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Édito

B. Serlet boucle le cycle Mac OS X

Avec le départ de Bertrand Serlet, à la veille du 10e anniversaire du lancement de Mac OS X, c’est bien un cycle qui s’achève alors que Lion préfigure déjà ce que sera l’OS de demain…

Boro

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« Il n’y a qu’une seule constante, c’est le changement ». Au contraire de Steve Ballmer qui n’a eu de cesse de faire du neuf avec du vieux et n’a engagé sa société à bouger que pratiquement avec un fusil dans les reins, s’il est un dirigeant de l’industrie informatique qui porte dans ses tripes cet oxymore c’est bien Steve Jobs. On ne relève d’ailleurs pas de ses cendres une société quasi-moribonde après 10 ans d’immobilisme pour en faire, 15 ans et 2 ou 3 révolutions technologiques plus tard, l’une des toutes premières références du secteur en matière d’innovation et de management sans lui impulser une certaine dose de dynamisme et de créativité…

Or du dynamisme et de la créativité, il en aura fallu à Bertrand Serlet depuis son passage à l’INRIA, au sortir de l’université d’Orsay, en passant par le célébrissime laboratoire du PARC à Palo Alto, pour aboutir finalement à Redwood et participer avec Steve Jobs et Avie Tevanian à l’aventure NeXT. Pour l’anecdote, Bertrand Serlet n’est pas la seule « pépite » que Jobs ramena du Xerox PARC pour bâtir le succès technologique de NeXT. Si l’épisode de la visite du patron d’Apple au centre de recherche à Palo Alto en 1979 est bien connue – ébloui par la présentation de l’Interface Utilisateur Graphique avec la souris, il en achètera aussi sec la licence dont bénéficieront le Lisa, le Macintosh puis le vénérable Apple II – lui furent également présentés ce jour-là le protocole Ethernet et la programmation orientée objet sur lesquels il bâtira en partie le succès, certes confidentiel, des machines NeXT [[Parmi celles-ci, on compte également Interface Builder développé en interne chez NeXT par Jean-Marie Hullot et qui, toujours présent au sein de Mac OS X, continue à faire le bonheur des développeurs de l’iPhone et de l’iPad à travers son adaptation pour iOS]].

Quant à Serlet, c’est lui qui – à peine Steve Jobs revenu aux commandes d’Apple – portera en huit semaines à peine la Yellow Box NeXTSTEP sur la plateforme PowerPC et qui sera présentée aux développeurs lors de la WWDC de mai 97, sous le nom de Rhapsody (lire «La stratégie Boot Camp»). La suite, on la connaît : après 3 ans de développement et la transition par Mac OS 9, le temps de donner aux développeurs le temps de se retourner, la version 10.0 de Mac OS X est lancée officiellement après six mois de version bêta publique. Dix ans plus tard, la boucle est maintenant bouclée pour le système d’exploitation qui, précisément dans le discours d’Apple, devait assurer l’avenir de la société pour les 10 ans qui allaient suivre…

Rien d’étonnant alors à ce que, 2 lustres et un changement de plateforme plus tard, celui qui est au même titre qu’Avie Tevanian l’un des papas de Mac OS X – ou du moins de sa couche supérieure Cocoa – passe le relais à Craig Federighin, lui aussi un ancien de NeXT, après l’avoir reçu de Tevanian une fois le passage à la plateforme Intel assuré. Car en l’espèce, Mac OS X 10.7 Lion la prochaine version de l’OS « de table » d’Apple n’est pas seulement l’ultime version de Mac OS X, elle préfigure également et peut-être avant tout le futur de ce que sera le système d’exploitation des machines Apple, mâtiné qu’il est par iOS le système d’exploitation « de poche » mis au point par Cupertino pour damer le pion à ses concurrents.

Développé pour un paradigme d’interface utilisateur au sein duquel la souris et son pointeur étaient la métaphore du doigt de cet utilisateur, à force d’intégration des gestes Multi-Touch Mac OS X a fini par ressembler de plus en plus au système d’exploitation conçu pour ces objets intelligents qui sont en passe de supplanter l’ordinateur tel que nous le connaissons, du moins pour la plupart des tâches courantes que nous lui demandions. iPhone, iPod touch ou iPad, dont la deuxième version s’arrache dans le reste du monde à partir d’aujourd’hui et demain sans doute les téléviseurs intelligents, marquent à quel point on est déjà au-delà du simple « Internet des objets » et déjà, comme commence à le marteler Apple, dans l’ère « post PC ». Avec un peu de chance, c’est le début de cette ère de l’informatique « post-PC », décentralisée et distribuée, qu’Apple devrait dominer de la tête et des épaules grâce au nouveau cycle de systèmes d’exploitation qui s’annonce pour les 10 ans à venir, et dont la fonction de serveur personnel, annoncé dans Lion, préfigure le rôle de chef d’orchestre… que ce soit pour les particuliers ou les petits groupes de travail, d’ailleurs.

Rien de surprenant non plus, dès lors que Bertrand Serlet, qui s’était d’abord destiné à une carrière de chercheur, abandonne la recherche appliquée après 22 ans de compagnonnage avec Steve Jobs pour retourner à la recherche fondamentale. Étonnant par contre, est que Steve n’ait pas tenu à saluer le travail de celui qui était sans doute à ce jour le plus ancien de ses compagnons d’aventure, et un amateur comme lui de cabriolets de marque allemande. Qu’à cela ne tienne : merci M. Serlet !