des fonctionnalités. Plus de 2 ans après sa présentation, comme ce fut le cas de la Click Wheel de l’iPod ou avant elle la souris du Macintosh, l’interface Multitouch de l’iPhone et de l’iPod touch sont encore bien loin de trouver son équivalent chez la concurrence.

Des contenus attractifs, abordables et abondants ensuite, faciles à installer et à se procurer : c’est le rôle de l’AppStore dont Apple célèbre le milliardième téléchargement aujourd’hui comme elle l’a déjà fait en 2006 pour le milliardième morceau vendu sur iTunes Store… soit un peu moins de 3 ans après le lancement du kiosque en ligne. C’est ce modèle que les concurrents d’Apple essaient à présent de copier, en calquant jusqu’aux conditions financières consenties par le californien à ses développeurs. Ce faisant, elles oublient qu’Apple peut s’appuyer sur le formidable bassin d’attraction que représente l’iTunes Store, qui abrite l’AppStore et qui préside toujours à la synchronisation de ses différents appareils.

Car même si l’accès aux contenus via les réseaux cellulaires ou wi-fi a dans une certaine mesure «coupé le cordon», l’iPhone et a fortiori l’iPod touch restent avant tout des iPod, et tout le génie d’Apple a été de savoir faire passer cette nouvelle communauté d’utilisateurs, sans qu’elle s’en aperçoive, vers cette véritable nouvelle plate-forme qu’Apple ne se donne même plus la peine de dissimuler : depuis l’Apple Event du 17 mars dernier, le californien donne en effet les chiffres des 2 appareils tactiles confondus. Au passage, Apple a réussi l’exploit d’assurer, en grande partie grâce aux jeux, le relais entre la génération Click Wheel et la génération Multitouch de l’iPod : ce sont plus de 21 millions d’iPod touch qui ont en effet été vendus depuis septembre 2007…

Pourtant, rien de tout ceci n’aurait été possible sans le soin apporté par les équipes de Scott Forstall, le Vice Président iPhone Software, à la qualité et à la facilité d’utilisation des API d’iPhone OS, et de l’environnement de programmation sur l’iPhone dans son ensemble : c’est un point sur lequel développeurs indépendants ou gros institutionnels ne tarissent pas d’éloges, et savent gré aux équipes de Cupertino qui les cajolent d’ailleurs depuis un an à l’égal des développeurs sur Mac à chaque WWDC.

Alors, quel avenir ?

Même si les débuts ont été chaotiques – iPhone EDGE et version 1.0 du logiciel littéralement bouclés “à l’arrache”, jeu du chat et de la souris sur le déverrouillage, hauts et bas de la validation des Apps par les équipes de Cupertino – Apple a ainsi réussi ce que Microsoft craignait par-dessus tout qu’elle fît : une véritable plate-forme alternative, qui plus est aux piliers parfaitement solidaires. La suite du chemin est dès lors limpide. Le quadrilatère (le cube ?) sur lequel Steve Jobs avait fait reposer la refondation d’Apple à son retour et qui s’organisait autour du Mac comme ceci :

Desktop Pro
Laptop Consumer

ressemblera bientôt à ceci :

Mac iPhone
iPod AppleTV

avec des éléments plus que jamais interdépendants entre eux, et bien entendu OS X comme une clef de voûte. Tim Cook a une fois de plus laissé filtrer quelques indices de ce qui pourrait bien représenter le futur proche d’Apple, en même temps qu’une nouvelle étape dans la révolution de l’interface utilisateur entamée avec l’iPhone : ni tout à fait Mac portable, ni tout à fait iPhone ou iPod touch et à peine Apple TV à l’occasion, la version 3.0 d’iPhone OS semble en tous cas taillée à sa mesure ; nous y reviendrons bientôt.

Pendant ce temps, la concurrence s’efforce de s’organiser, et c’est paradoxalement les ”oubliés” de chez Palm, s’ils arrivent à passer la vague, qui semblent sur le papier les mieux à même de résoudre l’équation posée par Apple à ses compétiteurs… précisément parce que bon nombre de ses dirigeants et de ses ingénieurs sont des anciens de Cupertino. Mais il y a-t-il de la place pour un 2e Apple sur ce secteur, quand les poids-lourds ont d’ores et déjà commencé à se ressaisir ?

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