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Événement

Tim Cook : un an à la barre

iShen

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Il y a un an jour pour jour, c’est un Steve Jobs épuisé par la maladie qui donnait les clefs de son royaume à son second Tim Cook, déjà dans les plus hautes responsabilités logistiques. De ce passage de témoin, beaucoup ont voulu y voir, au delà du tragique inhérent à la situation d’alors, comme un mal nécessaire, un passage à l’âge adulte douloureux mais essentiel pour l’avenir d’Apple.

Qu’allait-il devenir de l’innovation en interne, du souci de perfection et du sens du détail, qu’allait-il advenir des futurs projets ? Tim Cook était-il vraiment taillé pour cette tâche, lui l’expert de l’ombre, le grand voyageur qui signe avec la Chine, le maître d’oeuvre de la refonte brillante de la partie logistique ? Pouvait-il, cet homme de dossier, devenir la nouvelle âme d’Apple ?

Au bout d’une année d’un nouveau règne, la réponse coule presque de source, avec une évidence telle qu’elle ne peut que surprendre : Apple n’a déjà plus besoin de mentor unique pour fonctionner seule et en toute efficacité.

Tim Cook a certes imposé sa marque, celle d’une forme de normalisation de l’entreprise Apple diront certains, mais le gain semble supérieur à la seule somme des parties.

La transparence sociale, le souci écologique encore plus marqué, l’ouverture vers l’Asie, le versement de dividendes et une communication plus généreuse sont presque des signes distinctifs de la nouvelle ère Cook; mais au-delà de ce marquage de territoire classique, ce qui force le respect est la façon dont Apple semble dès à présent fonctionner comme une mécanique indépendante, comme si effectivement un ADN propre la traversait de part en part. Avec Steve Jobs, le corps Apple était encore irrigué à partir d’un point central; sous l’égide de Cook, chaque élément séparé semble savoir, comme dans une fourmilière, ce qu’il convient de faire à un instant donné, sans que jamais l’efficacité globale ne soit remise en cause.

C’est bien sûr la très forte réorganisation interne depuis ce 25 août 2011 qui a permis cette autonomisation des parties : Eddy Cue grand ordonnateur des services internet et dans le nuage, a presque déjà effacé le fiasco Mobile Me; Scott Forsall, encore plus influent et patron global d’iOS (le centre nerveux des évolutions software à venir), n’est pourtant plus le mini-moi de son ancien mentor, tandis que Phil Schiller, l’ancien ami et faux souffre-douleur de Steve Jobs tient cette fois la haute main sur la partie marketing de la firme, avec des pouvoirs renforcés.

Même les nouvelles recrues comme le maladroit John Browett, nouveau patron des Apple Store, ont gagné visiblement une autonomie presque complète, ce qui explique d’ailleurs que les boulettes ne puissent plus être jugulées à la base. L’indépendance se paye aussi par ce genre d’erreurs.

Si le style Cook est bien visible, il est avant tout celui d’un patron presque comme un autre, d’un homme sans doute brillant mais qui ne tient pas tous les rôles. Il n’est plus celui qui dit “non“, il n’est plus celui qui entrevoit le futur, mais il gère au mieux les intérêts financiers d’Apple, et les résultats économiques de la firme ainsi que son cours de bourse actuel témoignent de la qualité de son travail. Son génie propre est bien de n’avoir jamais essayé de remplacer Steve Jobs et d’avoir laissé les autres hauts cadres prendre cette fois une pleine place sans jamais se marcher sur les pieds.

Steve Jobs avait prophétisé qu’Apple était devenu une mécanique bien huilée, dotée de son ADN propre, et que son retrait ne signifierait pas la fin d’un cycle mais plutôt le début d’un nouveau, une forme de relais dont Tim Cook aura été le passeur efficace et posé. La surprise est bien là. Apple en un an a su déjà se réinventer, et il suffit de consulter la liste des brevets, les investissements consentis et le calme des dirigeants devant les échéances à venir pour constater qu’il n’y a eu aucun tremblement de terre après le départ de Steve Jobs. Comme si chacun savait ce qu’il avait à faire.

Certes, les produits conçus après la période Jobs n’ont pas été encore lancés, peut-être même pas imaginés, mais avec un Tim Cook à la barre logistique et financière, le reste de l’équipage, tel un automate intelligent, semble déjà avoir acquis des réflexes propres. Dans ce contexte d’intensification de la concurrence, ce simple constat est une vraie bénédiction et explique en grande partie la confiance des investisseurs.

Tim Cook n’est finalement pas l’homme de la transition, mais celui de la confirmation : confirmation qu’Apple n’était pas tenu par le fil d’Ariane Steve Jobs, confirmation que ses hauts cadres pourraient travailler de concert sans se soucier d’un avis divin. Rien que pour cela, il fait peu de doutes qu’il devrait rester encore longtemps à ce poste, tant la confiance qu’il dégage, visiblement non feinte, semble être le parfait reflet de ce qu’est devenu aujourd’hui une Apple sûre de ses forces.