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Édito

Q3 2010 : nouveau carton en France

MacPlus s’est procuré en avant-première les chiffres du trimestre écoulé publiés par Gartner pour la France et l’Europe de l’Ouest. Il se passe quelque chose…

Boro

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Si Steve Jobs et Tim Cook avaient de quoi se réjouir lors de la publication des résultats du trimestre, et d’enfoncer le clou à l’occasion du dernier Event fort justement intitulé Back to the Mac, en ce qui concerne la France et l’Europe de l’Ouest ceux-ci n’auront pas moins de raisons de se féliciter. MacPlus s’est en effet procuré les derniers chiffres du trimestre publiés par Gartner, à peine compilés par Isabelle Durand qui a conduit l’étude. Une fois de plus ceux-ci sont bons et, s’ils n’égalent pas ceux de la société sur son marché intérieur, ils montrent tout de même – avec comme à l’ordinaire 1 an 1/2 à 2 ans des décalage – qu’ici aussi il est en train de se passer quelque chose. Et, en définitive, la pertinence de la stratégie d’Apple. Explications.

Les chiffres

«Apple progresse ainsi plus rapidement sur le segment des ordinateurs de bureau que sur celui des portables souligne Isabelle Durand, alors même que le marché des portables et des mini notebooks s’est ralenti ce trimestre, sous l’effet combiné de l’iPad et des autres tablettes annoncées d’ici la fin de l’année, provoquant un certain attentisme des acheteurs, mais également d’une absence de réelles nouveautés du côté des mini notebooks. En outre, la demande avait été forte sur les mini notebooks l’année précédente, pour le 3e trimestre 2009 qui sert de référence. Apple réalise un très bon volume sur les iMacs basés sur du iCore, mais également avec le lancement du nouveau Mac mini» conclut-elle.

Europe de l’Ouest : sur un marché général en repli de 0,3%, Apple progresse au contraire de 25,6% d’une année sur l’autre, se classant à la 5e places des constructeurs en plaçant 947 284 machines, soit 5,7% de parts de marché tous publics confondus. Sans surprise, Apple a tout de même vendu 62,38% de portables (+11,45%) contre 37,62 % de machines de bureau (59,08 %).

Sur le marché grand-public, Apple se classe même 4e, avec 6,8% de parts de marché et +39,7% de mieux par rapport à l’année précédente.

Sur le marché de l’éducation, les équipes d’Hervé Marchet se classent une nouvelle fois à la première place, sans discontinuer depuis 2004, avec 35,1% de parts de marché et +21% de progression par rapport à l’année dernière.

France : sur un marché général qui perd lui 3,6 %, La Pomme progresse de 21,8% par rapport au 3e trimestre 2009, et pointe à la 6e place des constructeurs avec 154 346 machines livrées qui lui donnent droit à 5,6% de parts de marché.

Sur le marché grand-public, Apple se place à la 4e place, avec 7% tout rond de parts de marché, et +36,7 % de mieux par rapport à l’année dernière.

Enfin, sur le marché de l’éducation, l’équipe de Charles Matine qui a récemment remplacé Richard Ramos s’est encore une fois classée n°1, avec 42% de parts de marché et +13,1% de progression par rapport à l’an passé.

A ceux qui s’étonneraient encore de tels scores, il faut rappeler que les résultats sont donnés à la presse maternelle, primaire, secondaire et supérieur confondus. Or c’est essentiellement sur le segment du supérieur et de la recherche qu’Apple réalise pour l’heure ses bons résultats, et se trouve davantage à la peine sur le reste du marché, qu’il est convenu d’appeler le K12. Sans doute l’arrivée de l’iPad et le focus porté cette année par le Ministère sur le podcasting dan les langues permettront-ils de faire évoluer les choses…—–

«La stratégie de la serpillère»… ou de la «couleuvre»

Si l’on rapproche ces chiffres – ou plutôt de leur tendance telle que nous la décrivons depuis plusieurs trimestres – des annonces des dernières semaines, on voit se mettre en place les derniers maillons d’une stratégie qui se déploie depuis plusieurs années, et dont Apple commence à récolter les fruits.

Lors du Special Event d’octobre dernier, Tim Cook soulignait en effet qu’aux États-Unis Apple détenait désormais 20,7% de part de marché sur le segment grand-public : autant dire qu’au moins l’un de vos voisins de palier a toutes les chances d’utiliser lui aussi un Mac. Rien d’étonnant à cela : avec l’iPod puis l’iPhone, les américains ont pris goût à la simplicité d’utilisation des produits Apple, aidés en cela par l’échec de Vista et la présence d’un Apple Store offrant la possibilité d’essayer librement le matériel, pratiquement au coin de la rue. Les ordinateurs Apple sont plus chers ? Les nouveaux convaincus vous rétorqueront que leur «valeur ajoutée» est sans commune mesure avec ce qu’ild avaient connu auparavant. Pendant ce temps, les autres constructeurs se battent sur les prix. Voici d’ailleurs plusieurs trimestre qu’Apple est le n°1 aux États-Unis sur le marché des PC de plus de 1 000 dollars…

A l’autre bout de la chaîne, l’iPad a privé les concurrents d’Apple du rare levier de croissance qui leur restait avec les netbooks ou les mini notebooks : on commence à en voir les effets. Mais c’est encore pire, ou disons plus machiavélique que cela.

