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Apple vs Samsung : plaidoiries finales tendues

iShen

Publié le

 

Par

Celles entre Apple et Samsung ne dérogent pas à la règle et l’âpreté des débats finaux aura été très représentative de la quinzaine écoulée. Ambiance.

C’est à la toute fin d’une bataille que l’on compte les cadavres dit un proverbe martial, et c’est sans doute ce qui ressortira du procès fleuve entre Apple et Samsung, même après des plaidoiries finales âpres qui laisseront sans doute le jury dans les affres d’une décision très complexe à rendre.

Ces plaidoiries s’organisaient selon 4 actes : les deux premiers composent la plaidoirie d’Apple suivie d’une réponse argumentée de Samsung, les deux derniers sont constitués de la plaidoirie finale de Samsung suivie à son tour du droit de réponse habituel des avocats de la pomme.

Pas de surprises concernant les arguments utilisés qui sont un gros résumé des derniers jours de procès :

Apple a de son côté dévoilé le jeu de Samsung, tentant de de bien expliquer aux membres du jury qu’une copie n’a pas à être parfaite pour être qualifiée de copie et que les arguties sur des détails montrent une incompétence de pseudos spécialistes en design (l’un des témoins présentés par Samsung était expert en génie électrique et pas en design). “C’est l’impression globale qui compte” répètera à l’envi l’avocat Harold McElhinny, retoquant aussi tout de go l’autre argument concernant le design fonctionnel et donc indépassable des produits Apple : si Sony ou Nokia peuvent faire sobres et différents, c’est bien qu’il n’y avait aucune obligation à proposer un design aussi similaire.

La question du trade-dress est aussi abordée, avec un souci évident de pédagogie de la part de l’avocat de Cupertino, démontrant avec un certain brio que quelques points reconnaissables d’un design définissent une marque et que c’est le fait de retrouver ces éléments chez nombre de concurrents qui “normalisent” le design originel, le rendant commun, alors que cette impression n’est que le résultat de la dissémination de la copie (sans doute ici l’argument le plus fort d’Apple lors de cette plaidoirie).

Bien sûr, sont ressortis du placard les avertissements de Google et de son équipe de design, ainsi que le fameux document interne établissant point par point une liste des éléments à améliorer pour rendre les prochains Samsung aussi proches que possibles de l’iPhone, agrémentés des traditionnelles photos chocs montrant l’évolution du design des smartphones Samsung après l’iPhone.

Etonnamment, il n’y aura pas grand chose concernant l’attaque de Samsung sur les brevets FRAND, Apple estimant que cette partie est sans doute déjà gagnée, les manquements de Samsung aux règles de l’ETSI ayant été largement démontrés lors du procès (et les plaintes en cours de l’Europe et des US concernant les agissements de Samsung sur cette question n’arrangent pas vraiment la position du Coréen).

Samsung de son côté, représenté par M. Verhoeven, reviendra à la barre pour enfourcher son cheval de bataille traditionnel : si ce n’est pas une copie parfaite, ce n’est pas une copie du tout, le moindre changement d’icône, la moindre différence d’angle étant considéré comme une forme de différenciation suffisamment radicale pour ne pas aboutir à une impression de copie et encore moins à une confusion possible.

Cette défense du “moindre détail” apparaît d’emblée assez “audacieuse” dans la mesure où elle intervient après une plaidoirire d’Apple assez efficace pour en démonter chacun des arguments.

Alors que Samsung n’a réussi à présenter qu’un seul membre de son équipe de design comme témoin (et pas très alerte), cela ne l’empêche pas dans la foulée d’attaquer la crédibilité de sommités reconnues comme Susan Kare ou Russel Winer, une tactique de décrédibilisation utilisée pendant tout le procès.

Verhoeven utilisera aussi l’argument choc d’un Apple voulant faire interdire tous les smartphones rectangulaires à coins ronds des concurrents, ce qui là encore semble tomber un peu à plat après la présentation des modèles Xperia de Sony ou ceux de Nokia qu’Apple n’a pas tenté de faire interdire justement.

Au vu de la stratégie utilisée de part et d’autre , il ne sera pas facile pour les jurés de se prononcer sur un verdict donné. Si Apple a été sans doute le plus pédagogue dans son approche des définitions de son design, de son trade dress et plus largement de l’identité de ses produits, Samsung a plus tiré sur la corde émotionnelle, en jouant de la confusion volontaire entre la copie et le détail visible. A ce titre, il faut noter que si les arguments de Samsung étaient appliqués à l’ensemble de l’industrie (de tous les types d’industrie), la notion même de contrefaçon se viderait d’elle-même de son sens.

Mais l’évidence de la différence, même minime, entre deux produits, a pu permettre au Coréen de baisser le débat (pour ne pas dire rabaisser) autour de questions de détails, alors même que la copie est bien le fait de singer le style général d’une marque pour la dépouiller de son identité (banaliser son design originel) tout en gagnant des ventes sur cette dépouille (l’image de la marque se distribuant presque comme un élément fonctionnel de l’objet). Dans cette optique, il paraît donc clair que Samsung a joué ses meilleurs atouts jusqu’au bout et que ce ne sont pas la noblesse des arguments qui garantissent toujours la victoire. Car il faut le dire et le répéter : c’est à la fin d’une bataille qu’on compte les cadavres.

Les comptes rendus d’audience antérieurs :

Le premier compte rendu d’audience

Le deuxième compte rendu d’audience

Le troisième compte rendu d’audience

Le quatrième compte rendu d’audience

Le cinquième compte rendu d’audience

Source 1

Source 2