Samsung / Apple : la médiation commence
C’est ce 21 mai que les deux PDG respectifs de Samsung et d’Apple vont se rencontrer, dans une tentative de médiation de la dernière chance.
Dans ce contexte, Il est sans doute temps de brosser un rapport des forces réels des forces en présence et d’essayer de voir quel est celui qui tient les meilleures cartes dans sa main.
Du côté de Samsung, les choses sont désormais claires : le Coréen semble ne semble pas vouloir d’un réel accord qui puisse convenir aux deux parties. En proposant hier un accord de licences croisées, Samsung annonce par avance un jeu de dupes. En effet, le constructeur a beaucoup mis sur la table ses propres brevets FRAND pour les opposer à Apple, des tentatives toutes soldées par des échecs et qui ont poussé les instances de régulation européennes à s’intéresser au cas du Coréen. Le gain est donc nul.
Du côté d’Apple en revanche, les victoires se sont accumulées et sont aujourd’hui de solides arguments en faveur de la plainte initiale globale d’Apple vis à vis du Coréen, celui-ci étant accusé de plagier sans scrupule l’interface, le design et les fonctionalités des produits à la pomme. Après la victoire en Hollande obligeant Samsung à modifier son système de gestion de photos, après celles obtenues en Allemagne et en Australie, obligeant là encore Samsung à modifier le design de ses tablettes, et après la victoire en appel du californien qui va pouvoir, avec de bonnes chances de succès, faire valoir la copie de design de sa tablette aux US, il apparait clair que juridiquement parlant, Apple arrive à la table des négociations dans une vraie position de force.
La proposition de Samsung, consistant à proposer ses brevets FRAND à bons prix contre les brevets non-FRAND d’Apple déjà reconnus devant les tribunaux n’est pas une nouveauté en soi puisqu’Apple avait déjà dénoncé ce deal déséquilibré : par essence, un brevet FRAND DOIT être proposé à un tarif raisonnable et la valeur juridique d’un brevet non-FRAND n’est tout simplement pas la même.
Apple sera d’autant moins enclin à revenir là dessus que ses victoires claires concernant ses propres brevets démontrent clairement le bien fondé de ses attaques. La conséquence en a déjà été visible sur le design du Galaxy S3, qui semble avoir été conçu dans le le but non avoué d’échapper à toutes plaintes de copie de la part d’Apple, une méfiance ds Samsung qui tranche avec le passage en force de ces derniers trimestres. Implicitement, c’est donc une victoire réelle pour Apple, qui grâce à son acharnement voit enfin le vaisseau amiral de son principal concurrent ne pas être une copie manifeste d’un de ses produits phares.
Pour Samsung, il n’est pas non plus certain que l’arrivée à la table des négociations soit accompagnée d’un réel désir de mettre un terme aux différents litiges : si le constructeur semble en effet avoir pris en compte la propriété intellectuelle d’Apple avec son S3, c’est sans aucun doute sous la contrainte (et pas de gaieté de coeur). Et même si les pré-commandes de l’appareil ont été visiblement excellentes, le design a été lui très critiqué, et pourrait s’avérer être un facteur négatif en confrontation avec le prochain iPhone, annoncé avec une nouvelle robe et un écran plus grand. De plus, la copie flagrante de Siri avec le S-voice du dernier S3 prouve que le Coréen n’a pas abandonné la velleité de recoller à la roue par tous les moyens possibles.
La possibilité de copier sans entraves est donc sans doute au coeur de la proposition de Samsung d’un accord de licences croisées, l’objectif étant de laisser croire à une ouverture alors que cette offre n’est pas différente de celles déjà faites auparavant, et qui ne laissaient pas beaucoup d’alternatives à Apple.
Dans ces conditions, et même si Tim Cook explique, sans doute de bonne foi, qu’il n’apprécie pas vraiment ces joutes judiciaires, il y a peu de chances que les deux entreprises parviennent à trouver un terrain d’entente. Si Apple est sans doute prêt à enterrer la hache de guerre, ce ne sera qu’à une seule condition, c’est à dire l’arrêt de toute forme de copie, une demande sans doute encore inaudible à l’oreille de son concurrent; celui-ci ne peut toujours pas prendre le risque de trop s’éloigner des standards créés par Apple alors même qu’il a bâti son extraordinaire croissance en large partie grâce à l’explosion des ventes de produits très fortement inspirés de l’iPhone, puis de l’iPad.
Le coup de poker sur le S3 devra se confirmer dans le temps pour qu’enfin Samsung, tel Sony, affirme son identité sans rien devoir à son concurrent direct. On peut penser qu’alors, et seulement à ce moment là, les conditions d’un accord vraiment équitable seront réunies. Mais jusqu’à preuve du contraire, on en est pas là aujourd’hui, et cette rencontre au sommet a de fortes chances d’accoucher d’une souris médiatique.