Toute la chaîne de valeur

Désormais, Apple propose en effet un produit, et «maille» tout au long de la chaine de valeur informatique, ou presque, de 500 à 2 500 €, voire au delà : en clair, la firme de Cupertino a quelque chose à proposer à un acheteur potentiel, séduit par l’iPod ou l’iPhone. Cela commence avec l’iPad sur le nouveau segment de tablettes tactiles, de 500 à 800 $, alors que celui-ci a littéralement asséché celui des netbooks qui portait littérallement l’industrie depuis 3 ans, MacBook puis MacBook Pro de 999 à 2 500 € pour les portables. [[Une preuve supplémentaire ? l’an passé pour le trimestre équivalent, c’est la ruée de la clientèle grand-public sur la gamme des MacBook Pro, en l’absence de l’iPad comme alternative aux netbooks, qui avait porté une bonne part des excellents résultats de La Pomme.]] Et la problématique est exactement la même pour les machines de bureau, avec le Mac mini à partir de 700 € jusqu’au MacPro de 2 400 €, mais surtout la gamme iMac de 1 200 à 2 000 €.

Dernière mauvaise nouvelle pour la concurrence, Apple ne joue pas seulement sur la valeur des produits qu’elle propose, mais également sur les approvisionnements en composants qu’elle a appris à maîtriser. La tactique est chaque fois la même, et a jusqu’ici parfaitement fonctionné : identifier un petit nombre de composants innovants clés, à très haute valeur ajoutée, capables de créer la rupture et de différencier son produit. Puis sécuriser ses approvisionnements en achetant la majeure partie de ce qui sera disponible dans un avenir proche, pour ne laisser à ses concurrents que les miettes. [[Cette tactique, Apple l’a apprise à ses dépens : en 2002, le succès annoncé de l’iMac G4 avait arrêté net par l’augmentation du prix de ses composants les plus en pointe – écran TFT et mémoire DDR2 – provoquée par Apple elle-même faute d’avoir anticipé des commandes suffisantes. En 2004, Apple a du négocier en catastrophe un report de la sortie internationale de l’iPod mini, faute de mini-disque durs en nombre suffisant.

En 2005, la leçon est apprise : Apple rafle la majeure partie de la mémoire Nand disponible pour bâtir le succès de l’iPod nano, et n’a pas procédé autrement avec les écrans capacitifs projetés pour imposer l’iPhone et l’iPod touch : grâce à sa capacité d’achats, Apple est désormais en mesure de faire la loi sur le marché des composants, ou du moins de se tailler la part du Lion. Les fabricants de tablettes tactiles sont à leur tour en train d’en faire les frais, et seront sans doute obligés de se contenter d’écrans 7 pouces, faute d’écran de taille optimale disponible… et encore, si Apple ne décide pas de faire main basse dessus histoire de prendre sa revanche sur le marché du K-12 !. Mais attention : ça ne marche pas forcément à tous les coups : en 2005 Microsoft s’était cru fort inspiré de capter pour la XBox 360 l’essentiel des capacités de R&D et de fabrication d’IBM pour son PowerPC 970, qui permettait à Apple de relever la tête… l’obligeant à se tourner vers Intel à partir de 2006 : on connaît la suite.]]

Mais pour l’heure, Apple tient désormais bel et bien le marché par chacune de ses extrémités, que l’on se place dans une perspective commerciale ou industrielle, et l’exemple de l’iPad montre que le californien est à présent en position d’appliquer un mouvement de torsion sur celui-ci, à chacune de ses initiatives… quitte à essorer celui-ci petit à petit comme une serpillère ou, plus élégament, la couleuvre de lianes tressés qui sert à extraire le jus toxique du manioc râpé en Guyane.

Les composants du succès

Dernier tour de vis en date, le lancement d’un nouveau modèle de MacBook Air 11 pouces à un tarif très agressif, à même de de récupérer les derniers tenants du mini notebook, sur le segment supérieur, où certains constructeurs comme Sony pouvaient encore espérer gagner un peu d’argent. Dans le même temps, la petite phrase de Jobs qui accompagnait l’annonce de l’adoption de la technologie SSD sur les 2 MacBook Air, et dans pas si longtemps sur l’ensemble de la gamme MacBook et MacBook Pro, sonnait comme un avertissement : «Apple est à présent le plus gros utilisateur de mémoire flash de l’industrie » signifiant très probablement en réalité pour ses compétiteurs : «ne comptez pas pouvoir proposer des disque SSD en masse à vos clients de sitôt».

Pourtant, c’est bien avec le logiciel, comme elle s’est appuyée sur iTunes, puis l’AppStore et iOS pour lessiver les concurrents de l’iPod puis de l’iPhone, ou plutôt le formidable avantage concurrentiel que lui donne la maîtrise du logiciel et du matériel. C’est avec OS X, – ou plutôt avec son successeur puisque celui-ci arrive au bout d’un cycle – qu’Apple compte donner les prochains tours de vis. La généralisation de FaceTime sur l’ensemble de l’offre d’Apple, la rumeur de la carte SIM et le hobby de l’Apple TV pourraient bien avoir une seule et même origine. Nous y reviendrons très bientôt.

Lire également la chronique consacrée aux écrans chez nos voisins oranges d’en face