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Édito

Apple, à la hauteur du Plan Peillon ?

Boro

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Quelqu’un a-t’il enfin compris quelque chose aux enjeux posés dans l’éducation par le numérique, du moins de ce côté-ci de l’Atlantique ? À l’annonce du contenu du Plan «Faire entrer l’école dans l’ère du numérique» ? On est – pour la première fois depuis bien longtemps – tentés de répondre «Oui !» avec enthousiasme, après la présentation faite jeudi par Vincent Peillon et Fleur Pellerin… Et ce d’autant plus que ce plan-ci semble en filiation directe avec la vision de l’enseignement développée par Steve Jobs lors du Statewide Education Submit (lire Jobs et Woz toujours fringants).

L’intuition d’une classe numérique intégrée

En février 2007, le co-fondateur d’Apple avait en effet livré son intuition d’une salle de classe connectée, dans laquelle enseignants et élèves auraient accès à des contenus pédagogiques et des ressources documentaires, à partir d’appareils spécifiquement conçus pour consulter et produire des contenus. Avec le tact et le sens de la diplomatie qui faisaient sinon son charme, du moins la saveur de bon nombre d’anecdotes le concernant, Jobs n’avait pas manqué d’assortir son propos d’un plaidoyer bien senti pour des enseignants formés et motivés.

C’est à cette occasion qu’il était devenu évident qu’Apple réfléchissait dans son coin non seulement à l’iPad, mais bel et bien à une «solution globale» en matière d’Education, peu après que Jobs ait glissé qu’Apple travaillait sur la tablette depuis 2 ans, lors de la présentation de l’iPhone quelques semaines auparavant. C’est de cette vision dont on a vu l’aboutissement, avec la présentation d’iBooks Author et la nouvelle version d’iTunes U. N’y manque à présent qu’un écran d’une surface large pour le partage et la co-production des contenus par l’enseignant avec tout ou partie de sa classe, Tableau Blanc Interactif ou SmartTV, comme on voudra.

Prévenir une injustice culturelle et numérique

Or c’est précisément ce type de solution globale – on s’en doute bien indépendamment de toute marque ou environnement – que le Plan Peillon vise à déployer dès le Primaire, c’est à dire avant que d’autres problématiques ne viennent se mettre en concurrence avec celles de l’apprentissage chez de plus en plus d’élèves en situation de handicap socio-éducatif, à partir du Collège.

Car s’ils sont bien souvent utilisateurs «naturels» des technologies numériques, les jeunes se contentent bien souvent d’en égratigner à peine le vernis, alors que l’ensemble de ces technologies forme à présent une véritable «grammaire», au même titre qu’une langue, les mathématiques ou la démarche scientifique. Le Plan vise donc à favoriser l’éducation au numérique, mais également à s’appuyer sur les ressources du numérique pour remplir l’ensemble des missions de l’Ecole, en prenant cette fois appui sur les enseignants.

Les échecs n’ont en effet pas manqué aux 16 (seize !) plans informatiques précédents mis en place depuis les années 70, et notamment le tristement fameux Plan Informatique Pour Tous jusqu’au tout récent Plan Darcos pour une Informatique Rurale, en passant par leur récent équivalent britannique. A chaque fois en cause, l’absence de formation et d’implication des enseignants dans leur ensemble, ainsi que le manque de ressources pédagogiques adaptées en parallèle au déploiement de l’électronique parfois par palettes entières dans les établissements.

Une approche globale du numérique

C’est la raison pour laquelle le plan actuel prévoit certes un volet matériel, majoritairement adressé aux collectivités locales qui sont compétentes en matière d’équipement. Mais il se positionne surtout comme une approche globale centrée sur les besoins de l’école au XXIe siècle, immergée dans la société de l’information. C’est la raison pour laquelle est notamment une incitation à l’indispensable raccordement des établissements au Très Haut Débit, ainsi que l’appui à l’obtention de financements grâce à la Caisse des Dépôts ou certains fonds Européens ou la construction d’une offre globale équipement-prestations avec l’Union des groupements d’achats publics (UGAP) pour éviter aux municipalités le casse-tête des appels d’offres.

Mais il comporte surtout la mise en place d’un véritable campus numérique en direction des enseignants, afin d’assurer leur formation aux outils numériques et par les outils du numérique, notamment en s’appuyant sur les pratiques développées par les personnels les plus en pointe. C’est de cette manière qu’Apple s’était appuyée sur ses Apple Distinguished Educators (ADE) pour créer et animer ses ITICA en convention avec le ministère de l’Education Nationale à partir de 2004. Mieux, le Plan prévoit la mise en place de ressources, accessibles grâce à une plate-forme de partage des productions pédagogiques créées par les enseignants, ainsi qu’un certain nombre de ressources à même d’aider les élèves en difficultés et communiquer avec les parents.

Enfin – et peut-être surtout – le ministère délégué chargé des PME, de l’Innovation et de l’Économie numérique est associé pour le soutien à la création d’une filière dédiée au numérique éducatif, en s’inspirant de ce que la vitalité de la filière hexagonale du jeu vidéo et du secteur logiciel dans son ensemble a montré depuis quelques années. C’est là sans doute en effet la seule solution pour en finir avec l’inaction et les jérémiades des éléments les plus conservateurs de la corporation, qui justifient leur inaction au prétexte que les outils numériques «sont pour l’heure aux mains des américains» et «au service de leur soft power».

L’Ecole du XXIe siècle à inventer

Tout porte donc à croire que, cette fois-ci, il ne s’agit pas d’un énième plan de saupoudrage avant tout destiné à se payer de mots sur le dos du numérique, mais bel et bien d’une vision de ce que devra être l’école du XXIe siècle. Le modèle actuel, adapté pour partie de celui inventé en France par Jean-Baptiste de Lasalle au début du XVIIIe siècle et repris partout depuis, est en effet à arrivé à ses limites. L’enjeu est de taille : ré-intégrer dans la classe de demain le plaisir d’apprendre et de fonctionner intellectuellement, sur le mode collaboratif. Il s’agit bel et bien d’en finir avec le modèle pyramidal de transmission des connaissances devenu encore plus étranger à l’actuelle génération, née avec internet, que celui des « mandarins » a pu l’être à l’actuelle génération de parents et d’enseignants, née après 68.

La suite : la fin du tout (et du n’importe quoi) sauf Apple ?

Lire aussi Apple, trop «facile» avec l’iPad?

Le Plan Peillon sur le site du Ministère

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